Lundi, petit matin pluvieux et brumeux,
c’est inévitable après deux jours ensoleillés, l’Irlande a repris sa routine et
son climat habituel. On s’en fout un peu, nous ne sommes pas venus ici pour ça
de toute façon. Après avoir ramassé nos bagages et s’être habillés, nous
réveillons Cloé question qu’elle ne nous cherche pas inutilement quand elle se
lèvera car nous allons déjeuner dans un restaurant, tiens pourquoi pas l’hôtel à
cinq minutes à pied.
Quelques minutes après s’être installés, les
parents de Brendan entrent dans la salle, visiblement ils ont dormi à l’hôtel,
nous sommes ravis de les inviter à notre table. Pour une fois nous avons le
temps de discuter tranquillement et ça fait changement, c’est très agréable.
Nous sommes à une étape de nos vies où notre situation nous permet d’avoir des
discussions intéressantes avec différents groupe d’âge. D’abord les plus jeunes
qu’on côtoie constamment dans notre activité, et même si nous sommes dans la
quarantaine et que nous faisons partie d’une minorité dans ce sport, ça nous
garde en contact direct avec les plus jeunes. Toutefois, en tant que parents
(Janik et Karelle sont dans la jeune vingtaine) nous sommes en mesure de
discuter avec d’autres parents, partageant des inquiétudes, des espoirs, des
fiertés semblables. Quand j’y pense, Brendan n’a que quelques années de plus
que mon fils, mais je le perçois comme un ami. En discutant avec ses parents je
prends conscience à quel point, je ne maternise jamais ces jeunes dont
plusieurs pourraient être mes enfants, ce sont des ami(e)s. Peut-être aussi, le
fait que nous ayons tout perdu il y a deux ans et que nous ayons choisi de
vivre une vie qui ressemble beaucoup plus à celle des jeunes que celle de nos
parents ou des gens de notre âge, nous permet une complicité avec eux qu’ils
n’auront peut-être pas avec leurs parents.
Nos enfants ont maintenant leur propre
vie, nous n’avons plus de chien et nous vivons dans un tout petit appartement,
juste suffisamment grand pour contenir le strict minimum et qui nous sert de
pied à terre quand nous sommes ici. Il est hors de question que nous pensions à
nous acheter une maison un jour, même si nous en avions les moyens, pour nous,
une maison c’est une prison dorée qui demande trop de responsabilités,
d’argent, de temps et qui t’empêche donc de voyager.
De retour au château, nous donnons un coup
de main à Brendan pour ramasser les lits des voyageurs, repartis tôt ce matin,
et ramassons nos bagages et les descendons dans le hall. Pendant notre absence,
Cloé est partie visiter Galway, et comme nous devons partir dans moins d’une
heure pour aller prendre notre bus pour Dublin, nous n’aurons pas le temps de
la saluer.
L'humidité |
La salle d'entraînement de l'équipe irlandaise |
Avant de partir, Brendan nous montre leur
salle d’entraînement au château, nous qui avons tant de mal à trouver un espace
intérieur décent au Québec, sommes ébahis et jaloux. Puis nous descendons à
regret pour appeler notre taxi et saluer les quelques amis irlandais qui sont
venus ramasser et nettoyer toute trace du tournoi de ce week-end, mais que nous
retrouverons heureusement en mai au Danemark.
Dans le taxi qui nous amène au terminus on
discute avec le chauffeur d’origine pakistanaise intrigué par notre accent. Il
nous révèle que s’il adore les Irlandais, en revanche, il ne s’est jamais
habitué au climat, bien qu’il vive ici depuis quelques années. Il nous parle
d’un cousin qui habite Montréal et à quel point celui-ci lui parle des tempêtes
de neige, il aimerait bien le visiter un jour, en hiver, mais pas trop
longtemps.
Lorsqu’il nous dépose, nous notons que la
course nous a coûté moins chère qu’elle ne l’aurait coûté à Montréal, je le
note mentalement. C’est le genre de détails qu’on apprend à mémoriser quand on
voyage beaucoup. Nous lui donnons un généreux pourboire, considérant qu’il a
tenu à mettre et enlever lui-même tous les bagages, juste pour l’armure et les
épées c’est presque héroïque, il l’a gagné cette course-là!
Comme nous sommes tout prêts de l’arrêt de
notre autobus, je reste avec les bagages pendant que Benoit va acheter les
billets à l’intérieur. Nous sommes excités comme des puces, on va enfin voir
Dublin, autrement que par la sortie de son aéroport. Notre autobus a l’air d’un
gros insecte avec son gros œil unique (immense pare-brise) et ses miroirs qui
ont l’air des antennes. C’est avec beaucoup d’entrain que nous nous engouffrons
dedans, après avoir déposé dans la soute à bagages nos trois grosses valises
(dont une gigantesque) le gros sac de sport, le sac à dos et ma petite valise
de cabine. Je sens que ça va me faire tout drôle quand je monte les marches,
sur le côté opposé de ce que j’ai toujours été habituée, et nous choisissons de
nous asseoir dans le premier banc, juste derrière le chauffeur, donc… à droite.
Au début, je trouve ça un peu vertigineux
d’être assise aussi haute, avec un pare-brise qui descend jusqu’à mes pieds à
regarder défiler le paysage et les voiture en sens opposé, mais au bout d’un
moment je m’y habitue. Je pensais bien que nous dormirions, mais c’est sans
compter notre propension à mémérer, c’est pourquoi notre trajet de deux heures
se fait à échanger nos impressions sur ce qu’on a vécu jusqu’ici, sur ce que
l’on voit en ce moment et sur ce que l’on veut faire à Dublin.
L’autobus nous dépose en plein cœur du
centre-ville de Dublin, pas directement au terminus qui nous éloignerait trop
de notre destination. Nous aurions peut-être dû le faire finalement… D’abord
parce que descendre et récupérer nos encombrants bagages au milieu d’une rue
qu’on pourrait comparer par son achalandage à St-Laurent, à l’heure de pointe,
où le sens de la circulation est pour nous chaotique, est un vrai challenge.
Ensuite, faut trouver un coin pour empiler nos bagages pour ne pas nuire aux
autos, aux vélos, aux piétons qui circulent tout bord tout côtés et trouver un
taxi assez grand pour nous prendre. Au bout de quinze minutes à nous faire
refuser la course par tous les taxis qui nous passent sous le nez, Ben part à
la recherche d’un stand à taxi, peut-être qu’il pourra s’informer pour une
voiture plus grande. Pendant ce temps je reste à surveiller nos bagages, pour
la forme, j’aimerais bien voir la tête du premier qui tenterait de partir avec l’une
de ces valises, bonne chance!
J’ai l’impression d’être dans l’œil d’une
tornade, tant je suis complètement décalée d’avec le brouhaha autour de moi, et
je n’ose pas bouger de peur de me faire happer par le courant. Je n’ai guère le
choix quand Benoit arrive en taxi dix minutes plus tard. Le chauffeur, proche
de la retraite, affiche un air découragé mais poli quand il voit tous nos
bagages, il a vite compris pourquoi nous avons eu tant de mal à obtenir un taxi.
On doit faire vite, les rues sont assez étroites et bondées par la circulation,
c’est assez étourdissant. Ben, compréhensif, l’aide à mettre le tout dans la
valise et sur le siège derrière avec moi, puis nous lui refilons l’adresse qui
est à moins de dix minutes d’ici, mais qui aurait été impossible de marcher,
chargés comme nous le sommes. Arrivés à destination, on essaie de descendre le
plus rapidement possible avec nos bagages. Cette fois-ci, on ne peut pas dire
que notre chauffeur est aussi sympathique que celui à Galway, peut-être est-ce
le stress de la ville, l’âge, qui sait?
Nous devons attendre l’ami de celle qui nous
loue son minuscule appartement, il habite tout près et il viendra nous porter
la clé. Comme nous ne communiquons que par Internet, c’est un peu téméraire car
il nous faut trouver du WI-FI autour de nous. Je n’ose imaginer la situation
advenant que nous n’ayons jamais la clé, mais il finit par arriver et nous
entreprenons de monter les valises…au troisième étage. Les couloirs sont
minuscules et les étages ont chacun, un système de détection qui allument
temporairement la lumière quand nous y passons, nous laissant dans le noir
entre deux étages. Comme nous ne pouvons laisser les bagages seuls en bas, ça
nous prend un bon quinze minutes à tout monter.
La porte (rouge et noire) qui nous mène à notre p'tit AirbNb |
L’appart est minuscule et a déjà eu
certainement des jours plus heureux, mais il est propre, il a du WI-FI et est
dans un quartier très achalandé donc très intéressant. De toute façon, on se
dit que nous ne sommes pas ici pour rester dans cet appart, nous n’avons besoin
que de son utilité, pour y dormir et se laver. C’est pourquoi nous le quittons
rapidement question d’aller explorer les alentours et manger.
Un pub magnifique...dans une ruelle |
Lorsque nous atterrissons sur le trottoir,
on se laisse prendre avec bonheur cette fois par le flot urbain, sans valises
et sacs, c’est plutôt grisant. Nous sommes profondément citadins et préférons
la ville et son mouvement impétueux que la campagne et ses plaisirs bucoliques.
Nous apprécions cette liberté que l’on a de nous déplacer partout facilement,
dans un espace pas si grand (le tiers de la superficie de Montréal) mais qui
regorge de trésors et d’histoire. Les ruelles sont tout aussi intéressantes que
les rues et si à Montréal ces endroits originellement plutôt sales et mal
famés, sont maintenant de plus en plus beaux et verts, ici on y trouve même des
pubs magnifiques.
Nous profitons donc de cette liberté et
déambulons aussi longtemps que nos jambes veulent bien nous porter, puis nous
arrêtons dans un pub pour manger et prendre un verre avant d’aller nous coucher
repus et fatigués. Demain, une grosse journée nous attend!
La devanture de notre édifice |