vendredi 20 octobre 2017

Dublin étourdissante, culturelle et enivrante



Ça fait des années, qu’on projette d’aller à Dublin pour voir le Book of Kells au Trinity College, d’aller visiter la célèbre cathédrale St-Patrick et de prendre une bière au fameux pub Temple bar, c’est aujourd’hui que nous y allons! Notre choix de logis dans le quartier Temple bar a été justement pensé en fonction d’être le plus près possible des endroits où nous voudrions aller parce que nous n’avons qu’une seule journée pour le faire. Nous sommes conscients que c’est vraiment peu, mais je me dis, comme je le fais toujours en voyage pour profiter au maximum du présent, qu’anyway on reviendra pour voir le reste.

Cependant on se dépêche de commencer notre journée, et on ne s’attarde pas dans notre chambre. L’annonce disait un appartement, dans les faits, c’est une chambre avec un petit coin espace d’environ un mètre et demi de large pour le mini frigo, comptoir, deux ronds à cuisiner et un lavabo. La salle de bain est minuscule et aurait besoin de sérieuses rénovations et comme pour le lavabo, faut penser à ouvrir la «switch» pour obtenir de l’eau chaude. On fait pas trop nos difficiles, on a un lit propre et on est tout près de ce que nous voulons visiter.

À quelques coins de rue, il y a un gros Starbuck, c’est parfait, pour un déjeuner (une banane et un bout de fromage pour Benoit) sur le pouce et un gros café. Nous sommes mardi, heure de pointe, ça grouille de travailleur(euse)s et d’étudiant(e)s, ça bouge beaucoup et vite, nous sommes décalés dans notre errance touristique. Les gros autobus à deux étages, les autos, les camions de livraison, les scooters et beaucoup beaucoup de cyclistes et de piétons circulent dans des rues qui sont assez étroites à notre perspective. C’est comme si nous avions la circulation de Sherbrooke à la hauteur de St-Denis, avec les cyclistes et les piétons du Plateau le tout circulant sur Ste-Catherine. On est Montréalais depuis près d’une vingtaine d’années et pourtant on est impressionnés par autant de mouvement aussi près de nous!

Faut avoir des yeux tout le tour de la tête, particulièrement quand on traverse les rues, celles qui ne sont pas à sens unique surtout. Mine de rien, quand les autos roulent à sens inverse de ce que nous connaissons, nous nous y prenons à deux et trois fois pour regarder des deux côtés, sans même trop nous en rendre compte. Autour de l’université, y a aussi plein de réparations de rue, de cônes orange, de détours à faire, ça nous rappelle un peu notre Montréal bientôt complètement orange d’automne et orange de réparations actuelles. Les détours pour nous rendre à la porte du célèbre College sont assez complexes et finalement on va pour le plus facile : Nous suivons le flot étudiant. 
   
Nous optons pour la petite visite guidée par des étudiants, en échange de quelques euros. Elle se limite à une visite extérieure autour de l’Université, de la Cour, des différentes parties des bâtiments où on nous parle de son histoire et de quelques anecdotes.

Je ne suis pas tant impressionnée par l’allure extérieure des bâtiments, je suis même un peu surprise par leur sobriété, après tout, c’est une université qui accueille seulement 17 000 étudiants par année, en comparaison, l’université de Montréal en reçoit 64 000. Fondée en 1592 par Élizabeth 1ière, c’est la plus vieille université d’Irlande, et jusqu’en 1793 elle était réservée aux jeunes hommes anglicans. Après cette date, elle fut accessible à tous mais interdite par l’Église catholique et gaélique qui fonda en 1851 la Catholic University of Ireland. Ce n’est qu’à partir de 1970 que l’autorité cléricale accepta que ses fidèles fréquentent Trinity College. Les femmes y furent, tant qu’à elles, admises à partir de 1904. Beaucoup de grands écrivains l’ont fréquenté, beaucoup d’auteurs comme Bram Stoker, Samuel Becket, Jonathan Swift (Les voyages de Gulliver), Oscar Wilde, mais aussi Mary Robinson, première femme présidente d’Irlande et Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, entre autres.

Une partie de ma conscience tente de suivre le guide, mais comme je sais que Benoit pourra me faire un résumé de ce que je n’ai pas saisi, je laisse l’autre partie errer. Je pense aux Irlandais, ceux qui ont fréquenté l’autre université, la gaélique, je pense aussi à ses gens qui à peine sortis de la misère économique ont lutté pour leur indépendance.   Je suis admirative en songeant à ce peuple qui a tant souffert par la main anglaise, la famine la pauvreté, l’injustice, les interdictions de parler leur langue ou d’utiliser leurs référents culturels, les luttes, la ténacité, les sacrifices pour obtenir finalement leur indépendance en 1949 et devenir la République d’Irlande. J’ai commencé à m’intéresser vraiment à la politique avec notre référendum de 95, et j’en suis sortie dévastée après tant d’espoir et de rêves de souveraineté. Le film Michael Collins est sorti l’année suivante et j’ai découvert avec lui, l’Irlande politique, celle qui est passée à l’histoire. Que j’envie leur victoire, leur indépendance vis-à-vis de la couronne britannique!


Si vue de l’extérieur, elle n’est pas vraiment différente de n’importe quelle université ancienne, l’université renferme de véritables trésors, dont sa bibliothèque immense qui abrite toute l’ancienne littérature irlandaise, y compris de magnifiques manuscrits médiévaux et bien sûr, le livre de Kells.


Quand nous entrons, nous sommes sans voix, complètement subjugués! Sûrement que J. K Rowling s’en est inspirée quand elle a imaginé Poudlard. Le paradis du livre ancien! Tous les livres sont classés judicieusement, des énormes dans le bas aux plus petits, tout en haut, car des échelles sont nécessaires dans toutes les sections sur les deux étages. Au milieu, trône une superbe harpe, que la légende attribue à Brian Boru, le roi le plus emblématique du passé irlandais qui est mort en 1014. Dans les faits, elle date plutôt du 14ième ou 15ième siècle et appartient au Trinity College depuis 1760. Elle est l’une des trois seules harpes de ce type qui ont traversé les siècles et est devenue le symbole de l’Irlande ainsi que le logo, en 1876, de la célèbre bière noire de la brasserie Guinness.


Nous folâtrons un peu chacun de notre côté, en pamoison sur à peu près tout ce que nous voyons jusqu’à ce qu’un agent de sécurité vienne me parler assez rudement, il croit que je suis entrée à partir de la boutique souvenirs qui est l’étage au-dessous, sans payer. Je ne comprends vraiment pas quelle mouche l’a piqué et comme je suis en train de chercher mon billet d’entrée dans ma sacoche, avec la ferme intention de lui coller sur le nez, Benoit arrive en trombe, voyant probablement la fumée qui me sort des oreilles, et vient expliquer dans un meilleur anglais que le mien que nous avons bel et bien payé.

Non mais, c’est quoi cette attitude d’accuser les gens gratuitement! Ça me prend un bon quinze minutes à me calmer. La magie un peu atténuée par ce malotru nous descendons justement dans la boutique souvenirs, juste par curiosité mais je m’achète tout de même une mignonne petite bague à cinq euros qui change de couleur selon l’intensité de mon amour (la chaleur de ma main) et serti d’un triskel.

Ensuite nous ne perdons pas plus de temps, nous voulons voir le Grand Évangéliaire de saint Colomba appelé communément the Book of Kells, ouvrage d’enluminure absolument magnifique qui date aux alentours de 800 après J-C, à l’époque de Charlemagne. L’Irlande à ce moment-là, est un cas unique au sein de la chrétienté, d’abord moins centralisé et moins organisé que sur le continent et d’avantage tournée vers le monachisme. L’isolement et la culture orale et artistique environnante influencent une forme particulière de christianisme depuis le 6ième siècle et font de l’Irlande, l’incontournable du bon moine. 

Malheureusement, on ne peut prendre des photos du manuscrit puisque nous n’y avons accès qu’indirectement étant donné sa fragilité, c’est pourquoi plusieurs pages ont été photographiées, agrandies et mises sur de grands panneaux pour qu’on puisse bien les voir. Les photos qui suivent ont été prises sur Internet toutefois.





Après une bonne heure à admirer ces chefs-d’œuvre, notre estomac commence à réclamer à manger, mais nous aimerions passer voir la cathédrale Saint Patrick avant de nous arrêter pour bouffer. Donc on sort rapidement et après avoir jeté un coup d’œil à notre carte, nous repérons rapidement le lieu où nous voulons aller.

La circulation nous semble un peu moins dense, mais après quelques heures passées dans une bibliothèque silencieuse et un musée à faible intensité lumineuse, la rue est tout de même un peu brutale. Cependant en moins d’une demi-heure nous entrons dans un autre endroit reconnu pour le calme, une cathédrale.



Saint Patrick, cathédrale catholique reconstruite au 13ième siècle, est devenue plus tard le siège du culte anglican en Irlande. Elle porte le nom du saint patron qui aurait officié la première fois, au 5ième siècle, à cet endroit. Comme c’était de coutume, les premiers établissements chrétiens se construisaient sur les lieux des anciens cultes païens, une stratégie efficace qui fonctionnait bien, puisque les fidèles continuaient de s’y rendre pour les mêmes raisons au fond. On peut supposer que Patrick choisit le nouveau lieu de culte de la même façon afin d’y faire construire une première cathédrale, qui sera remplacée par les Normands au 12ième siècle, puis reconstruite un siècle plus tard.

L’avantage d’avoir un chum aussi maniaque d’histoire que moi, c’est qu’on aime visiter les mêmes endroits et qu’aucun ne s’ennuie, bien sûr, aucun des deux ne rappelle à l’autre qu’il est peut-être temps de passer à autre chose. Pour l’instant c’est notre estomac qui crie violemment après avoir patienté un autre bon deux heures! Ok Ok on s’en va luncher!
Nous ne sommes pas très loin de notre chambre et tout près il y a des p’tits snack bars où l’on sert des loaded fries comme on a mangé à Galway, miam.

Ùne frite, bacon, crème sûre assaisonnées et oignons verts. 8 000 calories (je présume)!

 On commande pour apporter, nous mangerons ça dans notre chambre avec un cidre car nous devons faire quelques vérifications pour notre transport demain matin. Comme notre vol est en matinée; que dans notre situation particulière nous devons toujours être sur place quasiment trois heures d’avance pour pallier aux imprévus; qu’on doive trouver un taxi qui peut nous prendre, nous et nos six valises pour nous rendre à l’aéroport, nous devons vérifier à l’avance comment nous procéderons. Nous devons aussi considérer qu’il nous faut du temps pour faire quelques allers-retours pour descendre tout ça et prévoir que l’un de nous parte à la recherche du taxi disponible. 

Beaucoup de clés et serrures sont encore sur un modèle ancien.  

Nous avons pensé à appeler une compagnie de taxi, pour en réserver un à 8 heures devant notre porte, puis finalement nous décidons que nous serons en bas à 7:00 et nous nous débrouillerons comme nous le faisons toujours anyway!

Quand on finit de luncher, nous sommes en fin d’après-midi et nous retournons dehors, le reste de notre journée est consacrée à se promener dans le quartier et à s’arrêter dans un pub ou deux. Y en a partout et pour l’instant c’est encore un peu tranquille, bien que nous ressentons déjà la fébrilité du nightlife à chaque tournant, y a tout plein de touristes qui cherchent sûrement la même chose que nous : des pubs animés! Ici et là, quelques-uns s’éveillent un peu comme des réverbères qui s’allument à mesure que la pénombre du crépuscule fait place à la nuit. En tout cas c’est pas bien long que les pubs se remplissent, à l’intérieur mais aussi autour, débordant de clients qui ne peuvent supporter d’être aussi tassés autour du bar et des musiciens ou tout simplement pour pouvoir fumer. De toute façon, le party est autant dehors qu’en dedans.

Nous y allons à l’oreille, on entre dans le premier où on entend un musicien, le temps de quelques chansons en sirotant un Black&tan (moitié Guinness et moitié cidre) et un cidre pour Ben. Mais la rue nous appelle, nous retournons nous promener, gourmands que nous sommes, de tout voir, entendre, goûter et ressentir. Évidemment c’est en majorité des touristes comme nous qui déambulent dans les rues, débouchant aux intersections avec le même air insouciant et heureux que nous. Nous sommes bien conscients que nous passons notre soirée dans ce qu’on appelle «une trappe à touristes», mais on s’en fout, on a du fun!

Nos jambes nous mènent tout naturellement vers le mythique Temple bar et nous nous y engouffrons sans la moindre hésitation pour nous mêler à cette foule joyeuse et bien réchauffée par le band qui joue à fond la caisse des airs de néo-trad que nous reconnaissons bien pour en avoir entendu plusieurs au Hurley’s irish pub à Montréal. Nous profitons totalement de l’instant présent, conscients que dès demain matin ce sera la course folle pour nous rendre à l’aéroport, puis vers Montréal et notre train-train quotidien, qui n’est jamais tout à fait banal dans notre cas.

Dans l'avion, Ben découvre un souvenir du tournoi, gracieuseté de Peter.