dimanche 15 avril 2018

Premier jour, première catégorie, première médaille d'or: Cloé «scissors» Germain !






Le tournoi peut commencer, tout le monde est prêt et semble impatient d’y participer, l’atmosphère est fébrile dans la cantine bondée et il fait un temps radieux. Aujourd’hui nous aurons les duels à la hallebarde, l’Ost présente Cloé et Dom qui débuteront dès la cérémonie d’ouverture terminée.

Cloé avait demandé à Benoit s’il pouvait être dans son coin lors de ses combats et celui-ci lui avait promis qu’il y serait sans faute. Il lui rappelle sa promesse ce matin, question de la rassurer puisqu’il a tellement été occupé depuis notre arrivée. Il a organisé sa journée pour faire en sorte qu’il ait le plus de disponibilité pour elle. C’est important pour lui d’être à ses côtés, comme il l’a toujours fait depuis qu’elle a intégré l’équipe des Blackwolves, il y a deux ans. 

On nous annonce que la cérémonie va bientôt commencer et que nous devons descendre près du château pour le défilé habituel. Les combattants n’ont pas besoin de mettre leur armure bien que plusieurs enfilent tout de même quelques pièces avec leur tabard. Tous les Québécois du groupe, mettent leur ceinture fléchée et amènent le drapeau gigantesque du Québec. Je trouve ça très drôle, je constate à quel point nous prenons de la place, comme si nous avons soif depuis si longtemps d’être reconnus, de nous démarquer culturellement. Et ici nous pouvons exister, et quand on gagne des médailles c’est en notre propre nom et non celui du Canada.




Les équipes se mettent en rang, en ordre alphabétique, de sorte que nous sommes loin derrière, mais juste devant les Écossais, ensemble nous formons une grosse tache bleue et blanche. Avant que le défilé ne se mette en branle c’est toujours un peu long et chacun en profite pour bavarder dans les rangs. Je fais de même quand je vois Nuno et Isabel passer tout près de moi, quel bonheur de les revoir! Maintenant que le flambeau est passé au Danemark, ils peuvent relaxer, on se rappelle que l’an dernier, le tournoi s’était organisé chez eux à la très dernière minute. Benoit et Nuno avaient relevé le défi alors que beaucoup avaient baissé les bras et avaient envisagé de passer à Botn (les compétiteurs). L’organisation avait été ultra stressante, Benoit et Nuno avaient tenu à bout de bras ce tournoi, tous les jours Benoit avait dû tenter de convaincre chaque équipe de participer, malgré la propagande qui se faisait derrière pour tuer le tournoi IMCF. Un combat quotidien épuisant et bénévole mais qui a donné des résultats éclatants compte tenu des complications qui viennent avec le manque de temps, d’argent et d’aide. Mais aujourd’hui c’est derrière nous tout ça et nous en discutons avec un brin de désinvolture tous les trois. L’IMCF est bien assise sur des bases plus solides, le défi qu’a surmonté Benoit l’an dernier ne l’a que conforté dans son rôle de vice-président et il tient sa place et ses tâches comme un pitbull sur un os.

Le défilé se met en branle, je quitte mes amis pour aller prendre place auprès de mon groupe, qui dans la bonne humeur entame haut et fort, des chansons de la « Bottine souriante ». Nous sommes très colorés, diversifiés dans nos vêtements médiévaux, dix gars (Ben est avec le présidium dans la lice) et neuf filles. Tous unis, sous notre drapeau, par notre musique et symboliquement avec notre ceinture, ça fait du bien à mon âme.

Nous prenons place à notre tour dans la lice, face aux estrades pleines de spectateurs et écoutons le discours du président Hubert en anglais et celui de Bo, directeur du musée en danois, puisque c’est à la foule de spectateurs assis dans les estrades qu’il s’adresse. Pour poursuivre la tradition, je suis en train de brûler sous le soleil, même si nous restons environ 30 minutes dans la lice. La cérémonie ne s’éternise pas, nous devons faire vite car nous avons beaucoup de combats aujourd’hui. Aussitôt qu’Hubert lance son « Let the tournament begin! » les équipes s’en vont rapidement à leur quartier général pour préparer leurs duellistes masculin et féminin.

Les arbitres reconnaissables de loin avec leurs tuniques jaunes sont déjà en train de s’installer près de la lice, je vais faire un coucou à Steve notre knight marshall (arbitre en chef) que j’avais croisé la veille avec beaucoup de bonheur. Avec le voyage qu’on a fait ensemble en Argentine deux mois plus tôt, il est maintenant un ami pour la vie, et c’est la même chose pour Caitlin dont la bedaine a poussé depuis deux mois. Comme à son habitude elle marche pieds nus, j’imagine qu’aujourd’hui dans le sable chaud, c’est plus confortable qu’à Malbork, quand je l’ai connu, enceinte de 7-8 mois, sans ses bas et ses chaussures, où il faisait quand même assez froid et humide.

Cloé et Dom arrivent et s’installent près des arbitres et attendent leurs combats, deux petites lices ont été aménagées à l’intérieur de la grande pour permettre de faire deux combats en même temps. Dom en est à sa première expérience en tournoi IMCF et Cloé y participe pour la deuxième fois et elle a bien l’intention d’aller chercher l’or cette fois.





Mais si Cloé a perdu son premier combat contre l’Ukrainienne, elle a gagné tous les suivants, ce qui fait qu’elle se retrouve en après-midi, nez à nez, en finale contre l’Ukrainienne. Cloé athlète ultra performante, a dominé complètement toutes ses adversaires et personne n’est surpris qu’elle se hisse à la première place, une médaille d’or qu’elle va chercher presque facilement cette fois-ci. Faut dire que Cloé est, je crois, du moins au Québec, la fille qui s’entraîne le plus régulièrement et le plus sérieusement, elle fait du cardio, de la lutte, du football et enfile son armure dès qu’elle en a l’occasion. Rappelons-le, elle a fait un tournoi en Irlande à l’automne, elle en a fait aux États-Unis et BOTN en Espagne le mois précédent. L’an dernier, au Portugal, elle avait remporté la médaille d’argent, dans des conditions qui ne lui étaient pas favorables. Son armure avait été égarée à l’aéroport et quand on le lui avait rendu, elle avait fait la moitié de ses combats avec l’armure de Christine, une armure bien différente de la sienne et qui limitait ses mouvements.




Elle remporte sous nos cris d’encouragement, la médaille d’or! Comme nous sommes fiers d’elle! Elle rayonne! Elle mérite tellement cette victoire!

Dom, de son côté, n’a pas eu autant de chance…même s'il est tout de même sorti premier de son pool et a affronté le combattant polonais en quart de finale, combat qu'il a finalement perdu. Il s’est bien débrouillé pour une première participation au tournoi mondial. Comme c’est son anniversaire aujourd’hui, il aurait bien aimé s’offrir le cadeau d’une médaille, mais ça sera peut-être pour une prochaine fois. Cependant, son équipe ne l’a pas oublié, et veut lui offrir un gâteau dans la salle du Centre. Quand je croise enfin Benoit entre deux tâches organisationnelles, je lui en fait part et il me répond qu’il aimerait bien être là et que si je pouvais demander aux autres de l’attendre juste un p’tit peu, une grosse demi-heure tout au plus.

Quand j’entre dans la salle, je passe le mot discrètement, je suis un peu surprise de constater que si quelques-uns sont compréhensifs, d’autres me regardent comme si je leur demandais une faveur intenable. Encore une fois, ça me heurte, pour certains, Benoit n’est pas des leurs, il ne fait pas partie de l’équipe parce qu’il met son énergie sur l’IMCF et non sur l’équipe. Je me demande si un jour on comprendra que Ben est, depuis l’an dernier, l’un des moteurs principaux de l’événement pour lequel ils sont tous venus. Quand il arrive tout essoufflé, le souper d’anniversaire est déjà pas mal commencé et comme il s’apprête à manger les quelques trucs sans gluten qu’on a pu trouver (canne de thon, galettes de riz soufflé, du fromage et des crudités) à ma grande surprise, Bear se lève et tient à remercier le travail que Benoit accomplie, c’est-à-dire le tournoi. Je vois bien que mon homme est touché et un peu inconfortable, il n’a pas l’habitude qu’on reconnaisse devant tout le monde ses bons coups, surtout pas venant de sa gang du Québec. J’essaie de ne pas m’attarder sur les visages fermés pendant l’élocution de Bear pour me réjouir avec les autres qui approuvent, j’envoie mon plus beau sourire à notre orateur et tiens la main de mon amoureux pris par l’émotion.

Évidemment on souligne la belle victoire de notre Valkyrie québécoise, première journée et déjà une médaille d’or dans l’Ost du Québec. Solide et fonceuse, notre guerrière se fait remarquer depuis l’an dernier, les combattantes des autres pays commencent à la redouter, elle est très forte et quand elle entre en lice, en équipe, elle fonce sans hésiter. Quand on suit de près les combattant(e)s comme je le fais depuis cinq ans, on arrive à deviner ce qui se passe sous l’armure, on arrive à saisir les émotions, la peur, la colère, la joie et quand je vois Cloé s’avancer, je la sens impitoyable pour ses adversaires.

Vers la fin du souper, le groupe se lève pour « donner la bascule » à Dom, comme celui-ci est très grand et corpulent, ça prend plusieurs paires de bras pour arriver à le hisser plus d’une vingtaine de fois dans les airs. La bascule, ça faisait longtemps que j’avais vu ça! Ce rituel est encore bien vivant à ce que je vois. Je regarde autour de moi et je vois le visage amusé et étonné de plusieurs, ils semblent un peu surpris de notre façon de souligner l’anniversaire de quelqu’un. Tiens j’aimerais bien questionner à ce sujet, ces Danois, Français, Néo-Zélandais, etc. Font-ils quelque chose de semblable chez-eux pour souligner les années de celui ou celle que l’on célèbre? Au Québec ça se faisait bien avant ma naissance, mais il semble que c’était beaucoup plus désagréable que la version pratiquée aujourd’hui, celle que moi j’ai toujours connu, où le fêté s’en sort indemne. Disons qu’auparavant il existait toutes sortes de combinaisons destinées à faire un peu souffrir ou humilier l’élu. Rien de grave mais tout de même, un assez mauvais moment à passer pour tenter de se sauver ou se cacher.

Ça ne m’est jamais venu à l’esprit de le faire à mes enfants (évidemment la version « soft » lors de leur anniversaire, pas que j’étais contre, mais ça ne m’est jamais venu à l’esprit, un truc oublié avec une partie du patrimoine. Déjà dans un appartement bondé de visites, de tout-petits enfants et un gros chien, c’est un peu hasardeux, voire dangereux. De revoir ça aujourd’hui, m’indique que c’est encore bien vivant et quelque part au fond de moi, ça me fait plaisir.

La soirée se poursuit en bavardage et quand je regarde à l’extérieur, je suis troublée par toute cette clarté de fin d’après-midi alors qu’il est 21:30 heures, j’ignore pourquoi exactement, mais je m’étais imaginée que notre séjour au Danemark serait nuageux, humide et froid alors que jusqu’à maintenant c’est tout le contraire, c’est une température idéale estivale. Et si on se fie à Météomédia, ça va être ainsi le reste de la semaine. Le problème avec des journées aussi longues d’ensoleillement c’est qu’on ne ressent pas le besoin d’aller se coucher, ce qui fait que lorsqu’on finit par y aller, il est déjà très tard. Quand j’en fais la remarque à Ben, il me répond avec un haussement d’épaule : « Meh, dormir c’est pour les faibles! ».



Je suis les combats en me déplaçant constamment, le groupe du Québec est installé en plein soleil, un soleil qui plombe trop pour ma tête, c’est pourquoi je bouge. Benoit n’est jamais très loin de Cloé, dès qu’elle entre en lice il la suit, s’assurant de lui prodiguer conseil, encouragement et eau. Béné aussi y est car c’est officiellement la coach des filles et des gars.


Cloé perd son premier combat, faut dire qu’elle se bat contre l’Ukrainienne qui est très forte, en fait l’équipe au complet l’est. Auparavant, nous n’avions que deux ou trois duellistes ukrainiens, le reste de l’équipe participait plutôt à l’autre tournoi, plus accessible pour eux. Cette année ils ont réussi à obtenir une subvention de leur gouvernement qui leur permettra d’y participer, en échange de lettres et d’explications produites par Benoit et Hubert. Ceux-ci, sont particulièrement excités car l’équipe ukrainienne c’est une équipe très forte, la plus forte avec celle des Russes à Botn, et pour les combattant(e)s qui font les deux compétitions, c’est un nouveau challenge de les affronter dans un tournoi IMCF avec les règles de l’IMCF où il n’y a pas d’argent en jeu.