mardi 31 janvier 2017

D'autres réalités




Nous sommes heureux mais les gars sont fatigués et ça se comprend après une journée aussi intense de combats et pleine d’émotions. Nous sommes affamés aussi, c’est pourquoi, après que Ben et Andrew aient revêtus des vêtements secs, laissant toutes les pièces de gambisons sécher dans et autour de la tente qui contient à pleine capacité les armures, nous décidons d’aller au plus facile, McDo! Il est à cinq minutes à pieds…en marchand pas vite, mais curieusement, Ben et Andrew font augmenter la moyenne violemment en s’arrêtant aux vingt pieds pour mémérer avec d’autres combattants. Bien sûr McDo c’est international et on dirait que tout le monde a eu la même idée que nous, c’est pourquoi quand nous entrons on retrouve plein d’amis dont Adam qui décide de manger avec nous. Évidemment tout le monde est sur son I-phone pour bénéficier du Wi-fi, les Québécois en ont long à raconter, même s’ils savent que leurs proches ont probablement suivi les combats sur Internet par streaming, c’est une première cette année.

Il est encore tôt, le soleil n’est pas couché, mais nous optons pour une pause confortable à l’hôtel. L’épicerie est juste en face, nous y achetons quelques bières pour en prendre une relax dans notre chambre dont les ramifications vont rejoindre celle des autres dans le couloir. C’est notre lieu commun, il l’est devenu tout naturellement, comme je l’avais prévu, pour le Wi-Fi. La plupart de la gang est revenue tôt aussi et c’est pourquoi nous nous retrouvons au milieu des cinq chambres en pyjama ou ce qui fait office de pyjama, à goûter aux différentes trouvailles achetées en face, pour pas cher. C’est l’avantage de voyager dans un pays où le coût de la vie, pour nous, n’est pas élevé, ça nous permet d’essayer. Quand ton budget est serré, tu t’en tiens aux valeurs sûres pour être certain de manger à ta faim. Ici la monnaie c’est le zloty qui vaut environ 0.32 sous et les aliments sont moins chers que chez-nous, ce qui fait qu’en voyant les prix à l’épicerie, nous avons toujours des surprises agréables. Tu vois un «six packs» de bières à 8 zlotys, ton cerveau analyse 8 dollars et tu réalises que finalement tu dois réduire au tiers du prix. Beaucoup de marchandises qui sont à 50-60% de ce que nous avons au Québec et parfois beaucoup plus, comme cette bière par exemple. Les salaires étant nettement moins élevés, pour les Polonais, le coût de la vie n’est pas confortable comme il l’est pour nous qui voyageons chez eux.

Quand nous fermons notre porte, nous ouvrons la télé par curiosité, j’aime toujours m’amuser à analyser une société par ses médias, ses pubs, ses émissions de variété, parfois c’est très révélateur. Je suis d’ailleurs choquée quand justement dans l’une d’elle, même si je ne comprends pas un mot de ce qui se dit, la femme est totalement un objet, plus encore que dans certaines de nos pires pubs de bas étage. L’animateur discute avec deux de ses invités quand une cloche sonne dans l’émission annonçant ce qui m’apparaît comme une pause/publicité, une femme sort en déshabillé digne d’un sex shop, transportant un cabaret avec des verres pour l’animateur et ses invités. Pendant qu’elle s’avance vers eux, la caméra gros zoom sur les fesses, elle leur donne leur verre et s’en retourne le plus naturellement du monde. Des femmes objets, on en voit nous aussi dans nos pubs, peut-être présentées plus ou moins hypocritement, mais ce qui m’hallucine à ce moment-là, c’est la réaction de ces messieurs et le public en studio. Alors qu’ici, y aurait eu des sifflements, des commentaires, des malaises, parce que ce n’est pas censé être habituel, ici rien, ça semble tout à fait normal. Nous sommes subjugués! Bien sûr nous avons nos salons de l’auto ou des événements d’un type sportif en particulier (boxe ou MMA) où les filles ont l’air aussi de sortir d’un film de fesse, mais dans une émission de variété à l’heure de grande écoute et que ça semble « normal » ?

Un peu dépassés, nous changeons de poste et nous tombons sur un genre de téléroman américain, traduit en polonais mais…avec UN traducteur pour faire les voix des deux, trois personnages, dont une femme, à l’écran. Nous nous écroulons de rire dans notre lit! On ne peut pas s’empêcher d’imaginer un tel dialogue dans une scène de sexe! Faut bien se rappeler qu’il y a tout juste vingt-cinq ans, la Pologne comme l’Allemagne de l’Est, sortaient du communisme et s’ouvraient « officiellement » à la culture de l’ouest. Ça explique peut-être aussi, une certaine naïveté dans la décoration des restaurants ou des établissements modernes. Dans ce pays dont l’histoire se perd dans la nuit des temps, maintes fois perdu, maintes fois conquis et qui comme le phœnix vient de renaître, nous sommes, c’est le cas de le dire complètement dépaysés et nous avons hâte d’en découvrir plus.

Sur ces réflexions analytiques, je finis par m’endormir bien avant que Benoit sorte de sa douche avec ses nouvelles ecchymoses, presque des amies, tellement il les voit souvent.  


lundi 30 janvier 2017

Les béhourd'heureux



Par un heureux hasard, c’est juste devant eux que nous nous trouvons dans le cortège qui attend, derrière la forteresse, de se mettre en branle pour le défilé de la cérémonie d’ouverture. Leur drapeau bleu et blanc se marie parfaitement au nôtre et ensemble, nous formons un amas un peu turbulent à discuter, blaguer et se prendre en photos ensemble. Quand nous commençons à bouger enfin, nous constatons qu’il y a plusieurs admirateurs qui applaudissent et agitent leur petit drapeau tout au long du chemin qui nous mènera devant la foule et à l’intérieur de la lice. Au passage je note même certains fleurdelisés, je leur offre mon plus beau sourire.

Les écrans géants vont apporter tout une autre dimension au tournoi cette fois et ça devrait être pas mal plus facile de suivre les combats pour les spectateurs. Tiens je nous vois en plein écran, nous, tout en bleu et blanc et ma tête rouge de cheveux et de visage qui pointe au travers.  

Lorsque toutes les équipes ont défilé devant la foule et qu’elles se sont immobilisées en rang l’une à côté de l’autre, le directeur de l’IMCF et quelques dignitaires dont le maire de Malbork, adressent des discours en polonais à la foule, ce qui au bout d’un moment nous apparaît une éternité, puisque nous ne comprenons rien, parce que le soleil nous plombe un peu dessus et parce que les gars ont des combats de béhourd qui les attendent dès cet après-midi et trépignent un peu d’impatience.

Les duels d’hallebardes ont tous eut lieu en avant midi et je sais maintenant que s’ils ont attendu plus tard dans la journée pour faire la cérémonie d’ouverture c’est bel et bien pour éviter que 300 personnes paradent en costumes et armures devant des estrades vides. Y a toujours plus de monde en après-midi. Une heure plus tard, plusieurs équipes sont prêtes à commencer, même si y a encore plusieurs combattants aux toilettes, leurs intestins dérangés par la nervosité.

Nos gars doivent affronter les Danois en premier, Jesper en a profité pour avertir Benoit, en le taquinant, que si celui-ci endommageait son casque de rechange tout neuf qu’il allait l’achever. L’équipe danoise est aguerrie et expérimentée et l’Ost se fait ramasser en deux rounds, bien que le deuxième demeure assez serré, se terminant avec deux Danois et un Québécois encore debout. Les gars des deux équipes se congratulent, s’aident à se relever et vont sous la grande toile qui sert d’abri pour les combattants, pour se protéger du soleil ou de la pluie. Des centaines de bouteilles d’eau y sont empilées, et quelques chaises sont disposées pour les accommoder. C’est souvent assis ou couchés par terre qu’ils finissent et c’est fantastique de voir tout ce beau monde se mélanger et fraterniser.


Après d’autres combats, voilà nos valeureux devant les Français, et après une défaite au premier round, ils gagnent les deux suivants, ce qui leur donne du courage et une incroyable énergie pour affronter ensuite le Pays de Galles. Ils sont beaux à voir tant ils se battent avec du cœur au ventre ce qui leur accorde la victoire en deux rounds, un des combattants adverses sort du combat avec les ambulanciers à cause d’une commotion. Les combattants québécois sont beaux à voir aussi pour une autre raison, en entrant dans la lice ils vont toujours faire une accolade à leurs adversaires et les aident toujours à se relever après le combat. On m’a raconté qu’Andrew a été un des premiers à faire ces accolades de cette façon avant même que la Fédération soit créée, et puis c’est devenu un peu une distinction québécoise puis une distinction de l’IMCF. Peu à peu les autres équipes ont emboîté le pas et maintenant plusieurs autres équipes le font. Même chose aussi pour ce qui est du contact avec la foule, en effet on attribue à un combattant québécois l’initiative de saluer pour la première fois, genou par terre tête baissée, comme un chevalier le faisait au Moyen âge, ça avait à l’époque, fait beaucoup d’effet sur les spectateurs. Depuis, même si ce n’est plus aussi théâtral l’Ost salue chaleureusement la foule ça a quelque chose de très gentlemen et dans un certain sens, ce sport nous apparaît un peu moins brutal.


De mon côté, j’essaie de prendre des photos, cette année il a été décidé de garder le public à distance, seuls les accompagnateurs et accompagnatrices peuvent se tenir autour de la lice, obligatoirement costumés. On veut éviter qu’un spectateur ne vienne trop près et puisse être blessé, le désir de garder le décorum tout autour y est pour quelque chose. Les photographes désignés par les équipes, ou les journalistes, ont reçu un laisser-passer qui leur permet de s’approcher vraiment près de la lice. J’en ai justement un et je ne me gêne pas pour m’en servir.     



Pour l’instant les gars sont très enthousiastes, ils ont deux victoires et une défaite, et ils leur restent un combat contre la Nouvelle-Zélande. Benoit qui était sorti durant le combat contre les Français à cause d’une blessure, est revenu au combat contre le Pays de Galles et est en pleine forme. Il s’avance sur le côté avec Andrew parce qu’ils travaillent toujours ensemble, Andrew en immobilise un et Benoit frappe, ils se passent la victime, d’ailleurs leurs adversaires les surnommeront les « Lumberjack brothers » après les avoir entendu échanger et combiner sous leurs casques. Parce que c’est connu, ce sont deux êtres très verbomoteurs, même dans la lice. Moi je les vois encore, juste avant de commencer le deuxième round, après avoir gagné le premier, ils ont l’air presque insouciants, très au-dessus de leurs affaires. Dès le début un adversaire se met à courir pour frapper Benoit dans le dos et probablement s’enfarge dans son lacet et s’étale de tout son long avant d’atteindre la cible. C’est quelque chose qui arrive régulièrement, le poids de l’armure, le manque de visibilité, le terrain glissant, tout plein de situations gênantes qui peuvent te faire tomber en pleine face, le poids du casque amplifiant la chute et ce, sans avoir porté un seul coup, une situation humiliante.


La victoire est rapide, l’Ost remporte le deuxième round et de ce fait le combat contre les Néo-Zélandais, nos Québécois sont euphoriques ils font les quarts de finale! Si plusieurs ont envie de fêter, ils se font rappeler que demain, même s’ils ont congé, ce sont nos duellistes qui se battront et ils ont besoin de notre support. 

mardi 24 janvier 2017

Malbork tournoi ''Enfin!'' jour 1



Le jour se lève sur une journée pleine de promesses, nous sommes optimistes pour les combats d’aujourd’hui, nous le sommes un peu moins sur le déjeuner qui nous attend dans la salle à diner. Néanmoins j’enfile mon costume et je vérifie que j’aie tout mon nécessaire pour la journée dans mon sac : crème solaire, oui oui même en Pologne, mon appareil photo, carnet de notes, crayon, bouteille d’eau, alouette.  Cependant, cette fois-ci, nous sommes au milieu de la ville et près du musée et des toilettes, disons que c’est moins un kit de « survie » que de commodités que je traîne avec moi. Et comme cette année Benoit y est, je transporte pour deux, les portefeuilles, clés de voiture, advil, et évidemment les lunettes quand Benoit se bat. Et quelle paire de lunettes !!! Juste avant de partir, il les a perdus et par chance, il avait encore ses lunettes de sécurité au look indéfinissable et qui se teintent au soleil. Vous me voyez venir? Oui? Non? Comme Benoit est myope, il n’aura pas le choix de les porter quand il arbitrera, évidemment ça va chialer sur le décorum. Bon au moins, il n’en a pas besoin quand il se bat, en tournoi à l’extérieur je les garde dans mon gros sac, mais il n’est pas rare qu’en général, je me promène avec nos deux alliances et deux paires de lunettes sur la tête, la mienne sur mes yeux et la sienne sur ma tête qu’il m’arrive d’oublier et de ne pas comprendre l’air ahuri des gens qui m’abordent.

Dans le couloir nous croisons, un nouvel ami danois de Ben, ce dernier lui prête son nouveau casque car celui que Ben s’est fait faire, ne protège pas son menton, il a pété des plombs hier contre l’armurier en question, et témoin de sa colère titanesque, ce sauveur nordique est arrivé en renfort pour offrir son aide. Donc Jesper est désormais dans nos prières.

Le reste de la gang est attablé ou en train de choisir scrupuleusement leurs aliments au buffet, j’opte pour un jus d’orange, mais encore secouée par la sauce soya sur mes crêpes, j’attends de voir un peu les assiettes des autres. Autour y a aussi des Danois aussi perplexes que moi et un couple d’Américains qui semblent plus ou moins frais. Les gars de notre équipe sont un peu fébriles, certains le cachent mieux que d’autres, Yan Vézina et Igor pour qui, c’est un premier tournoi tout court et qui se sont retrouvés propulsé avec des armures empruntées dans le gros tournoi mondial un peu à la dernière minute, sont un peu nerveux, et ça se comprend! Étienne et Yan Cadorette sont à leur deuxième tournoi, Andrew est quant à lui, un vétéran, et même si c’est un premier mondial pour Benoit, il a déjà une bonne feuille de route derrière lui. Ils ont quatre équipes à affronter aujourd’hui, le Danemark, la France, Le Pays de Galles et la Nouvelle-Zélande et les combats commencent après la cérémonie d’ouverture qui aura lieu autour de midi, ce matin aura lieu les duels à la hallebarde, mais nos duellistes Béné et Étienne ne concourent pas dans cette catégorie. Aussi drôle que ça puisse paraître la cérémonie d’ouverture est plus tard dans la journée, j’imagine que c’est parce que l’organisation s’attend à ce que la foule grossisse en après-midi et veut éviter une parade de quelques centaines d’individus costumés saluant des estrades encore vides.

Aussitôt arrivés à notre tente, les gars commencent à faire le check up de leurs armures tout en échangeant avec nos amis belges, Andrew se rend au meeting des capitaines, Ben et Igor le suivent pour celui des arbitres, moi je vais me promener un peu dans le coin des marchands. Je veux aussi voir ce qui sera disponible comme bouffe lors de ces quatre jours de festivité. Par bonheur, je découvre la tente de Saladin avec Oli et Kim (ou Jésus qui avait transporté ma grosse valise jusqu’en haut des maudits escaliers à Belmonte), fidèles au poste comme l’an dernier. Ils ont peu de compétition, ce qui est une bonne chose pour eux, mais pour nous c’est un peu moins rose car les repas y sont tout de même assez coûteux et pas très gros pour des estomacs de combattant comme celui de Benoit, même s’ils sont savoureux.

Je croise justement mon tendre époux et son look de rock star (les lunettes fumées pétantes au soleil matinal) et que je m’empresse de présenter à mes amis. Aujourd’hui, lui et Igor n’arbitreront pas puisqu’ils se battent en béhourd, puis ça dépendra s’ils se rendent en quart de finale, ils ne pourront pas non plus arbitrer les combats d’Étienne et de Béné qui commenceront demain.

Bénéficiant d’une bonne heure de liberté avant de commencer à penser à s’assembler pour la cérémonie d’ouverture, nous déambulons parmi les kiosques des marchands installés un peu partout autour de la forteresse, des étals de marchandises comme en retrouverait probablement au Moyen âge, des pains, des tissus de laine ou de lin, des artisans, un fauconnier, parce que je me répète…il y a toujours des fauconniers dans les foires médiévales. Au fur et à mesure qu’on s’éloigne un tout petit peu, le degré d’historicité s’éloigne aussi, frôlant parfois le ridicule, des épées en plastique, des gadgets Lord of the ring, des coiffes de princesse Disney, bref, vous voyez le tableau j’en suis certaine.


Au hasard de notre promenade, nous tombons sur l’équipe écossaise qui arrive tout juste, immédiatement nous les trouvons sympathique. Est-ce dû au fait que nous partageons des luttes semblables, de rêve d’indépendance, mais aussi au sein de l’IMCF, l’Écosse a suivi de près les chaudes luttes du représentant du Québec (Benoit) pour faire reconnaître l’identité propre québécoise dans la Fédération, cette année, ils viennent en tant qu’équipe écossaise et non plus diluée dans celle du Royaume Uni. Est-ce une sympathie naturelle que nous avons envers eux? Du fait que nous adorons leur culture depuis plusieurs années au point que Benoit a interprété à merveille un Écossais à Bicolline pendant 11 ans, au point que nous nous sommes mariés au son de la cornemuse, lui dans son kilt et moi en robe 18e. Ce qui fait qu’aussi drôle que ça puisse paraître, au moment où nous les rencontrons, c’est un peu comme si nous retrouvions des amis dont l’humour nous interpelle beaucoup. Nous les laissons à leurs bagages tout en nous promettant mutuellement de prendre un verre ensemble plus tard.

dimanche 15 janvier 2017

Malbork 6e partie Hôtel Dedale


Un hôtel qui trouve son unicité dans ses disparités, comme nous tous, diverses nationalités dans ce tournoi mondial.
Jeudi 30 avril, premier jour du tournoi, et premier matin à prendre notre petit déjeuner à l’hôtel (compris dans notre forfait) dans cette salle abracadabrante, saugrenue… déconcertante. À l’entrée, une affiche où il est écrit « No photos », un coup d’œil à l’intérieur et je comprends, il y a certainement beaucoup de voyageurs qui en ont pris auparavant, au point d’en agacer les employés, ce qui expliquerait la pancarte. J’en aurais bien pris une bonne douzaine pour venir appuyer mon récit et surtout, l’authentifier. Tout d’abord, un comptoir où en guise de bancs, sont suspendus des balançoires individuelles. Le siège est une courte planche de bois, un peu mal dégrossie retenue par des grosses cordes de jute. Benoit me glisse à l’oreille : « Faut pas trop prendre un coup assis à ce comptoir-là. » Moi je pense à la nausée, lui parle de la débarque après s’être « un peu » enivré.  
Une partie d'Igor en compagnie du guépard


Les balancoires


Au milieu de la pièce, sur une table, un guépard grandeur nature en résine qui semble un peu perdu dans cet environnement inhabituel. Sur les murs, un peu comme le restaurant où l’on s’était arrêtés sur la route, un ensemble hétéroclite, bon normalement c’est un non-sens de qualifier un ensemble d’hétéroclite, mais dans ce cas-ci, ça s’applique. Des minous, des « love », une photo imprimée sur une feuille et encadrée, qui semble datée des années 80, d’ados qui font semblant de s’aimer comme dans les romans photos, un paysage soporifique brodé au petit point, toutes des images un peu mièvres qui semblent avoir été ramassées au fil des ans, sur les murs des maisons de la famille des proprios pour « décorer » le restaurant. Un porte-revue dans le milieu du restaurant, pas très loin du guépard en fait, débordant de magazines usés dont un vieux playboy bien en vue sur le dessus. Mais qui donc aurait pu s’installer ici pour feuilleter cette revue en prenant son café instantané, entre deux petites familles en visite ?


Béné et Vez (Yan) pour le mur du fond
Mais y a aussi la nourriture, si nous avons bien mangé jusqu’à maintenant dans les restaurants polonais, celui-ci sert un buffet à l’image de sa décoration et qui nous rend perplexe. Bien sûr on retrouve les cornichons dans pas mal de plats, comme par exemple, une salade de patates et d’anchois, qui à mon avis est étrange dans un déjeuner, mais comme il y a différents plats semblables avec certaines variantes, je me dis que ça doit être la norme. Le buffet a tout de même le mérite d’offrir beaucoup de variétés, comme plusieurs pots de céréales qui ne m’inspirent pas forcément, pâtisseries surprises, selon ce que tu trouves dedans, du fromage, des épinards…un cornichon. Et on peut manger des œufs et du bacon ou des crêpes. Dans mon cas je me suis retrouvée avec une crêpe que j’ai nappé par mégarde de sauce soya, comment aurais-je pu imaginer que le saucier à côté des crêpes puisse être autre chose que du sirop et un truc salé en plus ? Bref, les déjeuners ne sont pas super au point, mais on peut se sustenter quand même chaque matin, suffit de s’adapter ou…d’être stratégique.

Dehors, un soleil magnifique, le fond de l’air est tout de même frisquet et il vente passablement, mais on sent que ça va beaucoup se réchauffer. On met les armures dans les voitures et on file sur le terrain, le reste de la gang s’y rend à pied. Chaque combattant descend son armure à la tente, ensuite Benoit et Igor vont au meeting du matin pour les arbitres, pendant que je vais au McDo à trois minutes pour aller nous chercher un gros café. C’est absolument génial, puisque nous pouvons utiliser les toilettes modernes et propres du musée situées à l’entrée, même s’il y en a des chimiques sur le terrain. On a accès aux lavabos et c’est plus facile pour se changer et y a les indispensables grands miroirs, les amis des femmes, ou leurs pires ennemis c’est selon.


L’endroit le plus cosmopolite de Malbork est sans aucun doute le McDo, pour toutes les raisons énumérées plus tôt, les combattants venus de partout dans le monde viennent s’y attarder pour manger de la bouffe qu’ils connaissent bien et pour Internet. J’imagine que les employés n’ont jamais servi autant d’étrangers différents en si peu de temps. Nous sommes plus d’une vingtaine de pays à participer à ce tournoi, cette année nous avons l’Europe, l’Amérique du nord et du sud, l’Océanie, et même une équipe qui vient d’Afrique du Sud. Pour la première fois, tous les continents y sont représentés, et bien que la langue officielle utilisée soit l’anglais car elle est la plus accessible, lorsque les gens se retrouvent entre eux au McDo, c’est toute une tour de Babel qui s’anime! D’un McDo à l’autre, il y a tout de même des petites variantes, au Québec nous avions (encore?) de la poutine, en Belgique, ils y servent de la bière, ici la sauce à Big Mac est un peu différente, une sauce au paprika et y paraîtrait est très bonne au goût de mon chum (moi je n’en mange pas). Leurs hashbrowns sont aussi meilleurs qu’ailleurs, est-ce un hasard quand l’on sait que la pomme de terre est au cœur de la cuisine polonaise (avec les cornichons bien sûr!)? 

Dans cet univers de la malbouffe internationale, d’une certaine façon réconfortante, je découvre pour la première fois les guichets « self service » pour commander, bien sûr un grand complice pour les clients et les employés. C’est super utile, mais je trouve ça aussi un peu triste (c’est l’anthropologue qui parle, sortez vos violons!!) ça limite les interactions, donc les échanges culturels, je n’y peux rien, je trouve ça un peu impersonnel. Pratique, mais bon…j’en profite pour placer au moins, dès que je le peux, en signe de respect, mon « dziekuje» (merci) qu’on prononce «djin-kou-yè». D’ailleurs les Québécois le feront systématiquement, plus que n’importe qui à ce tournoi, est-ce surprenant? Qui d’autres pourraient comprendre mieux cette fierté de se faire communiquer dans sa langue? Séparatistes ou pas, chaque fois que j’ai voyagé à l’étranger avec des Québécois, systématiquement, ceux-ci tentent d’apprendre au moins quelques mots de la langue de l’endroit, pour les mettre en pratique pendant qu’ils sont là. Est-ce un réflexe inconscient qui nous rappelle notre volonté de survie culturelle ou juste de la curiosité coutumière des Québécois envers les étrangers?  

   

samedi 14 janvier 2017

Malbork 5e partie Splendeur de Marienbourg







Considérée comme l’une des plus grandes forteresses gothiques de l’Europe à ce jour, Marienbourg, Malbork en polonais, a été construite au 13e siècle et la ville qui porte encore son nom s’y est érigée aussitôt tout naturellement. Le château a été dès lors le siège de l’ordre des chevaliers teutoniques où ils y collectèrent des péages et imposèrent un monopole du commerce de l’ambre, surnommé « l’or du nord » qui provient de la mer Baltique. Sous les Nazis, le château devient l’un des plus gros camps de prisonniers de guerre, environ 300 000 dont 100 000 Russes qui y périssent de maladie et de mauvais traitement. Quand on regarde la forteresse, il est difficile de croire qu’elle a subi de graves dégâts à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, tant les travaux effectués ont su la restaurer magnifiquement tout en respectant son architecture originelle. Aujourd’hui son château et son musée sont intégrés dans la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. 



Nous sommes éblouis par cette splendeur de l’autre côté de la rive, c’est différent de mes deux expériences précédentes, l’an dernier en Espagne le château de Belmonte surplombait le site, un peu solitaire tout en haut de la colline (*avec ses maudits escaliers! Voir texte sur tournoi de Belmonte) et en France à Aigues-Mortes, la seule partie visible étant principalement un mur qui ceint la ville et qui a fini par s’y greffer étroitement. Ici, un immense château gothique en plein cœur de la ville, à même hauteur que tous les bâtiments modernes, telle une mère qui surveille du coin de l’œil ses petits. Ainsi, cette année, la forteresse fera partie du tournoi puisque les dormeurs et dormeuses dans les campements, passeront la nuit contre ses flans dans les douves. L’équipe québécoise aura aussi une tente qui servira comme en Espagne, pour ranger les armures. La lice sera aussi située à quelques pieds du bâtiment historique, donc nous verrons la forteresse de Marienbourg, partout et sur toutes les photos!


La ville de Marbork s’est organisée avec les hôteliers pour accommoder les centaines de combattants qui ne peuvent ou ne veulent dormir sur le campement médiéval, en offrant des chambres à prix réduits. C’est justement là que nous nous dirigeons pour prendre possession de nos clés et aller saluer les Québécois qui sont déjà arrivés. Mais nous ne pourrons pas trop nous y attarder, car nous devons aller vérifier si notre tente est arrivée et installée sur le terrain. On est bien contents parce que nous réalisons que la distance entre le terrain du château et l’hôtel est à cinq minutes en auto, pourquoi l’auto? Parce qu’il y a toujours beaucoup de matériel à transporter, mais à quinze minutes à pieds ce sera vraiment parfait quand le matériel sera sur place, ça donnera beaucoup de liberté de circulation à tout notre monde. Et il y a un McDo à mi-chemin, donc pas cher et Wi-Fi gratuit (voir chronique précédente).

L’hôtel sort visiblement tout juste de l’ère soviétique, sans avoir eu le temps depuis, de faire peau neuve. De l’extérieur, il est difficile de deviner que c’est un lieu de vacance ou de repos, disons que ça semble être plutôt un lieu pour accommoder les voyageurs, fatigués, trop fatigués pour se pâmer devant la décoration « temps révolu ». Toutefois, les chambres sont très bien, étonnamment modernes, propres et confortables et c’est ça qui est important. Nous y déposons nos bagages et discutons quelques minutes avec quelques-uns des Québécois. Nous sommes dix et dormons deux par chambre, nous avons du réseau Internet…à l’extérieur des chambres, je vois ça déjà d’ici, les couloirs seront toujours encombrés pendant les quatre, cinq jours prochains c’est sûr! 


Bon nous filons sur le terrain, le tournoi débute demain tout de même! Nous cherchons le marchand qui s’occupe de louer une partie des tentes et on se fait dire qu’il n’est pas arrivé encore, disons qu’on est quelques-uns à s’impatienter en se demandant bien si finalement nous aurons nos tentes « installées » pour le lendemain. Faut préciser que ce n’est pas comme une tente igloo ou comme celle que l’on dépose par terre et qui se dresse toute seule en quelques secondes. Ce sont des tentes en grosses toiles d’allure historique. Celle que nous louons n’est pas tellement grande, peut-être une 8x8, mais certains groupes ont loué des grands chapiteaux pour dormir dedans. Une bonne partie des équipes seront installées dans les douves, un peu en retrait du public, parce qu’ils ne seront pas «totalement» historiques. On n’attend moins d’eux, ce sont souvent des combattants venus de loin qui ne peuvent pas autant mettre en scène un campement médiéval. Ceux qui le feront cette année et qui seront installés bien en vue avec les marchands, sont principalement des Polonais, d’abord parce qu’étant chez eux, ils ont la facilité de transporter autant de matériels que nécessaire, mais en plus, ce sont des champions de la reconstitution historique médiévale. N’oublions pas qu’ils font partie des premiers groupes de béhourd avec les Russes et les Ukrainiens.

Dans un campement médiéval, faut penser à deux réalités indissociables, camping ET histoire, donc praticité mais costumée et déguisée. Faut penser à la literie, souvent des grosses couvertures de laine, des fourrures, des bottes de foin en guise de lit, une table, des bancs, un feu pour cuisiner avec un chaudron de fonte, pas question d’installer un barbecue moderne ou insulte suprême, de laisser traîner des emballages plastiques. Faut que les visiteurs aient l’impression que les gens sortent d’une autre époque. Souvent, un coffre servira de banc et de rangement pour les armures ou les vêtements, des vêtements qui prennent beaucoup de place (on se rappelle, les bagages à l’aéroport?). D’ailleurs le port du costume historique est la seule chose à laquelle TOUS les combattants, aidants ou accompagnateurs(trices) doivent se soumettre lorsqu’ils circulent sur le terrain, et ça se comprend, les hôtes offrent un décor enchanteur au tournoi, ceux-ci s’attendent en retour à en faire un événement où les spectateurs sont invités à « vivre l’histoire » à se laisser enchanter par ce spectacle vivant. C’est donnant donnant!

Cette année, une nouveauté justement, les seules personnes à circuler autour de la lice, sont les acteurs, c’est-à-dire, les gens costumés comme il se doit. Ça évite aussi qu’un spectateur ne soit blessé en trainant trop près. Il y a deux écrans géants immenses pour les gens réunis dans les estrades, et y a toute une équipe de caméramans qui font un travail de pros, ils ont des systèmes sophistiqués de grues pour prendre des prises au-dessus de la lice. Woahh ça va être super!

Notre marchand arrive tout juste et il se fait talonner par ses clients, on peut lire la panique et l’impatience dans ses yeux, et quand Benoit finit par l’agripper enfin, il lui offre de monter lui-même sa propre tente, mais peut-il l’avoir au plus vite? Il nous demande où nous l’installons et il viendra dans quelques minutes, mais ses yeux semblent dire « quelques heures ou même jamais! ». Nous retournons sur notre emplacement, juste en face du campement belge qui sont au nombre de sept en incluant leur photographe (celui à qui je pique plein de photos!). Les amis belges dorment au même hôtel que nous, ainsi qu'une partie de l'équipe danoise et néo-zélandaise Nous nous sommes un peu connus l’an dernier, mais j’ai l’impression que nous fraterniserons beaucoup plus cette année, après qu’ils nous aient invité à s’asseoir. Ils ont une belle grosse table et des bancs, deux éléments absolument nécessaires à la socialisation autour d’une bière, des items que nous n’avons pas.  Aussi ça se connait, moi et Ben en savons quelque chose pour y être allé trois fois déjà, en Belgique, ils ont de sacrées bonnes bières!

Entre temps, y a un meeting qui doit se tenir concernant la marche à suivre pour le début du tournoi, Ben et Andrew s’y rendent en espérant que la tente sera livrée à leur retour. J’en profite pour faire un peu le tour des campements pour aller saluer quelques-uns de nos amis, chez les Américains, les Allemands et deux amis Hollandais que nous avons rencontré chez Adam quelques jours plus tôt. Je retrouve aussi mon bon ami Julien qui est là avec l’équipe française très réduite cette année, il sort tout juste du meeting, c’est lui le capitaine cette année, je l’invite à se joindre à nous pour le souper. Ben le suit de quelques minutes et il nous livre toutes les infos, en principe c’est le travail d’Andrew, mais tous attendent impatiemment de connaître l’horaire du lendemain et comme le messager s’est arrêté quelque part en chemin pour mémérer et que ça peut durer une éternité…

Quand notre tente finit d’être installée, le soleil est presque couché et nous sommes crevés et affamés, tout le groupe de Québécois est là : Une bonne partie de l’équipe de l’année dernière, Andrew, Étienne, Yan et Nicolas, à qui s’ajoute Ben, et deux nouveaux, un autre Yan et Igor qui sera aussi arbitre. Grande première cette année, nous avons une combattante qui se battra en duel, Béné, qui était de l’aventure à Aigues-Mortes, et Amélie qui vient en tant qu’écuyère.

Ben et Andrew proposent un resto où ils avaient mangé lors de leur Assemblée de l’IMCF à l’automne. Un restaurant où la bouffe est excellente et vraiment pas chère, mais à la décoration très confondante, en commençant par l’affiche extérieure d’un gros Scoobie Doo en bois. Néanmoins notre premier repas de gang est succulent et nous donnons un très bon pourboire au pauvre serveur un peu dépassé et surpris de recevoir un aussi grand nombre de personnes et tous de langue étrangère.      

lundi 9 janvier 2017

Malbork 4e partie Exotique Pologne




Le lendemain, nous prenons la route, chacun de notre côté, nous remercions chaleureusement Adam pour son hospitalité et celui-ci nous rappelle que nous pouvons revenir dormir sur notre retour du tournoi. Nous convenons que nous nous retrouverons une fois rendus à Malbork. Après avoir programmé le GPS, nous quittons Eberswalde et en moins d’une heure nous passons la frontière de la Pologne, un autre monde s’ouvre devant nous.

Quand on voyage beaucoup et particulièrement en voiture, on doit souvent s’arrêter pour l’essence, les toilettes ou la nourriture, maintenant que nous savons que le Wi-Fi est disponible automatiquement dans les McDos, c’est souvent là que nous nous arrêtons quand nous sommes sur la route. Internet demeure à ce jour le meilleur moyen de communication dans le monde, surtout quand il ne coûte pas un sou. Aussi, les prix dans ces restaurants sont généralement semblables peu importe le pays, du moins ceux dans lesquels j’ai mangé jusqu’à maintenant (Québec, É-U, France, Belgique, Espagne, Allemagne et bientôt en Pologne), donc aucune surprise pour le portefeuille.  Avec l’habitude, on en vient aussi beaucoup à comparer les toilettes publiques, les stations d’essences, les aires de repos quand il y en a, et la route en général.  

Sur la route qui traverse la Pologne, c’est la forêt, comme c’était aussi le cas en Allemagne. Je ne peux m’empêcher de penser aux frères Grimm, anthropologues avant la lettre, qui ont traversé ces forêts géantes pour recueillir auprès de la population, les histoires, fables et légendes afin de créer leur immense encyclopédie. Entre mes rêveries lointaines et ma job de DJ, j’observe la route et son langage. Comme chez-nous on retrouve des panneaux routiers pour prévenir de la présence d’animaux sauvages comme les chevreuils ou les orignaux mais en Allemagne on nous prévient aussi de la présence du sanglier et en Pologne celle des ours. Au Québec, les sangliers sont principalement sur des fermes d’élevage et les ours sont beaucoup plus au nord. On nous a dit que les sangliers et les loups ont été réimplantés dans la nature en Allemagne. Quand on prend la peine de les observer, les panneaux de signalisation mine de rien, ça peut révéler des choses intéressantes en plus de leur fonction de prévention pour le chauffeur.  D’ailleurs ceux-ci commencent à nous informer de la présence de station d’essence. Ça tombe bien!

Dans la station, j’observe discrètement les clients et les employés (bon, du point de vue de mon chum, je suis aussi discrète et subtile qu’un camion de légumes dans le désert). Je suis fascinée par la physionomie typique slave de plusieurs d’entre eux. Évidemment, nous aussi ne passons pas inaperçus. J’ai toujours cru que c’est surtout notre « look » général et notre façon d’être qui nous trahissaient lorsque nous nous retrouvons en dehors de chez-nous. C’est clair qu’un étranger ça a toujours une aura de mystère, il semble bizarre ou exotique pour la population locale, mais je me suis souvent demandé si nous avions quelque chose dans notre physionomie nous aussi, qui fait que nous sommes définissables pour les étrangers. Je nous regarde tous les trois et je ne vois vraiment rien, mis à part la blancheur de notre peau à moi et Ben, mais pour des Polonais ça a rien d’exotique.

Je jette un œil sur les trucs à manger, question de grignoter un petit quelque chose en attendant de s’arrêter pour manger dans un restaurant sur la route. J’opte pour un dessert glacé, parmi les nombreux choix qui s’offrent à moi et après avoir rempli la voiture d’essence nous reprenons la route. Et cette fois-ci, à part manger mon fudge, je n’ai rien fait d’autre que de dormir, laissant Benoit et Andrew à leurs conversations et obstinations.

Lorsque je me réveille, j’ai le mal de cou typique d’avoir dormi la tête complètement penchée en avant et la langue douloureuse coincée entre les dents avec le p’tit filet de bave sur le menton, aucun sex appeal!  Ça m’indique que j’ai dormi pas mal longtemps, et apparemment assez longtemps pour avoir besoin de manger un repas cette fois-ci. On prend une sortie pour trouver un vrai restaurant cette fois, nous nous arrêtons au premier trouvé, Benoit a pu déchiffrer le mot « Pierogis » un plat qu’il connait et qu’il aime. Vendu! C’est là qu’on mange! À première vue, ça semble LE restaurant du village. L’allure extérieure me fait penser à ces endroits que l’on retrouve parfois en Amérique du nord, tout en bois aux sorties d’autoroute, par exemple, «la grange du steak» où l’on sert un peu de tout pour accommoder les villageois ET les touristes perdus. Rien de particulier avant d’entrer. Une fois admis dans ce sanctuaire villageois dont je n’ai malheureusement pas retenu le nom, nous sommes un peu perplexes par l’ameublement western et le look « Ranch à Willie » mais nous nous dépêchons de nous trouver une table et de nous asseoir pour mieux contempler les murs.

Partout, des cadres ou des affiches dépareillés, sauf que, d’un côté, ce sont des images ou photos de loups et de l’autre, des chats, le seul effort pour créer une unité d’ensemble en fait. La serveuse qui vient nous porter les menus nous regarde avec des yeux étonnés et nous lui commandons d’office une «piwo» (bière). Nous devons en plus d’essayer de comprendre les choix de plats qui s’offrent à nous, convertir mentalement nos zlotys polonais en dollars pour connaître les prix. Nous sommes ravis quand nous constatons que c’est très abordable, plus abordable que chez-nous. Pendant que nous savourons notre repas, le restaurant se remplit rapidement et tout le monde se dirige dans la salle de réception du fond, il semble y avoir un événement spécial et moi je continue mon activité préférée :  j’observe.

Dans ce restaurant sans prétention où la bouffe est vraiment peu chère, on doit payer pour les toilettes, quelques zlotys glissés dans la fente prévue à cet effet, sur la porte du cabinet. Bien sûr, c’est pas cher, mais c’est quand même curieux. Le plus surprenant étant les douches payantes disponibles pour quelques zlotys, mais tellement bien pensées! En Allemagne aussi fallait payer pour les toilettes, mais uniquement celles des stations-services, ce qui est moins rare. Dans un restaurant de village, à mon avis ça indique que c’est plus courant partout. On prévoit garder toujours de la monnaie à cet effet. La conversion du dollar canadien en zlotys est de 1$ pour 3,14 zlotys, j’arrondis dans ma tête 1$ pour 3 zlotys. Pour les toilette c’est la plupart du temps 1 zloty, donc environ 0.30$.

Il nous reste encore un bon deux heures de route avant d’arriver à Malbork, nous ne tardons pas à reprendre la route. Et une fois sur l’autoroute, je reprends du service avec la musique, bien appuyée sur une partie des sacs qui partagent avec moi le siège arrière de la voiture louée. Le paysage est encore uniformément de la forêt et au bout d’un moment, quelle ne fut pas notre surprise de voir une femme étendue nonchalante sur une chaise longue en petite nuisette, l’air de prendre le soleil, sous un ciel nuageux et tout de même un peu frisquet. Précisons ici que la chaise et sa propriétaire sont sur le bord de l’autoroute, décidément la Pologne est pleine de surprises! N’empêche que c’est un drôle d’endroit pour faire la prostitution, on se doute bien que c’est de cela qu’il s’agit. Plus tard on nous informera qu’il s’agit de publicité « vivante » invitant les intéressés dans des bordels construits un peu à l’orée des bois mais invisibles directement de la route.


On quitte bientôt l’autoroute pour arriver aux abords de Malbork, et en passant sur un pont, je suis un peu intriguée par ce que je vois en contrebas. Normalement là où y aurait dû y avoir de l’eau, y a des dizaines de petites maisons qui ressemble à des chalets ou des cabanes de pêcheurs désertées. Elles semblent avoir été abandonnées à leur sort sur un sol qui aurait dû être recouvert d’eau, mais qui ne semble pas super sec et solide non plus. Je me promets bien de m’informer à ce sujet. Mais en attendant, nous entrons presque triomphalement dans Malbork quand nous apercevons la grande affiche qui annonce notre tournoi, comme pour nous souhaiter la bienvenue!

samedi 7 janvier 2017

Malbork 3e partie «Écho d'un passé à l'Est»



Dans le p'tit bar particulièrement sympathique.


Après notre diner pris chez Adam, nous repartons tous les quatre cette fois-ci avec Johannes, Florian, Josephine et Philip un ami d’Adam, qui nous ont rejoint pour un entraînement donné par Benoit. Le bâtiment aménagé pour les pratiques est une ancienne usine à papier où l’on imprimait de la monnaie et des dépliants de propagande que les Nazis larguaient par avion au-dessus de l’Angleterre. Après la fin du régime RDA, un homme l’a acheté pour servir d’entrepôts, puis pour le louer à des étudiants de l’université d’Eberswalde. Maintenant, des hippies, des bohémiens modernes, « squattent » le terrain derrière et y vivent, c’est sympathique.

Séminaire-Entraînement de Benoit

Des gens qui vivent autrement


L’ami Philip et sa femme recueillent des chiens victimes de mauvais traitements, et il y en a justement un qui suit son nouveau maître comme son ombre. Il tremble en permanence et est hyper farouche avec les autres humains. Ayant perdu mon chien il y a six mois, je déverse maintenant mon trop plein d’amour sur à peu près tous les autres chiens, mais lui ne se laisse pas approcher tellement il est craintif. Quand l’entraînement commence, je vais m’installer à quelques pieds du toutou pour le laisser m’approcher à son rythme. Ce qui finit par arriver au bout d’un moment quand son maître est trop loin, se cherchant quelqu’un pour le protéger, il vient se réfugier contre moi.

Benoit est content, il a un groupe discipliné et habitué à s’entraîner et à pratiquer différents sports, pour eux c’est un entraînement de plus, mais l’échange des connaissances par le biais d’un tel séminaire constitue généralement une expérience enrichissante pour tous. De mon côté, je prends quelques photos et j’observe par la fenêtre les campements aménagés à l’extérieur par des gens qui vivent autrement. Des fauteuils et des tables sont installés sous des marquises improvisées à l’aide de grandes toiles.

Nous avions prévu d’aller pique-niquer sur le bord d’un lac après l’entraînement, nous avons apporté avec nous des saucisses, des pièces de viande et naturellement de la bière. L’emplacement est vraiment bien caché, et lorsque nous atteignons le lac, le soleil se couche sur l’horizon. Avec le petit feu sur le bord de la plage, ça me rappelle le Québec, la tonne de moustiques en moins. J’essaie d’amadouer encore le chien mais peine perdue, quand Phillip est là, rien au monde n’existe à part lui, ou peut-être un peu Adam qu’il connait très bien.

Quelques heures après la tombée de la nuit, nous retournons à l’appart pour terminer notre fin de soirée, bien au chaud, on en profite pour discuter avec nos nouveaux amis ou aller un peu facebooker. Johannes m’offre une bière d’une micro-brasserie de sa région natale pour que je la ramène chez-moi, c’est une bière que j’ai goûtée hier et que j’ai adoré. Florian nous offre une canne de saucisses de brebis de la ferme de ses parents, décidément nous aurions dû apporter des cadeaux nous aussi. Nous n’y avons pas pensé trop préoccupés par toutes nos histoires de bagage.

Mardi matin, ce sont les Québécois qui font le déjeuner, nous avons au moins apporté du sirop d’érable dans nos bagages et nous préparons une tonne de crêpes pour toute la maisonnée. Ce qui semble être bien apprécié.

Nous n’avons rien de prévu aujourd’hui, on prend ça relax, car le lendemain nous partons pour Malbork et nous devons faire un peu de lessive, Adam et Johannes doivent préparer leurs bagages eux-aussi. Florian ne va pas à Malbork cette année, il reste derrière avec Josephine. Cependant nous prévoyons un incontournable souper au resto pour manger une spécialité viennoise, des schnitzels, qui sont à la base des escalopes de porc panées.

Après le souper qui est succulent, nous décidons d’aller prendre un verre dans un petit bar qu’Adam veut nous faire découvrir. Nous déambulons un peu dans le quartier jusqu’à ce que nous atteignions une porte qui à première vue semble être un appartement bien ordinaire et si ce n’était du petit comptoir dans le hall et les quelques personnes installées ici et là, l’effet resterait le même, une fois à l’intérieur. En fait, il semblerait que c’est vraiment un appartement qui a été transformé en bar. Nous avons l’impression d’être replongés dans les années 80…en Allemagne de l’Est. Nous nous installons dans la pièce du milieu, sûrement une chambre à l’origine, et pendant qu’Adam propose la première tournée et qu’il retourne en avant pour aller chercher de la bière et du scotch, nous en profitons pour observer la décoration. Les trois colocs et la copine d’Adam semblent habitués, parlant entre eux pas ébranlés le moins du monde par l’environnement hétéroclite. Une petite table de pool occupe la majeure partie de la pièce du fond, laissant très peu d’espace pour circuler autour ou pour se rendre aux toilettes, situées juste derrière. Autour de nous, l’espace est utilisé à sa pleine capacité, une table centrale, quelques chaises et fauteuils dépareillés, un jeu de dards au mur, une vieille machine à cigarette des années 80, encore en utilisation, et un radiocassette au moins aussi vieux qui me rappelle que justement aucune musique ne joue en arrière fond. L’absence de musique a certainement contribué à amplifier un petit malaise quand nous sommes entrés, du moins, nous les étrangers. Benoit me fait remarquer les cassettes enregistrées « home made » dont la musique datait justement des années 80, de la musique qui n’était pas disponible parce que prohibée à la même époque en Allemagne de l’Est.

Dans un coin, une guitare, qu’Adam entreprend de gratter tout en discutant avec nous. Le long du mur, Andrew est un peu tassé mais il peut au moins déployer ses grandes jambes. La fumée de cigarette qui flotte de temps en temps vient encore nous rappeler ce temps où en Amérique du nord, une tonne de jeunes détruisait la couche d’ozone à coups de « spray net » et où justement la jeunesse du côté Est du mur, aspirait à cette même soif de rêves pop.


C’est au tour de Benoit de faire une tournée et quand il constate le prix, il me glisse à l’oreille que les prix sont probablement restés les mêmes depuis longtemps. Adam qui a deviné la raison de notre air un peu ahuri, nous dit que c’est pour cette raison que c’est un bar étudiant très fréquenté, bien que ce soir, ce soit tout de même tranquille. On en vient à oublier que c’est un bar, j’ai la sensation d’être dans un party chez quelqu’un que je ne connais pas où je me contente de rester avec ma gang. Nous passons une très agréable soirée, mais nous devons penser à s’en retourner, demain nous partons pour Malbork situé à six heures au nord-est d’Eberswalde, donc nous serons toute la journée sur la route.

jeudi 5 janvier 2017

Malbork 2e partie «Adam»



Lundi 27 avril

Pendant que nous tentions de rattraper un peu de sommeil, Adam en a profité pour aller acheter quelques trucs pour notre petit déjeuner. À notre lever, nous avons pu manger suffisamment de fromage, de pains et de saucissons pour commencer notre journée.

En avant midi, nous partons en visite pour l’abbaye de Chorin à quelques kilomètres de là et à une vingtaine de kilomètres de la frontière polonaise. Cette abbaye cistercienne du 13ième siècle, fut érigée sur un ancien marais du même nom slave et elle a exercé une grande influence sur ce peuple durant plusieurs siècles. L’établissement de bâtiments catholiques sur les lieux sacrés païens fut une pratique assez courante de l’Église alors qu’on tentait d’implanter la religion chrétienne dans l’Europe païenne. Était-ce le cas ici?


Nous sommes vraiment très chanceux qu’Adam soit notre guide car c’est aussi son métier, nous avons donc une visite très instructive parsemée d’anecdotes. Il est passionné d’histoire comme moi, et ce que j’arrive à capter est très intéressant. Bien sûr c’est vraiment frustrant pour moi car je ne saisis pas tout et trop souvent je dois demander à Ben de me traduire. Avec tout ce que raconte Adam, c’est impossible pour lui de TOUT me traduire ce qui m’échappe.

Sur notre retour, Adam en profite pour nous montrer certaines traces ici et là, bien visibles encore du communisme qui l’a vu naître et grandir. Nous sommes absolument fascinés! Nous, qui avons connu tout ça à travers les livres d’histoire, sommes tout ouïe pour cet homme qui non seulement peut nous en parler de long en large de par sa formation d’historien, mais en est un témoin direct. Son histoire familiale est fascinante.

Adam est né en 1979 à Katowice dans le sud de la Pologne et a vécu jusqu’à l’âge de 10 ans à 60 km de là, à Tarnowskie Góry, puis la petite famille s’est installée en Allemagne où il a poursuivi ses études. Ses parents s’étaient connus alors qu’ils étaient conférenciers sportifs à l’université de Silesia en Pologne. Le père d’Adam était anti-communiste comme son père, actif dans la résistance polonaise et qui vécut caché dans les bois durant la Deuxième Guerre Mondiale. Sa mère était issue d’une famille plus mixte, dont le père, originaire de Wadowice, avait fréquenté l’école avec Karol Józef Wojtyła, celui qui allait devenir le pape Jean-Paul II. Ce grand-père, boucher de métier, qu’Adam qualifie d’homme simple, bon et qui aimait raconter des histoires, a aussi fait partie de la résistance antinazie, ce qui l’a conduit à la tristement célèbre Auschwitz. Toutefois, sa profession l’a sauvé puisque l’élite nazie manquait de bons bouchers pour les approvisionner, il a donc heureusement été relâché.

Il s’est mariée à une fille issue d’une famille silésienne très riche, donc élevée par des servantes. Sa mère, l’arrière-grand-mère d’Adam, a eu les premiers cinémas et théâtre de variétés dans le sud de la Pologne, qu’elle gérait elle-même. Son époux, un intellectuel, écrivain, chasseur passionné et directeur d’un gymnase allemand, s’était battu pour l’Allemagne durant la Première Guerre Mondiale et fut ami avec Erich Maria (un écrivain allemand naturalisé américain en 1947 après avoir été déchu de sa nationalité allemande en 1938). Leur fille, la grand-mère d’Adam, parlait parfaitement l’allemand, mais s’en servait, et ce jusqu’à la fin de sa vie, surtout pour épater la galerie. Cependant elle ne lisait qu’en allemand, bien que sa langue orale fût polonaise. C’est assez représentatif de la mentalité silésienne, oscillant entre deux cultures, polonaise au quotidien et allemande élitiste. La Deuxième Guerre Mondiale allait changer tout ça.

Adam me raconte qu’il a une photo de sa grand-mère magasinant un piano Boesendorfer à Vienne en 1942, où on l’a voit elle et ses sœurs, vêtues de leurs robes « Channel » magnifiques avec leurs chapeaux extravagants. Au même moment son futur époux fait sauter des trains allemands quelque part.

Deux êtres qui autrement n’avaient aucune chance de se rencontrer, vont se connaître dans une Pologne post apocalyptique, communiste où l’anéantissement des classes permet une plus grande uniformité sociale. Évidemment la famille de sa grand-mère a tout perdu, le gouvernement ayant tout saisi, ne laissant que la petite fermette familiale de poules à son arrière-grand-mère, une chef industrielle, une des plus grandes figures féministes de la Pologne avant l’arrivée du communisme. Dans les années 50, cette famille dont le train de vie avait côtoyé celui de la haute noblesse avec les grosses voitures, la vie flamboyante, les riches maisons, est condamnée à vivre dans une maison d’ouvriers bâtie après la guerre.  C’est une dure réalité pour ces gens éduqués pour devenir l’élite du pays et certainement pas pour travailler à la sueur de leur front.
L’histoire de la famille du père d’Adam est aussi passionnante, ses grands-parents sont issus de l’aristocratie. Son grand-père, dont la famille était une des plus riches propriétaires terriennes de la Pologne, possédait les terres de sa région et les usines pour transformer ses produits agricoles, principalement en pain et en alcool. Son grand-père a donc été formé très tôt pour devenir superviseur d’un état géant de ce qui est aujourd’hui l’Est de l’Ukraine. Il connaissait les princes russes, les aristocrates, bref les plus grosses richesses en Europe. Ce qui lui a permis de ne pas tout perdre avec l’arrivée du communisme. Durant son service militaire, il est un bon et sympathique soldat, il grimpe vite dans les rangs et devient officier. Il a malheureusement connu la guerre et ses atrocités en tant que soldat et dans la résistance, alors que son frère a été dans la branche militaire des SS, la Waffen, avant de déserter et de rejoindre l’armée britannique.

Les deux grands-pères d’Adam ont donc été dans la résistance polonaise, et si le grand-père paternel se faisait plus silencieux sur le sujet, comme se rappelle Adam, du côté maternel on l’encensait et on chantait des chansons à son sujet. Sa mère, silésienne qui avait hérité d’un accent allemand par la force des choses, utilisait fréquemment la langue française pour les « bons mots » intelligents et cultivés, et ainsi dépeindre les germains comme étant culturellement inférieurs. Ironiquement, sa grand-mère s’était servie de la langue allemande pour étaler sa culture, après la guerre sa fille dénigrait à sa façon, cette germanité.  C’était sa façon à elle de continuer d’une certaine façon à faire de la résistance.

L’enfant qu’était Adam visitait ses grands-parents dont les maisons devenaient de véritables sanctuaires où les reliques, comme les médailles et les armes, devenaient des objets de cultes et de fascination. Je lui demande s’il croit que cette portion de son enfance a influencé ses choix d’étude en histoire et ses activités dans le béhourd. Même si je me doute de sa réponse, je veux quand même entendre son cheminement, il me répond : Définitivement!

Assis sur les genoux de son grand-père paternel, un fusil Schmeisser mp ou  une machette dans les mains, première arme médiévale qu’il voyait, le jeune garçon s’abreuvait de ses histoires de guerre, même si en dehors de ces moments, son grand-père parlait très peu de ces souvenirs-là. Cependant cet homme dont l’éducation littéraire de son enfance se basait en grande partie sur les grands classiques de l’Antiquité comme l’Odyssée, Hercule, Orpheus, les racontait à son tour à son petit-fils. C’est là qu’Adam commence à rêver d’un autre temps où se battre n’est pas question de nombre, ou de poignard dans le dos ou d’un simple coup de fusil, mais plutôt d’un homme si engagé qu’il ne peut être défait.

Adam me confie que l’une des pensées régulières qui l’habitent dans son enfance, c’est l’idée que peu importe à quel point tu es fort, tu peux te faire tirer par n’importe qui, et que la vie devait être bien meilleure à l’époque où ça n’était pas possible, donc quand les armes à feu n’existaient pas.

Il ajoute qu’il comprend les enfants qui croient que le tir est quelque chose qui sert à pallier leur faiblesse pour se défendre contre des « bullies ». Pour Adam, la force est un choix et combattre sans se soucier de la douleur pendant les coups, devient une façon de le rendre émotionnellement plus fort donc toujours gagnant. C’est une réalité qu’il rencontre fréquemment dans la cour de récréation de l’école.

Ce grand-père qui a passé quelques années à se cacher dans les bois pour fuir la Gestapo puis par le NKVD, la police politique russe, n’est ressorti de la forêt qu’en 1953, à la mort de Staline. Il a eu une grande influence auprès de son petit-fils, notamment dans le développement de son sens de l’observation. Celui-ci raconte que régulièrement lorsqu’ils sortaient ensemble, il le questionnait sur des détails autour d’eux, les gens qui circulaient, ce qu’ils portaient, ce qu’ils faisaient, afin de développer à son tour des habilités qui l’avaient aidé à survivre durant ses années fugitives.

Mot de la fin : Ça n’est pas étonnant quand l’on songe au petit Adam, la machette dans les mains et rêvant d’être Hercule, qu’il finisse par faire de la reconstitution historique et qu’il pratique le béhourd.


Bien sûr, l’Europe c’est grand, et avec les grands bouleversements du 20e siècle, il y a certainement beaucoup de gens comme Adam qui ont des histoires stupéfiantes. Cependant, pour nous, Québécois, la Révolution russe, les princes et la pauvreté extrême de millions de gens, les deux Guerres mondiales, les camps de concentration, la Gestapo, l’arrivée du communisme, le Rideau de fer, etc. c’est à la limite du mythique. Ce sont des événements qui nous ont touché indirectement parce que nous en avons ressenti surtout les effets secondaires : Nos soldats Canadiens français qui partent rejoindre de gré ou de force les alliés, les femmes qui travaillent dans les usines, l’immigration de nombreux Européens fuyant la dictature, etc. En ce qui me concerne, je suis subjuguée, l’histoire d’Adam est pour moi, probablement aussi fascinante que le récit des explorateurs en Nouvelle-France pour un lettré de la Cour française.