mardi 14 février 2017

Des fois ça va mal, mais y a toujours aussi l'amour



Le « All vs all » vient tout juste de commencer mais sans nous y attarder, c’est le cœur en liesse que nous redescendons à notre campement avec nos amis belges. Les bouteilles de bières sur la table se vident à mesure que le soleil se couche et tout en célébrant la victoire de Béné, nous réalisons que l’alcool fort coule aussi en bonne quantité et trop vite, nous rappelons que les gars doivent affronter l’équipe polonaise le lendemain…matin. C’est une équipe très forte, mais si nous gagnons, nous ramenons une médaille de bronze, et tant que le tournoi n’est pas terminé nul n’en connaît l’issue. Après avoir eu l’impression de parler chinois en s’adressant ainsi aux autres, Benoit prend Andrew à part et lui rappelle que son devoir de capitaine est de ramasser son équipe et de les ramener à l’hôtel le plus tôt possible pour éviter d’avoir une équipe encore éméchée à présenter le lendemain. Ils pourront faire la fête demain quand tout sera fini. Andrew qui a déjà un peu commencé le party aussi, a beau approuver, toutefois sans grande conviction, nous sommes convaincus que c’est perdu d’avance. Nous en sommes conscients quand on tente de faire entendre raison à ceux susceptibles de raisonner, nous sommes les « casseux de party », donc après un rappel chargé de colère de Ben à Andrew, nous prenons les clés de voiture et nous quittons pour notre hôtel.

Nous mangerons dans notre chambre d’hôtel après avoir acheté des fromages, saucissons, noix et quelques bières à l’épicerie en face. Nous sommes furieux, le mot est même un peu faible. Nous mettons toutes nos billes dans ce tournoi et voulons maximiser les chances de ramener une médaille, des médailles ça attire les médias et les médias ça attire les foules, et au final ça fait connaître ce sport. Au Québec, nous en avons besoin de ce «spotlight», dans la plupart des pays participants au tournoi, le béhourd prend de l’ampleur, sauf chez nous, on a peine à avoir une équipe complète vraiment sérieuse. Et ce soir nous en avons encore une fois la preuve. Y en a un qui revient plus tôt, il a quitté le party parce qu’il y a du souci chez eux, son cœur n’est pas ici, et il a dû se rendre compte que l’alcool n’était pas suffisant à lui faire oublier.

Benoit est un peu dégoûté, il a fait des compétitions dans d’autres sports et jamais on ne tolère que les athlètes fassent la fête la veille d’un combat. Comment prendre ce sport au sérieux alors? De mon côté, j’ai des relents d’Aigues-Mortes et ça me décourage, au moins, pour une fois, je ne suis pas seule.

Andrew finit par arriver, il est autour de minuit, il a ramené une partie du groupe, tous à des degrés divers d’ivresse, il est en colère parce qu’il s’est engueulé avec un ou deux gars de l’équipe qui sont demeurés là-bas. Certains convaincus de l’impossibilité de vaincre l’équipe polonaise, ont décidé que c’était inutile de se préparer, comme mentalité de looser on ne fait pas mieux. Il y en a un dans l’équipe particulièrement fêtard, qui ne se bat pas et qui est venu « en principe » pour servir d’écuyer, il est le premier à dériver et à tenter d’en entraîner d’autres dans son sillage. Andrew prend le parti de son ami et coach…et de la raison, avec l’alcool grand vecteur de querelles, la guerre a pogné, et tout ce beau monde devra se retrouver dans la lice dans quelques heures, Bravo! Au moins y en aura un qui sera plus frais que les autres, et cette fois-ci, à moins d’un miracle ultra céleste millénaire, l’Ost perdra contre les Polonais.

Après une courte nuit de sommeil, et après avoir réveillé Andrew et lui rappeler, de rappeler aux autres le combat de ce matin, nous n’avons pas très envie de voir qui que ce soit avant d’avoir bu un café, ce qui est impossible en restant à l’hôtel, nous irons déjeuner chez notre vieux chum Mc Donald. Ce matin j’ai commencé à ramasser un peu nos bagages qui sont, chaque voyage, étalés comme s’ils avaient explosé dans la chambre. Le désordre n’est pas tellement un sujet de dispute pour moi et Benoit. Nous sommes tous les deux bordéliques, nous pouvons re-décorer une pièce en moins de deux, mais il vient un temps où faut se ramasser et je suis celle qui s’en soucie le plus rapidement. J’ai rangé tous les costumes et les accessoires historiques, en dehors de ce que nous porterons aujourd’hui. C’est déjà presque la moitié des bagages d’emballés et qui resteront fermés jusqu’à notre retour à Montréal dans quelques jours. Demain, nous quittons Malbork et nous passerons la journée à Gdansk, puis repasserons chez Adam à Eberswalde avant de retourner à Francfort pour reprendre notre vol.   

Le ventre plein, le grand café fort dans les mains, nous devrions être en mesure de commencer la journée. Les autres arrivent et sortent leurs pièces d’armure sans grand enthousiasme. Les filles leur donnent un coup de main tout en discutant avec nos voisins belges pas très frais non plus, mais eux au moins, ils ont terminé de concourir. Ben enfile ses jambières et son gambison et je l’aide à transporter le reste de l’équipement jusqu’à la lice avec les autres membres de l’équipe. L’ambiance s’est un peu réchauffée parmi les Québécois, l’absence d’éléments à problème aide beaucoup à ramener la paix.

On annonce le prochain combat : Québec-Pologne! Les gars se dirigent sur le bord de la lice, et finissent de s’armurer, l’arbitre, comme toujours, vérifie et s’assure que le casque de chaque combattant soit bien attaché, avant de donner son approbation. Les gars se mettent en ligne, face à leurs adversaires et attendent le signal « Fight! ». Les Polonais encouragés par la foule, prennent vingt secondes à mettre toute l’Ost au sol au premier round et quarante secondes au deuxième round. Un massacre! Ils sont très fort et ils ont la foule avec eux, mais la victoire est encore plus facile quand l’équipe adverse a perdu psychologiquement avant même de commencer?

Malgré tout, en sortant de la lice, le capitaine québécois, salue respectueusement la foule. L’Ost est éliminé.


Dans quelques minutes commencent les finales pour les équipes de 5, de 10 et de 16, les combats des deux dernières catégories ont eu lieu la veille et l’avant-veille après les duels. Les équipes étant plus grandes, elles sont moins nombreuses à concourir, ainsi ça va un peu plus vite. Quand nous retournons sur le bord de la lice après avoir aidé nos gars, nous arrivons juste à temps pour voir les Polonais remporter la finale contre les Anglais. Puis soudainement je vois apparaître une Polonaise dans le milieu du terrain, visiblement la douce d’un des combattants qui se tient dans le milieu et qui l’invite à le rejoindre, je sens qu’il se passe quelque chose d’important, j’ai des antennes pour ce genre d’affaire. Le Polonais qui a une oreillette en guise de micro s’agenouille devant sa dulcinée quand elle arrive à sa hauteur, ça y est j’ai déjà les yeux plein d’eau avant même qu’il la demande en mariage, j’ai beau rien comprendre au polonais, le langage de l’amour est universel, et je crois bien que je pourrais reconnaître une déclaration d’amour même en klingon,


L’amoureux, toujours agenouillé, lui présente son petit boitier avec la bague de fiançailles, et bien sûr elle dit oui et lui saute au cou. En jetant un coup d’œil autour de moi, je peux voir qu’il y a pas mal de dames qui soupirent et qui regardent en coin leur copain qui lui-même doit trouver l’idée de faire sa demande dans ce contexte assez intéressante. Ce n’est guère étonnant en effet, si on considère que le béhourd est issu de la chevalerie comme on se la représente au Moyen âge, et cette « chevalerie » à mon avis c’est le pendant masculin de « romantique ». Dans cette demande en mariage, je peux voir la rencontre d’un fantasme partagé, mais avec des mots différents pour le nommer. Et c’est justement quand il est partagé ainsi qu’il est puissant, je pense qu’un homme qui vient de se battre, tout en sueur qui s’agenouille devant celle qu’il aime et pour ajouter, prend délicatement le tissu de sa robe pour y déposer un baiser va émouvoir pas mal plus que celui qui apporte des fleurs et une boîte de chocolat. Non? L’amour au fond ça coûte pas cher!


Bon évidemment y aura toujours aussi dans cette foule qui m’entoure, les autres gars qui maudissent secrètement ce fiancé polonais inspiré, parce que leur blonde va leur en parler toute l’année dans l’espoir de vivre un moment comme celui-là. Ça, y en aura toujours malheureusement et dans tous les milieux, mais chères demoiselles célibataires, je vous le dis, ce milieu du béhourd est un terreau fertile. ;-)  

samedi 11 février 2017

Jour 3: Amitié, une médaille d'argent et fierté nationale.


«Ensemble dans la même direction, des rêves en commun». Photo prise par Béné en cette fin de journée.
  C’est sous un soleil éclatant mais insuffisant à réchauffer à cause du vent froid matinal, que commence cette troisième journée de tournoi. Ben, Igor et Andrew de nouveau partis à leur meeting, le reste de notre gang traîne autour du campement pendant que Béné se prépare tranquillement pour la grosse journée qui l'attend. Moi je discute avec mon ami Julien, dont la tente est installée pas très loin de la nôtre. Nous nous sommes installés un peu ensemble entre francophones, Québécois, Français et Belges. Julien est devenu un ami, on se connaît depuis Aigues-Mortes, et chaque fois c’est un bonheur de le retrouver. Il m’arrive souvent de m’étonner à quel point ce grand et solide gaillard dont les yeux clairs et magnifiques semblent receler toute la bonté du monde, devient une brute redoutable dans la lice, particulièrement quand il croise le fer avec des Anglais. C’est quelqu’un de droit, qui te regarde direct dans les yeux sans ciller et je me dis que son regard doit être insupportable quand il est chargé de colère, une chance qu’il porte un casque avec une visière dans la lice! Mais quand nous nous retrouvons, il redevient le papa si fier de sa fille; l’ébéniste qui me parle de son autre passion, la première étant le béhourd; le Français fils d’aubergiste, dont l’établissement recevait chaque année bon nombre de touristes anglais, et depuis n’en garde pas de bons souvenirs. C’est un ami au cœur immense avec qui j’aime toujours discuter, il a quelque chose dans sa façon de raconter qui me rappelle un peu Coluche. Son humour aussi m'interpèle, et je devine une profondeur d'âme derrière son air débonnaire, bref c’est toujours un plaisir de le revoir chaque année. Oui promis Julien, un jour nous irons en Auvergne et nous aimerions que ce soit toi qui nous la fera découvrir! 

Oups, j'ai triché, photo prise au Portugal cette année.

On ne tarde pas trop longtemps au campement parce que nous ne voulons pas manquer les prochains combats de Béné, celle-ci doit affronter sous peu la Luxembourgeoise. Nous n’avons pas de duelliste masculin à présenter pour cette catégorie et nos amis belges et français n’ont pas de duelliste féminine cette année, nous avons donc avec nous pas mal de supporteurs.  

 Je vois Jana l’épouse de Jay, chez qui nous sommes allés le mois dernier, elle est complètement emmitouflée, tellement elle a froid. Normalement elle prend des tonnes de photos et films car c’est elle qui s’occupe de l’image publique de l’équipe, mais elle gèle depuis le début du tournoi. Elle est d’une nature timide et parle peu, et avec mon anglais de survie, nos conversations sont pour le moment assez limitées.

Nous suivons les performances de notre Québécoise et de son adversaire qui terminent à égalité et doivent faire un round supplémentaire, bref, en prolongation comme au hockey. C’est Béné qui gagne! Elle va devoir rencontrer la Néo-Zélandaise, puis l’Australienne, et qui sait, peut-être ira-t-elle encore chercher l’or? Nous le saurons aujourd’hui.
 
Béné et Amélie, entre deux rounds.
Moi qui suis sensible aux ambiances musicales, je désespère un peu d’entendre en boucle depuis le début du tournoi les mêmes cinq ou six pièces, c’est-à-dire Final countdown, Eye of the tiger la musique des génériques de Game of thrones et de Hobbit et We’re gonna fight. Non mais sérieux, comment peut-on manquer son coup à ce point-là?!!! L’année prochaine j’apporte une clé USB avec plein de musique épique et je l’apporte aux gars de la sonorisation pour le bien de tous.

Une heure plus tard, Béné et la Néo-Zélandaise sont à égalité, elles doivent faire un round supplémentaire, ce qui fait que c’est le huitième round de Béné depuis ce matin. Aujourd’hui, ses adversaires lui donnent plus de fil à retorde, mais on ne peut exclure qu’elle ne se bat pas dans sa catégorie habituelle et elle gagne encore! Je vais les rejoindre, elle et Amélie sous l’auvent, Béné s’est blessée à une main lors de ce combat, mais rien de bien grave, rien qui ne l’empêchera d’affronter l’Australienne dans une vingtaine de minutes. Elle va dans la tente des ambulanciers et ceux-ci lui font un bandage et une petite réparation de dernière minute est effectuée par un de nos gars sur son miton afin de mieux protéger sa main. Si le combat avait été du béhourd (en équipe) il aurait été préférable de déclarer forfait, parce que c’est beaucoup plus rude que les duels.


On appelle les prochaines concurrentes, la Québécoise et l’Australienne, nous sommes tous fébriles, même si nous sommes conscients que notre championne est blessée, nous sommes tout de même confiants. Il y a de plus en plus de combattants, combattantes, accompagnateurs qui se tiennent autour de la lice, tout près et qui suivent attentivement cette valkyrie québécoise que rien ne semble arrêter. J’observe discrètement la Polonaise qui affrontera la gagnante, elle parle avec son capitaine, la nervosité se lit dans ses yeux. Le combat semble interminable, et pour une bonne raison, les adversaires doivent faire un round supplémentaire, un douzième pour Béné. Un round qui déterminera si elle remporte une médaille dans cette catégorie.

Nous tentons de la supporter du mieux que nous le pouvons, Amélie à ses côtés toujours, Andrew qui lui envoie quelques encouragements bien sentis et nous qui sommes autour de la lice. La caméra perchée au-dessus d’elle suit tous ses mouvements de ce round enlevant, l’arbitre crie son habituel « Stop the fight! » au bout d’une minute et après délibérations des compteurs de points, il annonce la gagnante et c’est Bénédicte! Comme toujours, les filles se font une accolade, s’échangent quelques bons mots et retrouvent leur groupe respectif. Même si elle perdait le prochain combat, elle est en troisième position, donc elle a la médaille de bronze, mais nous verrons dans une bonne heure si elle poursuivra son ascension.


En après-midi la température a grimpé de plusieurs degrés, le soleil chauffe tout autant mais, comme le vent est tombé c’est beaucoup plus agréable, du moins pour ceux et celles qui ne se battent pas. Les demi-finales ont commencé, et Béné est de nouveau en lice contre la Polonaise, la foule suit attentivement, comme la plupart des combattants. Qui des deux, aura l’argent…ou l’or en affrontant la dernière concurrente, l’Allemande? Le combat est intense, et la pression est grande, nous encourageons Béné à plein poumons, et en jetant régulièrement les yeux sur les écrans géants, je réalise que les caméras l’aiment beaucoup. Et c’est la victoire!!! C’est une sacrée défaite pour l’équipe polonaise.

On dirait que rien ne peut arrêter notre combattante, sa main tient toujours le coup et il ne lui reste que ce combat final. Elle aura fait près de vingt rounds aujourd’hui, ils ont beau durer une minute, ce sont des minutes ultra intenses. Mais comme c’est une fille très sportive au quotidien, elle sait comment gérer cette intensivité physique et bien sûr comment bien récupérer.

Les combattantes prennent place, chacune dans leur coin, écoutant attentivement les conseils de leur capitaine, même si la visière de leur casque est maintenant baissée, on peut deviner qu’elles se jaugent, qu’elles s’observent et qu’elles espèrent trouver la faille qui fera tomber l’autre. Elles se retrouvent au milieu, frappent ensemble le bout de leur épée en guise de salutation et commencent à se battre, c’est serré…Deuxième round, de mon point de vue, je n’ai aucune idée laquelle des deux est en train de dominer l’autre. Troisième round, les filles retournent à leur coin et on les avertie qu’une décision est prise, donc elles peuvent retirer leur casque et venir rejoindre l’arbitre au milieu. Gagnante, l’Allemande! Tout de même, Béné agrémentera sa médaille d’or d’une p’tite sœur en argent.


Mais que va-t-on faire demain à la cérémonie de la remise des médailles? Je suis heureuse que ce soit Andrew le capitaine, un souverainiste comme Serge, le fondateur de l’Ost, comme Benoit, le représentant qui s’est battu pour faire reconnaître le Québec comme une nation à l’IMCF et finalement comme moi. On ne peut faire jouer l’hymne canadien, sans nous compromettre dans notre fierté québécoise. Ce n’est peut-être pas l’avis de tous les membres de l’équipe, mais c’est celle de son capitaine. Je pense que si on peut attribuer une âme et une histoire à l’Ost, elle est sans contredit et profondément québécoise. À Aigues-Mortes, Serge, alors capitaine de l’Ost avait fait jouer une pièce instrumentale de la Bottine souriante lors de la cérémonie d’ouverture, même si cette année, comme l’année dernière on ne met pas d’hymne pendant le défilé de la cérémonie, nous en avons quand même besoin pour le moment où Béné recevra sa médaille d’or.


Andrew cherche dans son téléphone et opte pour Martin de la Chasse-Galerie de la Bottine souriante, ça n’a rien à voir avec un hymne national, mais le choix est bon, c’est une pièce qui nous ressemble et tant qu’à faire parler de nous, faisons-le avec éclat. J’ai tellement hâte de voir la tête des gens quand la chanson commencera à jouer! 

mardi 7 février 2017

Combats sous un ciel apocalyptique!


C’est tout en joie que nous retournons vers notre campement où il y a beaucoup d’animation, étant juste à côté du passage principal qui mène aux groupes de tentes, plusieurs s’arrêtent en chemin pour venir féliciter la championne. Les Belges, nos proches voisins et amis, partagent notre bonheur avec nous. Quand Béné réussit enfin à se changer, nous décidons, Amélie, elle et moi d’aller manger une bouchée sous la tente de Saladin. Comme par hasard, il y a une bière au menu exprès pour notre championne qui porte son nom : la Benedicte.

Le soleil est sorti finalement en après-midi, mais on voit poindre au loin de gros nuages gris foncé et j’ai l’impression, si je me fie à la force du vent, qu’ils amènent des averses assez rapidement. Je laisse les filles et vais rejoindre mon chum qui a fini sa tâche d’arbitrage. Nous descendons au campement et sur le chemin nous croisons plusieurs combattants qui s’en vont participer au «All vs All». Traditionnellement à la fin du tournoi, ce combat épique hors concours qui réunit tous les participants volontaires départagés en deux groupes, a lieu cette année à chaque fin de journée. C’est un spectacle très enlevant pour les spectateurs et je crois que ça un effet bénéfique sur les combattants.

Lorsque nous arrivons à notre tente, il commence à pleuvoir, puis grêler violemment, nous nous retrouvons tous sous l’auvent des Belges, partageant avec eux le peu d’espace intact, je pense que nous n’avons jamais été aussi intime avec eux! Durant les quelques minutes que dure cette spectaculaire trombe, nous nous demandons comment ça se passe dans la lice, nous imaginons tout le paquet d’hommes et de ferraille s’agglutiner sous le chapiteau qui bien que grand, ne peut contenir tout ce beau monde qui forcément, s’est fait surprendre brusquement.

Quand tout s’arrête, aussi soudainement que ça a commencé, le sol est jonché encore de petites boules de glace et surtout la terre est submergée d’eau, les bas de robe et de cape vont être trempés et pleins de boue avant qu’on soit rendus à notre hôtel. La circulation reprend et on voit plusieurs combattants redescendre avec leur armure, nous apprenons que le combat a eu lieu sous la pluie et la grêle, le ciel était tout noir, c’était magnifique nous a-t-on dit. Effectivement ça devait être un spectacle grandiose! J’imagine tout le travail qui les attend, pour essuyer les pièces d’acier pour éviter qu’elles ne rouillent et surtout tenter de faire sécher les gambisons qui ne seront pas secs demain matin, c'est impossible! Mais ils ont l’air heureux comme des gamins, ils viennent de vivre un moment inoubliable, c’est ce qui compte.


Est-ce l’attrait pour le risque ou la trop grande fatigue à l’idée de chercher où nous mangerons ce soir qui nous réunit un peu plus tard dans la salle à manger de l’hôtel?  Je pense que c’est surtout parce que nous mourrons de faim, nous avons envie d’être ensemble et dans nos vêtements mous au chaud et au sec. Le menu est simple et très abordable et la bière vient d’amblée avec les plats de schnitzels que nous commandons, Ben, Amélie, Béné, Yan Vez et moi, tous assis à la même table. J’observe encore, j’y peux rien c’est plus fort que moi, les décorations tout autour de moi. Quand les plats arrivent, on constate avec bonheur que contrairement au buffet, la nourriture est simple et savoureuse. Nous mangeons avec appétit sans trop nous attarder, puis nous filons vers nos chambres et l’extension commune, le couloir, où certains s’installent avec leur ordi ou leur téléphone.


Demain Béné, qui se bat dans la catégorie épée et bouclier ne tarde pas à aller se coucher, Ben et moi l’imitons peu après. Avant de me coucher j’étends sur un cintre les vêtements humides et je compatis pour ceux qui dorment actuellement dans leur tente, entourés de vêtements mouillés et froids. J’espère qu’il y avait quelqu’un assez téméraire pour filmer ou prendre des photos … 

dimanche 5 février 2017

Jour 2 «L'Or!»


Le soleil s’est caché pour le reste de la journée on dirait bien et il vente, nous obligeant à nous habiller plus chaudement, sauf que c’est une température idéale pour tous ceux et celles qui doivent porter une armure et combattre. Rien de pire qu’une journée étouffante et ensoleillée. Pour nous Québécois, comme tout autre combattant qui habite un pays qui connait les hivers enneigés et froids, combattre à l’extérieur apporte un obstacle supplémentaire. Souvent obligés de s’entraîner dans un gymnase, à cause de la neige ou de la gadoue au printemps, ils luttent donc plus souvent avec des espadrilles sur un sol bien lisse, qu’à l’extérieur. Lorsqu’ils arrivent au tournoi mondial à la fin du printemps, ils doivent composer avec la terre inégale, parfois glissante à cause du gazon, en bottes médiévales, obligatoires au tournoi. C’est d’ailleurs parce qu’il a glissé accidentellement, entraînant sa chute et permettant à son adversaire de lui placer trois bons coups, qu’Étienne qui s’était hissé en quart de finale à l’épée longue, a perdu son combat contre l’Autrichien. Toute une frustration! 


Béné, de son côté s’en sort très bien, après ses deux autres victoires contre l’Argentine et la Japonaise, elle rencontrera en demi-finale, l’Anglaise, plus tard dans la journée. Donc elle gagne une médaille, on ne sait juste pas encore laquelle, ça va être la première pour le Québec. Nous sommes tous derrière elle, particulièrement Amélie qui l’aide à mettre et enlever ses pièces d’armure, qui veille à ce qu’elle ne manque pas d’eau, de nourriture ou de pansement quand il y a des petites blessures, bref elle est complètement dédiée au confort de son amie.


Je kidnappe mon chum, sans trop de résistance de sa part, et nous allons diner sous la tente de Saladin en cette journée nuageuse et fraîche, un bon thé odorant nous fera du bien. C’est l’endroit le plus «IN» aujourd’hui…après le kiosque de l’armurier-forgeron dans le campement historique. Ce dernier est régulièrement sollicité pour arrondir des pointes d’épée qui ne passent pas l’inspection ou pour réparer des armes ou des pièces d’acier sur une armure en échange de contributions. Je suis certaine qu’offrir ce service pendant quatre jours à quelques centaines de combattants qui mettent sérieusement leur matériel à l’épreuve, ça doit être pas mal payant en fin de compte.

C’est une bonne chose, ils font revivre un métier qui n’existait plus depuis l’arrivée des armes à feu. Et pour le public, le spectacle qu’offre le forgeron en plein travail devient divertissant et instructif. C’est souvent la mission que se donnent les amateurs de reconstitutions historiques, ils se servent de leur passion de vivre momentanément dans le passé pour apprendre un savoir, le pratiquer et transmettre ensuite leurs connaissances au public. Des métiers comme tisserand, teinturier, forgeron, armurier, enlumineur, orfèvre, verrier, dentellière, revivent grâce à ces passionnés du Moyen âge. Le plus magnifique, c’est qu’ils nous font découvrir la vraie beauté du travail bien fait, à la main, et non pas sorti d’une usine. Ça « reconnecte » les gens avec la réalité du tangible, du matériel utilitaire qui les entoure. Aujourd’hui on touche un bouton, et la lumière s’allume, n’est-ce pas fascinant de regarder des gens fabriquer un moule qui servira à couler des cierges qui jadis, une fois allumés, procuraient avec la lueur du foyer, la seule lumière de la maison une fois la nuit tombée? Je pense que c’est une prise de conscience qu’il est bon de faire, à quel point le travail d’un artisan aura toujours une valeur hautement supérieure à un produit sorti d’une usine, parce qu’on y trouve de la poussière de l’âme de son créateur. Encore trop souvent j’entends des gens, se plaindre du prix d’un meuble, d’un bijou ou d’un vêtement fait à la main et c’est normal puisqu’ils comparent systématiquement avec tout ce qui se vend en magasin, des produits usinés à la chaîne où travaillent des millions d’exploités et où le plus gros profit se ramasse dans les poches de quelques individus qui n’ont touché du produit que l’argent généré. Bref, être témoin du travail que représente dans son ensemble la fabrication d’un objet, ça remet un peu les pendules à l’heure.


Après avoir justement fait le tour des artisans, nous retournons aux combats juste à temps pour voir Béné gagner en demi-finale, elle devra rencontrer la combattante polonaise. Même si celle-ci a le soutien du public et que c’est une sacrée bonne combattante, nous avons quand même espoir que Béné gagne le duel. Cette dernière est encore en pleine forme et elle a gagné tous ses combats assez facilement, disons que son adversaire semble la redouter un peu.


J’avais hâte de voir l’attitude des filles entre elles, je m’attendais à les voir plus compétitives et moins amicales, je me trompais, du moins jusqu’à maintenant. Elles n’hésitent pas à se parler sous la tente, à rire ensemble et discuter de leurs armures, mais à mesure que le combat approche, chacune prend sa distance et semble évaluer l’autre. Nous sommes tous derrière elle, ou plutôt autour d’elle lorsqu’elle entre en lice et nous crions son nom à l’unisson. Elle ne se laisse pas du tout impressionner par son adversaire, la majeure partie du temps elle lui fonce dessus, définitivement elle domine complètement la Polonaise, et c’est sans surprise qu’elle remporte la finale d’épée longue en deux rounds. VICTOIRE! Première médaille pour le Québec et rien de moins que l’or remportée par une femme dans un des sports les plus virils que je connaisse.

vendredi 3 février 2017

Jour 2 «Femmes fortes»





Aujourd’hui ce sont les duels qui commencent et mon chum pourra donner une chance à son corps de se réparer un peu puisque sa tâche se limite à l’arbitrage, comme si c’était une p’tite job pffff. Nous devons partir tôt pour son meeting d’arbitre et Andrew pour celui des capitaines. Nous passons faire un coucou aux autres toujours aussi enthousiasmés par les mêmes choix attrayants de plats exotiques et nous optons pour un trio mc muffin en chemin.  Pendant que les gars se rendront sur le terrain, j’irai chercher la bouffe et surtout le café.

Au Mc Do j’en profite pour aller faire des coucous aux miens sur facebook, c’est vraiment une bonne chose pour nous de pouvoir nous connecter sur le WI-FI dans ces restaurants. C’est une des meilleures décisions qu’ils ont eu d’un point de vue marketing aussi.

Je retourne au terrain avec notre lunch et retrouve rapidement Ben avec ses super lunettes qui ont d’ailleurs soulevé ce matin « l’Ire » de certains puristes qui sont dans l’organisation. Mais bon, acceptent-ils un arbitre aux verres fumées ou bien un arbitre qui ne voit pas ce qu’il évalue? Ça fait un peu maugréer certains mais au bout d’un moment chacun retourne à ses tâches et vont « slaquer la poulie ». Ben avale d’une bouchée son lunch pendant que je me trouve un coin au soleil pour prendre un peu plus mon temps en attendant que la journée commence réellement. Un des arbitres, ami d’Adam et qui fait avec lui de la reconstitution historique vient me rejoindre avec un jeune homme, hollandais comme lui. Nous discutons de la pluie et du beau temps, des combats d’hier et ils me disent avoir été impressionnés par l’équipe du Québec. Au bout d’un moment, Klaus, l’ami d’Adam, va rejoindre les autres arbitres tandis que Reinder, le plus jeune reste à bavarder avec moi. Je cafouille en anglais du mieux que je peux lorsqu’il me dit qu’il connait un peu le français et que je peux lui parler dans ma langue, ainsi ça lui permettra de pratiquer la langue de Molière.

Nous discutons de toute sortes de sujets, et un moment, je lui raconte le choc que nous avons eu hier soir avec la télé polonaise, ce qui nous amène à parler du féminisme et à comparer la condition des femmes dans différentes régions du monde. Nous réalisons que c’est au nord que les femmes ont les meilleures conditions et nous en concluons, sans trop nous prendre au sérieux, que c’est probablement une question de survie dans l’histoire de l’évolution humaine. Vivre dans des conditions plus sévères, oblige les femmes à être plus forte dans tous les sens du terme et forcément à être plus respectée par les hommes à ce moment-là. Chez lui en Hollande, les femmes semblent vivre un peu les mêmes réalités que les Québécoises, en fait comme une bonne partie des Nord-Américaines, des Irlandaises, des Écossaises, des Anglaises, des Allemandes, des Danoises, des Norvégiennes, ou des Suédoises. Même si, pour plusieurs de ces femmes, il y a encore beaucoup de chemin à faire en matière d’égalité (salaire, postes, embauche, etc.), elles sont plus traitées en partenaires de vie, que simplement en épouse, maîtresse et/ou mère. Je raconte à mon nouvel ami qu’au Québec, les femmes sont obligées de garder leur nom lorsqu’elles se marient, et ce depuis 1981. Tout un contraste avec leurs grands-mères qui aux yeux de la loi devenaient, comme la mienne «madame Paul Béchard», perdant ainsi toute identité personnelle derrière celle de son époux.  Je ne dis pas qu’elle est unique au Québec, mais à ce jour je n’ai pas rencontré cette loi ailleurs.

Cependant, on soulève le cas des pays slaves, pays nordiques pourtant, qui font preuve trop souvent de misogynie, comme par exemple l’émission polonaise d’hier soir et à part quelques vagues hypothèses, nous demeurons sans réponses. C’est intéressant aussi de transposer le féminisme dans le béhourd, certaines équipes masculines acceptent qu’il y ait des équipes féminines dans leur fédération ou association et d’autres le refusent. Chez-nous, on a encore trop peu de combattantes pour avoir une équipe à l’IMCF et les filles qui ont envie de se battre ont commencé à s’entraîner avec les gars, Bénédicte qui se bat en duel, se pratique avec les gars, puisqu’elle manque d’adversaire, mais aussi parce que la plupart de nos combattants l’acceptent, ce qui va de soi pour eux. Y en a tout de même encore certains Québécois qui hésitent sous prétexte que la peur de les blesser les ralentira dans leur ardeur. Personnellement, je crois que c’est de la mauvaise foi et que les gars qui refusent de s’entraîner avec elles, craignent plutôt de voir empiéter leur territoire, leur chasse gardée et qu’ils ont peur de manger une volée par une fille. C’est à mon avis une forme de sexisme. Et malheureusement c’est le cas pour plusieurs équipes, même s’ils amènent une équipe féminine, ils refusent de pratiquer avec elles. Benoit, de son côté, considère que c’est en multipliant au maximum ses adversaires, hommes comme femmes, qu’on devient des meilleur(e)s combattant(e)s, une constatation qu’il fait depuis qu’il fait du jiu jitsu. Il en fait depuis quelques années déjà et sur le tatami, il est coutumier de voir les gars et filles s’entraîner ensemble. Pour le moment j’ai bien hâte de voir comment ça se passera avec Béné, mais je suis convaincue qu’elle se classera dans les finales.

Autour de la grande lice, que l’on a divisée en quatre sections de sorte qu’il y aura quatre combats qui se dérouleront en même temps, on s’affaire. Ça commence à bouger, des arbitres s’installent et des filles commencent à se préparer et déjà quelques-unes vont dans leur coin, comme des boxeuses, accompagnées de leur coach ou quelqu’un qui fait office de coach. Pour les duels, c’est différent du béhourd, c’est généralement moins rude parce que la victoire est obtenue avec des points et non pas nécessairement en jetant l’adversaire au sol. Bien sûr, dominer l’adversaire en le jetant par terre donne des points, mais un(e) duelliste peut très bien remporter ses points uniquement sur la façon qu’il rend ses coups. Béné a une bonne technique, mais en plus elle est grande par rapport aux autres filles et est offensive dans son approche, ce qui fait que d’emblée, elle semble effrayer ses adversaires et ça a tout de même un effet psychologique. Elle est aussi très sportive et a donc un excellent cardio, disons qu’elle a de très bonnes chances de ramener au moins une médaille.



La voilà justement, affronter la combattante d'Afrique du Sud qu’elle gagne après trois rounds. Elle revient s’asseoir sous le chapiteau avec Amélie, son écuyère, et d’Étienne qui a lui aussi remporté son premier combat.