mercredi 13 janvier 2021

L'Écosse Tournoi IMCF 2018 jour 3


 

 En me levant ce matin je constate que notre chambre fait très ambiance « mi-tournoi » c’est-à-dire, beaucoup de vêtements éparpillés dont on ignore ce qui n’est plus portable, ce qui peut dépanner et ce qui est propre mais qui a été sorti rapidement d’une valise et lancé quelque part dans la pièce, la spécialité de Benoit. D’ailleurs celui-ci est beaucoup moins « paquet de nerfs » maintenant qu’il n’a plus à se battre, qu’il n’a plus à coacher et que le tournoi roule bien. Aujourd’hui, sa priorité c’est de commenter les combats, surtout ceux de notre équipe féminine, va-t-elle remporter l’or encore cette année? C’est beaucoup de pression pour Gabrielle qui est aussi duelliste dans la catégorie épée et bouclier, mais Dan, son amoureux est là pour la soutenir et soutenir l’équipe. Du côté des hommes, Yan est duelliste dans la même catégorie.

 

En bas, dans la salle à diner, nous déjeunons au milieu des écrans de télé qui nous renvoient les points forts de la veille par le biais de l’émission quotidienne du matin de la BBC. Dire que chez-nous au Québec, pas un journal ne parlera de notre équipe qui gagne des médailles sous le fleurdelisé ou d’un Québécois qui gère une fédération internationale d’un sport d’abord européen. Personne ne parlera de ce Québécois qui travaille plusieurs centaines d’heures par année, bénévolement, pour produire ces tournois gigantesques en collaboration avec des châtelains, des gouvernements ou des organismes municipaux depuis 3 ans. Et surtout que ces tournois attirent 500 combattant(e)s provenant d’une trentaine de pays. Nul n’est prophète en son pays que l’on dit. Ouans c'est plutôt ne pas vouloir regarder l’éléphant dans la pièce.

 

Nous ne trainons pas et traversons à nouveau le petit chemin qui nous mène sur le terrain du tournoi.


 

Il fait encore un temps magnifique, la météo annonce du beau temps pour encore plusieurs jours, ce qui est assez inhabituel en Écosse, faut croire que nous apportons toujours le beau temps avec nous lors des tournois. L’an dernier au Danemark, nous avions eu une semaine complète d’ensoleillement avec des températures de 22-25°celcius.




 

Les combats des duellistes commencent alors que nous arrivons aux abords de la lice, le commentateur écossais, malgré qu’il soit vêtu en civil, est pas mal bon finalement. Notre méfiance en début de tournoi s’est rapidement transformée en complicité, il a compris que c’est un sport et le traite comme tel. Il anime superbement en soulevant la foule facilement enthousiasmée par les combats enlevants et régulièrement, pendant les moments morts, il fait de courts interviews avec des combattants pour faire patienter la foule et mieux encore, l’éduquer à propos de ce sport.

 

Carole arrive comme toujours avec son grand sourire et son sens de l’humour imparable, elle doit retourner faire des courses, elle doit faire le plein de jellybeans et d’oranges et m’offre de l’accompagner. J’ai justement besoin de nous ravitailler jusqu’à demain soir, alors j’accepte volontiers, et après avoir prévenu Ben, nous partons faire des courses en ville, toujours aussi costumées, colorées et de bonne humeur.

 

À notre retour, les duels sont déjà terminés, Yan a fini ses combats et ne s’est malheureusement pas qualifié, alors que Gabrielle a remporté son pool elle va donc en quart de finale en début d’après-midi. La journée va être intense pour elle puisqu’elle devra poursuivre avec les combats de béhourd.


 

 

Je vais partager l’euphorie ambiante à notre campement tout en préparant un petit gueuleton que nous mangerons en après-midi en haut dans la chambre des commentateurs. Benoit y est depuis un bon moment avec Dave pour la suite du 5 contre 5, la catégorie la plus longue parce qu’il y a plus d’équipes participantes. Aux micros, le duo écossais-québécois très animé et haut en émotions tient la foule stimulée.

 

Je laisse le groupe pour aller rejoindre Benoit en emportant un cidre bien froid pour lui. Au même moment, Brendan vient remplacer Dave, il est plus calme et posé, tous deux font un excellent travail en collaboration avec l’animateur en bas. Les combats deviennent de plus en plus excitants à suivre.  



 

 



 Quand les quarts de finales commencent, nous descendons un peu dans la foule, laissant Brendan poursuivre seul. On en profite pour aller voir Gabrielle gagner contre l’Espagnole, elle semble encore en pleine forme.  

 

On jase, on prend des photos, on relaxe…


 

Gabrielle gagne contre la Danoise, toujours bien entourée de son amoureux et coach Dan, de son amie Béné et bien sûr de la majorité des Québécois. Puis en demi-finale elle gagne contre l’Anglaise et se retrouve nez à nez avec l’Ukrainienne, donc l’or ou l’argent!

 

 

Elle rayonne, et ne semble pas trop souffrir de ses combats aussi rapprochés, parce que c’est ce qui arrive, plus on se rapproche du podium, moins il y a d’adversaire et plus les combats arrivent vite. Mais déjà elle entre dans la lice et mon p’tit doigt me dit qu’elle va remporter celui-là aussi.   

 

 

  

 

Et, après deux rounds, sous les « Québec! Québec! Québec! » de l’équipe, de la foule, Gabrielle gagne l’or! C’est la joie! Dom brandit bien haut notre drapeau et court faire un grand tour de lice. Bravo Gabrielle !! Sur cinq catégories de duels auxquels ils participaient, les Québécois(e)s ont remporté quatre médailles dont deux d’or! Nous sommes si fiers d’elles et de lui.






Mais notre championne n’a pas beaucoup de temps après la pause, les combats féminins commenceront, et elle fait partie de l’équipe. Après l’avoir félicité chaudement, nous retournons là-haut, Benoit tient à commenter cette partie du tournoi. Il n’a pas à être neutre puisqu’il n’intervient aucunement dans l’arbitrage, et même s’il est fier de notre équipe, il ne tarit jamais d’éloges, d’anecdotes et de commentaires constructifs et informatifs sur les combattants qu’il connaît, peu importe d’où ils viennent, c’est-à-dire, à peu près tout le monde.

 

Je m’installe confortablement, d’où je suis, je verrai toute l’action, sans aucune tête qui me bloque la vue et à l’ombre, le bonheur! Benoit me suggère aussi la minuscule chambre juste à côté, je pourrai me promener d’une fenêtre à l’autre pour différents angles de photos. D’ailleurs Caroline, notre photographe y est déjà, Ben lui a offert cette place parce qu’elle n’arrivait pas à faire son travail en paix. En effet, comme elle est toute petite, elle se faisait constamment pousser par d’autres photographes ou journalistes, sans gêne et sans scrupule, malgré son identification à son cou.

 

On annonce le début des combats, Benoit s’installe au micro et moi je vais saluer Lady Murray qui passe dans le couloir avant qu’elle n’aille s’installer elle-même à une autre fenêtre, puis je vais m’assurer que Caroline n’ait besoin de rien. Je reviens m’asseoir juste à temps pour voir Karin porte drapeau de l’équipe féminine, s’avancer dans la lice et faire un tour de lice, voilà l’équipe du Québec qui affronte leur plus féroce adversaire, l’équipe de l’Ukraine. S’avancent, Cloée, Béné et pour la première fois Marie-Pier.

 

L’arbitre s’assure que les deux équipes sont prêtes et crie « fight »!

 

Les filles s’engagent, et s’affrontent, Béné tombe avec son adversaire, Cloée en fait tomber une deuxième, puis agrippe la troisième qui lutte contre Marie-Pier, Cloée tombe et l’entraine avec elle, fin du premier round remporté par notre équipe!

 

Deuxième round, Fanny maintenant, qui débute comme Marie-Pier dans l’équipe. Elle est accompagnée de Gabrielle et de Béné. Les filles se dispersent dès le début, Béné tombe en entrainant au sol son adversaire, Fanny est mise au sol par une des deux Ukrainiennes debout. Gabrielle se retrouve contre la lice assaillie par les deux autres combattantes et leur résiste étonnement longtemps, elle qui a fait des combats toute la journée. Le gain va à l’équipe adverse.

 

Elles doivent donc faire un troisième round pour déterminer qui va gagner. On envoie le trio de vétéranes : Cloée, Béné et Gabrielle qui s’engagent avec assurance sur leurs adversaires. Elles s’avancent d’un même concert en les acculant dans un coin. Gabrielle lutte et amène son adversaire avec elle au sol, Cloée fait de même, reste Béné contre la lice qui succombe à son adversaire. Les Ukrainiennes remportent le combat. Mais à ce stade-ci, la médaille d'or n'est pas encore en péril.

 

    

 

Au bout d’une trentaine de minutes, nos filles reviennent et cette fois, contre les Françaises. Karin et la porte drapeau française viennent agiter leur drapeau dans la lice. Béné et Gabrielle s’avancent côte à côte au milieu et Cloée longe la lice comme elle le fait souvent pour prendre de côté. Les trois, chacune à leur adversaire, Gabrielle en fait tomber une, Cloée lutte un moment contre la sienne et finit par l’amener au sol avec elle, reste Gabrielle et Béné contre la dernière qui s’installe sur la lice, Béné s’accroche à elle pour la faire tomber, mais son épée glisse de derrière la tête et elle tombe par inadvertance, laissant Gabrielle seule avec la Française qui ne fait que résister sans trop bouger en s’agrippant à la lice. Gabrielle frappe et frappe encore, incroyable qu’elle ait encore autant d’énergie après deux minutes de combat, l’arbitre doit intervenir parce que la Française s’agrippe illégalement pour s’empêcher de tomber. Mais Gabrielle continue de distribuer coup sur coup avec son arme ou son bouclier, un moment la Française s’appuie de tout son poids sur Gabrielle qui est littéralement pliée en deux, mais Gabrielle réussit à se sortir au bout de quelques secondes et revient à la charge en frappant encore au corps et aux cuisses, son adversaire s’accroche encore à la lice et l’arbitre doit encore mettre son bâton sur le bras coupable de la Française, elle vient donc s’appuyer encore sur Gabrielle, c’est à croire que c’est sa seule façon de gagner. Cette fois, ça parait mal, plusieurs secondes, puis miraculeusement Gabrielle réussit une fois de plus à sortir de sa prise. La foule hurle d’excitation! Gabrielle revient à la charge, les adversaires luttent puis Gabrielle contre tout espoir empoigne son adversaire et la fait valser au sol. Wow! Elle a lutté presque trois minutes, seule à seule, trois minutes c’est très long!

 


       

 

 

Deuxième round : Marie-Pier, Fanny et Cloée

 

En quelques secondes Fanny et Marie-Pier en font tomber deux, Cloée qui lutte n’a pas le temps de distribuer des coups, trois contre une, le combat est arrêté, ça ne fait même pas 20 secondes que le round a commencé. Les rounds se suivent mais ne se ressemblent pas.

 

Québec gagne contre la France!

 

Je descends féliciter les filles et jaser un brin ici et là et en passant devant une estrade, y a un monsieur qui m’arrête et me demande si on m’a déjà dit que je ressemblais à Mérida, et apparemment la moitié de l’estrade a entendu la question et éclatent tous de rire en me voyant rouler des yeux, faussement exaspérée et rire de bon cœur avec eux. J’ajoute que je n’ai malheureusement pas le fort accent écossais de la princesse rousse mais j’ai un caractère très semblable, ce qui les fait encore plus rire. Y en a un qui réplique que les Québécoises, en désignant la lice, elles sont fortes! Je lui dis avec un clin d’œil qu’il n’a rien vu encore et que demain elles vont probablement défendre à nouveau leur titre de championnes mondiales. Les spectateurs autour sont enthousiastes à mes propos et je le sens, je viens de gagner un public pour encourager notre équipe féminine puisque l’Écosse n’en a pas de toute façon.

 

On annonce le prochain combat, Québec contre Afrique du Sud. Je remonte rejoindre Benoit en haut après avoir souhaiter bonne chance à l’équipe, il est maintenant accompagné de Chris Capaldi qui commente de son point de vue de joueur de Rugby professionnel.

 

C’est Cloée Fanny et Béné qui font le premier round. Chacune s’avançant vers une adversaire, Béné lutte un moment puis tombe avec la sienne, Cloée coincée quelques secondes sous le bras de la sienne, finit par faire tomber son adversaire et venir à la rescousse de Fanny qui tient son adversaire pendant que Cloée frappe fort comme toujours, la pauvre chancelle et Fanny lui assène le coup de grâce. Premier round gagné! Elles aident toutes deux, la malheureuse assise par terre à se relever.

 

 

Deuxième round, Marie-Pier, Béné et Gabrielle entrent en lice. Elles s’avancent ensemble côte à côte, puis Marie-Pier sur la gauche passe par derrière en se dirigeant et traverse à droite complètement, j’imagine pour dérouter les adversaires. Rapidement Gabrielle en fait tomber une, puis Béné en fait tomber une deuxième et vient rejoindre Marie-Pier qui lutte de son côté, elles se retrouvent trois contre une, le combat arrête, les Québécoises gagnent contre l’Afrique du Sud.

 

Finalement leur dernier combat de la journée, encore une trentaine de minutes plus tard, est contre l’Australie. Après le petit tour de piste de Karin qui brandit bien haut le fleurdelisé, Marie-Pier, Fanny et Béné entrent en lice. Même tactique qu’au dernier combat, elles avancent ensemble puis Marie-Pier bifurque à droite. Chacune séparément, Marie-Pier se retrouve contre deux adversaires et en fait tomber une. Béné échappe son fauchon et doit courir se chercher une autre arme, c’est la règle. Fanny lutte de son côté et Béné vient rejoindre Marie-Pier pour l’aider à faire tomber une des deux Australiennes, ce qu’elle réussit mais tombe avec elle. Marie-Pier vient aider Fanny à faire tomber la dernière qui s’écroule sous les coups de hache à deux mains de Marie-Pier.

 

Deuxième round, cette fois, Cloée, Béné et Marie-Pier s’avancent dans la lice. Le combat s’engage, chacune avec une adversaire, Cloée et son adversaire tombent après quelques secondes, Béné et Marie-Pier sont forcées de lutter pour déloger leur adversaire qui restent collées sur la lice, personnellement je déteste quand les combattants se contentent de ne pas tomber, ça peut durer longtemps et devenir un peu ennuyant. Béné finit par tomber avec la sienne, reste Marie-Pierre contre la dernière Australienne.

 

Les filles sont déplacées de la lice car, le gant de Marie-Pier est coincée, le combat reprend, de notre côté nous savons que Marie-Pier s’est fracturé le cubitus près du poignet la semaine passée en Italie durant le tournoi de BOTN et a décidé de se battre quand même, nous imaginons sa douleur. Elle réussit tout de même très bien à tenir sans trop donner de coups en bougeant et en obligeant son adversaire à bouger dans le milieu. Marie-Pier est grande et athlétique, elle a un bon cardio et son adversaire semble s’essouffler, ce qui lui donne une chance de s’en sortir malgré sa main cassée. Bien sûr nous avons tous gardé le secret pour éviter que ses adversaires tournent cet handicap à leur avantage en tentant de frapper sur sa main. Au bout de deux minutes et demi, Marie-Pier réussit à la faire plier et la faire tomber. Québec gagne! Demain elles seront en finales!


 


 

 

 

On ne le dira jamais assez, pour faire ce sport, il ne suffit pas d’être fort ou comme le pensent à tort certains, d’être corpulent, il faut être en bonne forme physique, Gabrielle et Marie-Pier l’ont démontré en tenant deux à trois minutes avec une armure sur le dos, Gabrielle après une journée à faire ses duels et Marie-Pier avec une main cassée.

 

Demain, quatre équipes s’affronteront en finale, l’Ukraine, les États-Unis, la Finlande et le Québec.

 

Pour l’instant on finit la journée avec le All vs all hors catégorie qui est ouvert à tous, d’abord chez les femmes ensuite chez les hommes. Je suis curieuse de voir si nos Québécoises y participent, je pense que ce serait une mauvaise idée d’aller risquer d’être blessée la veille des finales. Néanmoins je vois un tabard du Québec s’avancer dans la lice, mais je ne reconnais pas le casque…pour une bonne raison, c’est Charles qui essaie de s’immiscer dans le combat de filles. J’en informe Benoit en riant, qui le dénonce au micro, Charles lève les bras dans un geste comique de grande déception, ce qui fait rire la foule qui s’attarde encore dans les estrades. Elles sont une vingtaine à venir s’amuser et pour cause ce sont toutes des combattantes qui sont éliminées des finales.


Tout de suite après, une cinquantaine de gars clôture la journée avec leur All vs all, ces combats de fin de journée permettent aux adversaires d’être aussi, le temps de quelques rounds, dans la même équipe. Il ne faut pas oublier que la fédération c’est une communauté qui se côtoie chaque année au tournoi international comme celui-ci, dans d’autres tournois comme ceux où nous sommes allés déjà (Irlande, Japon, Argentine, E-U, etc.) mais aussi sur les réseaux sociaux, donc ça va de soi que la plupart des combattants et des arbitres se connaissent de près ou de loin.

 


 

 

 

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