mercredi 31 octobre 2018

Deuxième fois plutôt qu'une/ L'Assemblée générale IMCF

Entre deux vols à Paris



Déjà novembre! Ces derniers mois ont passé si vite! Nous prenons l’avion ce soir pour nous rendre en Écosse où a lieu l’assemblée générale de l’IMCF. Nous avons un peu jonglé avec l’option de faire le voyage à deux car la saison morte est commencée donc nous ne volons plus directement en Écosse, nous devons prendre un vol pour Paris et ensuite un autre pour Glasgow. Bien que notre billet pour Paris soit vraiment bon marché, nous devons payer le deuxième au prix régulier, à deux ça finit par coûter cher quand l’on fait plusieurs voyages par année.

Cependant, je viens de finir un gros contrat qui allège considérablement nos finances. Par ailleurs, notre représentant du Québec, David, ne peut faire le voyage car la fédération n’a pas les moyens de payer ses frais d’avion et d’hôtel cette année. Benoit dont le mandat de vice-président arrive à échéance avec l’assemblée, craint de ne pas se faire réélire, même si nous sommes conscients que ce serait un suicide pour l’IMCF, il s’est rendu indispensable ces deux dernières années. Bien sûr, tout le monde le sait, mais ce qu’il craint c’est que quelqu’un se présente, malheureusement il y a trop souvent des gens attirés par les postes importants mais qui ne font pas les tâches qui y sont rattachées. Comme Benoit est présent partout, il s’occupe de plusieurs dossiers (je pense qu’à ce moment-ci tout le monde de la fédération sait qui il est.) ça peut attirer des membres en quête de popularité. Comme ce sont les capitaines d’équipe et les représentants de chaque pays membre qui doivent voter sur cette décision, les qualifications pour le poste sont parfois éclipsées au profit d’obscures raisons politiques.

J’ai beau lui dire que c’est impossible qu’il ne soit pas réélu, vu la tonne de travail à faire et surtout que le dossier de l’Écosse est entièrement son bébé de A à Z. N’empêche, et si ça arrive? Il est bien décidé, il quitterait complètement l’IMCF, car il en serait dégoûté. Bon déjà, on demande à la FQCM de m’accorder un statut temporaire de représentant pour que le Québec puisse voter sur cette décision. Néanmoins, pour qu’un vote puisse se faire il doit y avoir quorum et nous ne sommes même pas certain que nous l’aurons. Plusieurs pays n’y seront pas pour des raisons de disponibilité ou financière, le sport n’étant qu’à ses balbutiements, les associations et les fédérations ne sont pas soutenues par leur gouvernement ou par des commanditaires. Si notre FQCM est représentée à l’assemblée cette année c’est uniquement à nos frais, une chance que Benoit a ses billets à prix réduit.

Depuis notre retour d’Écosse en juillet dernier, nous n’avons pas vu passer les semaines, d’abord août, occupés à poursuivre notre aménagement dans le nouvel appart et les entraînements de Benoit dans les parcs avec son club élargi par l’arrivée de nouveaux membres, dont Christine. Lorsqu’ils s’entraînent à l’extérieur, il y a toujours des curieux et curieuses, le cellulaire en main, pour filmer, on en profite pour expliquer ce sport aux gens. Au début j’étais certaine que les gens paniqueraient et préviendraient la police, mais étonnamment non, laissant même leurs enfants s’approcher à une distance respectable. Faut dire que la génération des jeunes parents à l’heure actuelle, est beaucoup plus familière avec le GN, les jeux vidéo et connaissent tous quelqu’un qui est de près ou de loin dans le milieu médiéval au Québec. D’emblée, ils ont une certaine ouverture d’esprit par rapport à ce que l’on fait. Je ne suis pas toujours présente, quand c’est la canicule, je préfère mon air climatisé pendant que je travaille dans mon atelier. Comme une bonne partie de ma clientèle participe à Bicolline la troisième semaine du mois d’août, je suis toujours un peu débordée jusque là par des contrats dernière minute.


Septembre fut l’occasion pour moi de faire un voyage en France avec ma mère et ma fille, un voyage extraordinaire! Normalement en septembre nous aurions dû, Benoit et moi, retourner en Irlande pour le tournoi annuel de Claregalway, mais nos finances ne pouvaient pas supporter deux voyages en un mois. Ça faisait plusieurs mois que nous en parlions moi et ma mère dont l’amie française nous offrait gratuitement son airbnb pour la semaine et sachant que Karelle finissait ses tournages en mi-septembre, nous avons organisé tout ça à la dernière minute. Bien sûr, ça aurait été fantastique de retourner en Irlande, mais comme nous y sommes allés déjà deux fois, on se dit avec philosophie que nous y retournerons l’an prochain.

Octobre nous a apporté une bien triste nouvelle pour la famille de l’IMCF : le décès de Nuno, le capitaine de l’équipe portugaise, celui-là même qui a organisé le championnat au Portugal en étroite collaboration avec Benoit, il y a un an et demi. La nouvelle prend tout le monde par surprise et à voir l’ampleur de la vague de sympathie qui déferle sur Facebook envers Isabel sa conjointe, on réalise la solidarité qui unit les membres. C’est triste que ce soit dans de telles circonstances que l’on en prend conscience.

Nuno et sa douce Isabel


Et finalement, c’est en octobre qu’a eu lieu l’Assemblée générale de la FQCM où Benoit a été élu comme cinquième membre du CA et les qualifications, qui à mon avis suscitent trop de chicanes et de compétition malsaine entre les combattant(e)s alors qu’au contraire, ce qui manque à ces membres c’est un réel esprit de solidarité. Jusqu’à maintenant, je n’en ai pas vu beaucoup.

C’est la première fois que j’assisterai à l’Assemblée générale de l’IMCF, c’est aussi la première fois que je voyage aussi léger dans le cadre du béhourd, car cette fois-ci, il n’y a pas de tournoi. Pas d’armure, d’arme et de costume, juste un sac et une valise de cabine, wow! Christine nous offre de nous conduire à l’aéroport puisqu’elle va justement chercher son papa, ce que nous acceptons volontiers, on sauve des sous et du temps. Merci Christine!

Une fois à l’aéroport, nous allons à la borne d’enregistrement et nous avons déjà nos places, ce qui nous indique que le vol ne sera pas trop plein, super! Direction Paris, puis Glasgow!

Le vol est sans histoire, nous dormons presque tout le vol, et comme nous avons quelques heures avant notre deuxième vol, nous cherchons un endroit pas trop cher pour manger un peu plus solidement qu’un croissant et café. C’est une différence d’avec les Irlandais et les Écossais qui déjeunent sensiblement comme nous : œufs, saucisses, bacon, rôties, etc. À Paris, c’est plus de la baguette, croissant, fromage et confiture. On aboutit au McDo parce qu’on peut bouffer des œufs pas trop chers. On a suffisamment le temps de manger, de se prendre en photo, heureux, tout rafraîchis, sans stress et de nous rendre à notre terminal avec un peu d’avance.
 
 Dès que nous sortons de l’avion en début d’après-midi, Scott est déjà là qui nous attend, c’est lui qui a été mandaté pour venir nous chercher, nous logeons chez Louise. En fait, c’est une superbe grosse maison que louent Louise, Jacob, J-P et Joshua à Bankfoot pas très loin de Perth. En plus de Scott, nous sommes quatre invités, moi, Ben, Hubert qui arrive ce soir et Brendan représentant d’Irlande qui arrive vendredi. Les trois autres membres du CA, Caitlin, Jaye et Julia logent à l’hôtel. Les raisons pour lesquelles nous bénéficions tous les quatre, de cet accueil chez « l’habitant », c’est qu’avec le tournoi de juillet, nous avons suffisamment fraternisé pour être considérés comme des amis. Mais en plus, en ce qui concerne Benoit, c’est qu’il va devoir travailler pendant six mois en étroite collaboration avec Louise et Jacob via la magie d’Internet. Ces derniers sont d’une certaine façon l’extension physique de Benoit et c’est une bonne chose de se rencontrer en vrai de temps en temps, ces prochains jours, ils auront du temps pour discuter de vives voix.

Depuis quelques semaines, Sara a été remplacée par Stephen qui semble plus motivée que sa prédécesseure, il est en contact avec Louise qui est la relationniste entre lui (voix administrative du palais), Ben et la SKL(Scotland knight leage). Bien sûr il y aura régulièrement échange de courriels et de coups de fils hebdomadaires entre Stephen et Ben, mais c’est surtout avec Louise qu’il va travailler. Cette dernière n’est pas limitée aux heures de bureau comme c’est le cas avec Stephen, même chose pour Jacob, ce qui fait que parfois, ils échangent avec Benoit en soirée alors qu’eux sont au beau milieu de la nuit. J’ai aussi fini par m’habituer d’entendre les « pings » des alertes sur Facebook au beau milieu de la nuit, sachant qu’eux sont probablement en train de déjeuner avant d’aller à leur « vrai » travail. Comme Ben, ces tâches qui concernent la préparation du tournoi annuel ne sont pas rémunérées, c’est du bénévolat qui prend autant d’énergie que leur travail officiel. Ces deux assistants sont autant motivés et travaillants que Ben, ce qui le rend vraiment heureux…et moi aussi. Il peut ainsi déléguer un peu et être assuré que les tâches seront faites, ce qui est une chose très rare habituellement. Il a, depuis deux ans, continué des tâches inachevées ou repris du travail bâclé et trop souvent il a dû s’occuper de dossiers qui ne lui appartenaient pas tout simplement parce que ceux-ci n’avançaient pas. Je sais pertinemment qu’à mesure qu’on se rapprochera de l’échéance, il sera davantage happé par le tourbillon IMCF. Oui je pense que notre couple peut survivre à cet ouragan qui approche, mais pour cela, je dois m’impliquer et suivre de près pour comprendre pourquoi mon homme est si occupé. C’est pourquoi nous avons un bureau avec nos deux ordinateurs, on travaille face à face et on vit ça ensemble.

Jacob a la charge d’ouvrir un compte pour l’IMCF pour que les avoirs de la fédération soient disponibles en Écosse, lorsqu’il y a des coûts divers. C’est lui aussi qui s’occupera de la marchandise, comme les t-shirts par exemple et tout ce qui touche la budgétisation sur place. Lui et Louise accompagneront Scott, le capitaine de l’équipe, à l’assemblée générale au palais.

Vue à partir de ma fenêtre de chambre, je sais elle est vraiment sombre...


La maison qu’ils ont louée est immense, auparavant Louise habitait aux îles d’Aran et Jacob aux îles Shetland, ils ont voulu se rapprocher de Perth pour pouvoir être près de Scone palace, sachant qu’ils devront y aller régulièrement. Louise nous prête sa superbe chambre avec salle de bain, nous sommes encore mieux que si nous étions à l’hôtel. Après avoir déposé nos maigres bagages au pied du lit, nous redescendons pour aller avec Scott à l’épicerie. Même si la bouffe c’est chacun pour soi, nous voulons faire un repas et un dessert pour le groupe pour les remercier de nous accueillir et parce que nous voulons leur faire découvrir un p’tit peu de chez-nous. J’envisage donc de faire un gros pâté chinois et un gâteau aux carottes, je le ferai demain pour qu’Hubert et Brendan en profitent aussi.

Nous sommes étonnés des prix, nous avions toujours cru qu’en Écosse ça coûterait très cher pour le coup de la vie en général, en tout cas pour ce qui est de la nourriture achetée à l’épicerie c’est raisonnable, sensiblement comme chez-nous, parfois même moins cher. Il y a aussi pas mal de produits écossais ou anglais, j’en suis ravie, j’encourage ça, donc j’achète du bœuf et des produits laitiers écossais, le fromage cheddar, le meilleur jusqu’à maintenant et moins cher que chez-nous. Ils ont aussi plusieurs choix de bières et de cidres, ce qui arrange Benoit, et les prix sont comparables avec ceux du Québec. On achète tout ce dont nous avons besoin pour notre souper de groupe demain soir, de quoi déjeuner pour quatre matins, un poulet rôti, des frites au four et une salade prête-à-manger pour ce soir, beaucoup de fromage, quelques bouteilles de bières et de cidre et ça nous coûte 47£ (livres) environ 80$ vraiment très abordable. Ce genre de détail est considérable pour les combattants qui viendront en mai, comme le prix des hôtels, des airbnb, du transport sur place, etc. Ainsi, ceux qui pourront se déplacer pendant le tournoi, peuvent se ravitailler à l’épicerie à un prix raisonnable.

L'apéro!


C’est après nous être rassasiés, qu’Hubert arrive tout sourire, visiblement heureux de nous retrouver, il est accueilli dans la bonne humeur et la chaleur amicale. Voyant que quelques bouteilles de bière, de cidre et d’hydromel parsèment l’îlot qui nous sert de table, il sort ses bouteilles de vodka polonaise aromatisée Soplica, mes papilles gustatives se souviennent avec bonheur de la bouteille aux cerises qu’il avait offert en cadeau à Benoit. Cette fois-ci il a apporté quelques-unes, dont aux cerises et aux noisettes, quand je vois les yeux allumés de tous, je ne crois pas qu’elles survivent jusqu’à demain. Nous continuons de trinquer ainsi à l’amitié et à notre tournoi qui commence à prendre forme, nous devrions repartir avec le contrat cette fois, Stephen l’a confirmé. Peut-être demain, lors du petit meeting auquel il a convié le président et le vice-président, une rencontre avant l’assemblée générale du samedi.





lundi 15 octobre 2018

FREEDOOOOM!





C’est aujourd’hui qu’a lieu le tournoi qui d’une certaine façon nous sert de pratique pour le tournoi annuel en mai. Ça ne dure qu’une journée, la lice est plus petite, il y a beaucoup moins de combattants et la foule de spectateurs sera pas mal moins grosse. Je pense aussi que Lady Mansfield et l’administration du palais, par mesure de prudence, ont « commandé » cet événement pour avoir une idée précise de ce sport et sans aucun doute pour observer l’intérêt du public.

Sur le campement, on s’active très tôt, quelques-uns se remettent péniblement de leur soirée fort bien arrosée, mais la plupart commencent leur journée avec entrain. Benoit sort son sac d’armure et de gambison de la tente de l’équipe écossaise et commence tranquillement à s’habiller tout en jasant avec ses co-équipiers et Hubert. Depuis que je côtoie de près ce milieu du béhourd, j’ai rarement vu les combattants faire ça rapidement, ça doit ressembler un peu à des joueurs de hockey dans un vestiaire mais en pire : y a plus de matériel à enfiler mais surtout, les gars se voient moins souvent, donc ça bavarde beaucoup. Mon chum fait partie de la catégorie A1 du bavardage!

La préparation des combattants varie de l’un à l’autre, dépendamment du type d’armure et de gambison, si je prends l’exemple le plus près de moi, Benoit, voici un aperçu. D’abord, il met un pantalon de jogging avec un rashgard (t-shirt de sport), il met sa coquille (protège couilles), ses jambières en gambison et les attache à sa grosse ceinture en cuir, enfile ses bottes médiévales, et commence à mettre l’armure pour les jambes. Ses pièces de tibias et de genoux ont de la mousse à l’intérieur qui protègent ses jambes de l’impact direct de l’armure sur sa jambe. Ses pièces sont retenues par des ganses attachées derrière, puis les cuisses qui sont attachées sur le gambison, autour de la jambe mais aussi à la ceinture de cuir. C’est là généralement qu’il prend une pause…plus longue, pour marcher un peu et voir si tout est bien installé et pour bavarder. Ensuite, il met son gambison de corps sur lequel on pose, les pièces, les épaules, les avant-bras, les biceps et les coudes. Les épaules sont maintenues par des cordons de cuir cousus sur le gambison, les bras et coudes sont attachés l’un à l’autre en plus d’être retenues avec des ganses de cuir autour des bras comme pour les avant-bras.

La pièce de corps en un seul morceau est faite de laine sur laquelle est rivetées des bandes d’acier trempé, elle s’attache dans le dos par trois ganses de cuir. On met ensuite le tabard quand il y en a un, aujourd’hui, on lui en a prêté un car il se bat avec l’équipe écossaise. C’est juste avant d’entrer en lice que le reste de l’armure est enfilé, c’est-à-dire, le protège-dent, le casque et les gantelets. Il y a deux ganses à l’intérieur, une qui passe sous la mâchoire et une sur le menton pour maintenir solidement le casque sur la tête qui demeure la seule partie du corps qui pourrait être blessée mortellement si le casque venait à s’ôter durant le béhourd. Tout cet attirail prend du temps à enfiler et demande un coup de main, c’est mon rôle et celui de toute personne qui accompagne le ou la combattante, en plus d’aider à transporter l’arme et le bouclier quand il y en a un, sans oublier les lunettes, le portefeuille, la bouteille d’eau et le portable. Bien sûr, y a des armures moins compliquées, pas mal plus chères qui sont complètement fermées et qui ne requièrent pas le port du gambison ni vraiment de coup de main. Mais de façon générale c’est bien pratique d’avoir une ou deux personnes prêtes à aider.

Sur le parterre du château, il y a déjà une cinquantaine de spectateurs qui attendent de voir les combats malgré une petite bruine qui va et qui vient entre deux éclaircies. Comme plusieurs équipes en Europe, les combattants anglais font aussi de la reconstitution historique et sont entourés de gens qui les suivent et pratiquent d’autres activités connexes mais qui ne font pas du combat, comme par exemple de l’archerie, de la fauconnerie, de l’artisanat, etc. Ces tournois sont pour ces gens-là, une bonne occasion de faire des démonstrations, d’instruire le public, de vendre le fruit de leur travail et bien sûr ils offrent un environnement approprié pour le tournoi avec leurs tentes et leurs kiosques.

Il a été décidé de faire entrer les équipes par la grande porte, sous l’arche de pierres, comme nous le ferons au tournoi en mai pour la cérémonie d’ouverture et de clôture. Pendant que les équipes se rejoignent derrière le mur de pierres, moi je vais de l’autre côté avec le reste du public pour les voir faire leur entrée.







Le défilé est assez bref puisqu’ils sont moins d’une trentaine de combattants en rang plus ou moins éparse. Néanmoins, je sors mon portable et j’immortalise le moment sous quelques bourrasques soudaines. Qui aurait dit qu’un jour nous serions en Écosse dans de telles circonstances? Je regarde Benoit passer avec son équipe et je me demande s’il a des pensées semblables, ou qu’il réalise qu’il va se battre en duel avec une claymore qu’on lui a prêté, son épée préférée.

Quand le défilé se dirige vers la lice, je le suis, pas loin derrière et vais rejoindre l’équipe qui s’installe sur le côté de la lice, dans la petite butte de la chapelle. C’est là que les gars déposent leurs armes, boucliers et casques. Comme les combats ne commencent pas avant une quinzaine de minutes, je me promène un peu parmi la foule pour une raison, c’est plein de chiens. En effet, on m’avait déjà dit que les Écossais les aimaient beaucoup et que tout naturellement les chiens accompagnaient leur maître régulièrement.

J’approche les maîtres et leur demande si je peux caresser leur chien, j’ai toujours droit à des réponses positives, des sourires et des questions car ils sont bien conscients, à voir ma tenue médiévale, que je suis acoquinée avec les gens du tournoi. Quand je les approche et que je vois leur sourire, je me doute bien sûr, qu’il y aura une remarque à propos de la princesse animée écossaise. Mais ça ne me dérange pas du tout car ça facilite l’approche, quoique les Écossais ne sont vraiment pas difficiles à approcher.

Je suis étonnée de les voir rester autour de la lice avec leur chien malgré la pluie fine, ils ne semblent même pas la remarquer. Fidèle à mes habitudes, je suis engouffrée dans ma cape à cause du froid et de l’humidité. Les gens me taquinent à savoir comment est-ce possible que je vive normalement dans un pays autrement plus froid.

C’est un petit tournoi qui n’accueille que quatre équipes, trois provenant de l’Angleterre et celle d’Écosse dont Benoit et Brendan font partie temporairement. Brendan par solidarité avec Ben, a décidé de porter la ceinture que ce dernier lui a offert lors du dernier tournoi à Claregalway en Irlande l’année dernière. C’est une belle occasion pour lui de la porter car c’est rare que ces deux amis se battent dans la même équipe.

Le tournoi a commencé et Ben se bat en duel à l’épée longue, la fameuse claymore, il a un peu de difficulté car celle-ci, à cause de sa longueur, s’accroche dans le sol dès qu’il la laisse un peu retomber. Il n’a jamais utilisé une telle épée, du moins une vraie pour un vrai combat, il était si fier de l’essayer enfin. Peut-être que dans ce cas-ci ça devrait faire partie de la catégorie des fantasmes qui doivent juste demeurer des fantasmes. Entre deux rounds, il m’avoue ressentir un peu les effets de la veille, pas qu’il ait tant bu mais normalement il ne boit pas du tout la veille d’un combat.  

Même s’il se doutait qu’il ne gagnerait pas face à des combattants plus expérimentés au duel, il est content d’avoir essayé. Benoit aimerait bien que son équipe au Québec comprenne que plus on fait de combats, avec le plus de combattants possibles, plus on s’améliore. Le hic est, que chaque année la fédération, se butte à organiser des qualifications dont le but est de choisir qui composera l’équipe du cinq contre cinq (la plus populaire) qui participera au tournoi mondial. Benoit et moi croyons que le Québec (notre fédération) devrait laisser la chance à tout le monde d’aller au tournoi mondial. Déjà, y a ceux et celles qui peuvent y aller, selon leur portefeuille et disponibilités, puis il y a suffisamment de catégories pour accommoder tout le monde. Les qualifs devraient servir plutôt à déterminer qui fera quoi, même les moins expérimentés peuvent au moins faire du « all v/s all » ouvert à tous. De plus, c’est une belle expérience d’écuyer et une belle occasion de développer le sentiment d’appartenance au sein de l’Ost du Québec. Sentiment qui demeure assez fragile pour différentes raisons, dont les qualifications qui prennent des tournures politiques. 


   
Ben participe aussi à la catégorie « hallebarde » et remporte la troisième place, mais je manque ses combats ainsi que ceux des filles (elles ne sont que trois) et la catégorie épée et bouclier. Le fait est que je suis allée aux toilettes au palais et que j’ai croisé des dames qui m’ont jasé et retenu pendant une bonne vingtaine de minutes. Comme il n’y a pas beaucoup de combattants, ça passe vite. Lorsque je reviens à la lice, je constate que les duels sont terminés. Benoit vient à ma rencontre pour m’annoncer qu’il a remporté la troisième place, je le félicite pendant que nous marchons à la rencontre de Lady Mansfield qui bavarde avec Hubert, nous nous joignons à eux. La dame est tout sourire, elle semble excitée par ce qu’elle voit.


William avait dit à Benoit que sa mère était aussi enthousiaste que lui par l’idée de tenir ce tournoi au palais, à voir son sourire, je me dis que c’était vrai. Elle s’intéresse à l’équipement et pose plusieurs questions pertinentes à propos des technicalités des combats et des armures. Hubert glisse dans la conversation à un moment, qu’ils auraient bien aimé, lui et Benoit, repartir (le lendemain) avec le contrat signé mais qu’apparemment ça ne sera pas possible puisque Sara n’est pas là. Elle prend son portable et appelle cette dernière et lui demande de passer au palais.

Nous les laissons discuter pendant que Benoit se prépare pour le béhourd. Il saisit son casque de 16 livres, un véritable tank qui donne une protection maximale, en revanche sa lourdeur peut se retourner contre lui s’il se trouve déséquilibré et l’entraîner facilement au sol. C’est pourquoi, il doit toujours inclure des exercices pour renforcir son cou lors de ses entraînements. Comme si ce n’était pas suffisant, il n’a pas de visière sur son visage que l’on peut ouvrir pour lui permettre de prendre un peu d’air entre les rounds. Il faut donc enlever, respirer quelques secondes et remettre, sans tarder car dans un tel cas, il peut être disqualifié. Une fois sur deux, il préfère le garder sur sa tête, c’est aussi pour cette raison qu’il a commencé à mettre un masque à gaz lorsqu’il fait du cardio ainsi reproduire un peu les mêmes conditions et s’y habituer et ne plus paniquer par le manque d’air.

En tout cas en ce moment, il s’amuse avec son équipe, et blague un peu avec le public entre deux combats. Les gens sont impressionnés et curieux, comme ils se tiennent à quelques pieds de la lice, ils peuvent voir l’action de près et parler aux combattants. Tout comme eux, je réponds aux questions qui me sont posées pendant que je flatte leur chien. Cette étape est super importante, nous devons faire de l’éducation, c’est pourquoi, les combattants n’hésitent pas à mettre les armes dans les mains des gens pour que ceux-ci constatent que même si ce sont de vraies armes, elles ne sont pas tranchantes. En étant près de l’action, le public est en mesure de ne rien manquer du spectacle et de ce qui se passe entre les rounds : les switchs quand y en a, les pièces d’armure qui brisent et qu’on doit réparer temporairement et super rapidement, les blessures et d’entendre parfois les stratégies du capitaine à son équipe. D’ailleurs celui-ci a subit une blessure à l’arcade sourcilière causée par son casque, mais comme elle saigne beaucoup ça impressionne les spectateurs. Toutefois, puisqu'ils sont justement près, ils peuvent constater que ce n’est pas une blessure grave et que le capitaine continue comme si de rien n’était.   

À un moment donné, entre deux rounds, Benoit se rend compte que sa deuxième arme, celle qu’il veut maintenant, est restée dans la tente sur le campement. Celui-ci, est à 5-10 minutes de marches, 3 minutes de course que je devrai faire en catastrophe, vêtue de mes chaussures médiévales certainement pas conçues pour courir et de ma robe et ma cape. Consciente que je dois faire vite, je m’élance dans un sprint, qui m’étonne moi-même, trouve la hache, reviens ventre à terre au moment où l’arbitre crie « fight! » Ben, a juste le temps de faire l’échange d’arme avec moi. Les spectateurs témoins de la scène applaudissent devant ce coup de théâtre, quand je vois Ben repartir, sourire en coin je lui crie un sarcastique et essoufflé « Merci chérie! » pour lui faire prendre conscience de ce que je viens de faire pour lui, il se retourne et me crie à son tour « MERCI Chérie! ». Même si notre public parle anglais, il a parfaitement compris et rit de bon cœur.

L’équipe se hisse finalement en troisième place alors que les gars croyaient arriver bon dernier, face aux trois équipes anglaises plus expérimentées. La fin d’après-midi s’étire en prises de photos, en équipe et avec les gens du public, les enfants surtout, qui veulent poser fièrement avec un vrai chevalier.






Je commence à ramasser notre stock pour éviter de trop faire attendre Dave avec qui on doit repartir. Benoit arrive sur le campement peu après et enlève son armure avec la même cadence qu’il l’a mis ce matin. Il y a des gambisons qui « sèchent » un peu partout, sur des poteaux de tente ou par terre. Benoit devra mettre toutes ses pièces de gambison encore mouillées de sa sueur dans ses sacs d’armure, ils y resteront encore 24 heures. C’est le temps qui nous reste avant notre retour à Montréal. Tous ceux et celles qui ont eu à défaire des poches de hockey vont comprendre, mais imaginez en plus l’odeur des pièces d’acier qui commencent à rouiller, ça rouille extrêmement vite. 

Nous mangeons une dernière fois avec la gang, grignotant ce qui reste sur la table et sirotant une bière, pas trop car tout le monde doit reprendre la route ce soir, cette nuit ou tôt demain matin. L’ambiance est à la bonne humeur, comme toujours, les adversaires d’aujourd’hui sont tous des amis en premier lieu. On se remémore comme toujours les bons coups et les échecs et on discute du prochain tournoi qui aura lieu ici même. Je nous trouve un peu privilégiés d’avoir pu fouler ce sol avant les autres. Nous y reviendrons encore en novembre et cette fois-ci, avec les représentants des équipes participantes.

Quand tout notre stock de valises et d’armure est rangé dans la valise et sur le siège arrière de la voiture de Dave, nous allons saluer tout le monde en remerciant bien l’équipe écossaise pour leur dévouement et leur accueil et on se dit au revoir. On se reverra dans quatre mois.

Le soir, après une bonne douche, je viens rejoindre au salon Ben, Dave, Donna et une amie à eux, qui bavardent gaiement. Évidemment y a d’Argo le gros toutou qui m’accueille comme si j’étais une vieille connaissance. Les filles m’offrent un drink que j’accepte avec plaisir tandis que Ben accompagne Dave avec son verre de scotch. Comme si ça allait de soi, nous entamons tout de suite une conversation à propos de politique et nos points en commun, un désir profond d’indépendance et de liberté. J’aimerais tant pouvoir parfaitement comprendre et suivre sans demander d’aide à Benoit quand je ne comprends pas. J’apprécie de pouvoir discuter politique, mis à part ma mère et ma sœur, je n’ai pas souvent l’occasion d’en parler avec d’autres femmes comme je le fais ce soir. J'ignore pourquoi mais de façon générale la politique n'est pas un sujet populaire auprès des femmes, disons qu'elles préfèrent parler autre chose. 

Je pense bien que si nous n’avions pas besoin de partir si tôt le lendemain matin, nous resterions assis à boire toute la nuit à bavarder, tant le moment est béni. C’est tout de même tard en soirée, et un peu pompette de quelques drinks, que nous nous traînons jusqu’à notre lit. Dans quelques heures, nous prendrons le chemin du retour, d’abord pour Glasgow, puis vers Montréal.

Dire qu’on n’a toujours pas de contrat signé… 

mercredi 19 septembre 2018

Fascinante Écosse





Samedi matin, on « petitdéjeune » autour du feu et du gros chaudron de Shonna, je mange surtout du pain et du fromage cheddar (j’adore leur fromage!) avec une tasse de thé. Je glisse un paquet de biscuits et deux pommes dans mon sac, j’ignore quand sera le prochain repas. Quand notre petite délégation est prête, Ben, Hubert, Louise, Jacob, Scott et moi, allons au palais pour rencontrer, encore, Sara. Cette fois, c’est pour lui présenter notre troisième partenaire dans cette aventure, c’est-à-dire la SKL (Scottish Knight league). Les responsabilités et les dépenses doivent être départagées et les trois partenaires retireront des bénéfices, au sens large, de cette association.

D’abord, il est important de souligner que la plupart des châteaux en Europe, même si plusieurs ont été rénovés et sont sur les circuits touristiques, sont devenus des musées, des hôtels ou des salles de réception. En recevant un tournoi sportif et médiéval comme le nôtre, les établissements historiques (châteaux, palais, forteresses, etc.) deviennent le décor idéal que nous avons besoin et ceux-ci bénéficient d’une belle publicité gratuite grâce à la couverture journalistique, les vidéos de promotion qui sont vus plusieurs dizaines et même centaines de milliers de fois par des internautes de partout dans le monde, puisque nous avons chaque année plus de 25 pays participants. Les combattants découvrent l’endroit et la population locale découvre ce sport. L’espace de quelques jours, l’établissement est l’hôte d’un tournoi sportif comme il y en avait il y a 600 ans. C’est une belle cure de jeunesse pour ces endroits qui deviennent des musées vivants à ciel ouvert.

L’IMCF bénéficie d’un lieu époustouflant pour son tournoi, l’Écosse est un lieu très prisé, je dirais mythique pour beaucoup de combattants, mais aussi pour les spectateurs qui vont vouloir suivre l’événement sur place ou en diffusion directe sur Internet. Comme ce sera le cinquième anniversaire de la fédération, l’IMCF doit offrir un show spectaculaire et comme toujours, offrir une belle occasion touristique à ses combattants. La SKL, tire aussi son avantage de la visibilité que le tournoi lui procurera et ainsi grossir ses rangs avec les nouveaux intéressés qui vivent en Écosse. Bien sûr, il y a aussi des gains financiers à faire, mais avant il faut mettre la main dans sa poche pour couvrir tous les frais. Même si l’IMCF aimerait faire un bon profit afin de payer ses arbitres entre autres choses, elle veut surtout éviter d’avoir à payer quoique ce soit, après tout, elle offre un spectacle, elle aimerait bien ne pas avoir à débourser pour le faire. Ce qu’elle demande à notre hôte c’est qu’il se charge de toutes les infrastructures temporaires : les toilettes, douches, eau potable, WI-FI pour la transmission du tournoi sur Internet, des tentes pour les arbitres, ainsi que pour les combattants en attentes, des estrades pour les spectateurs, un ou deux écrans géants, accessibilité d’un terrain pour planter sa tente, d’avoir un technicien d’audio et vidéo sur place et une équipe de premiers soins incluant une ambulance, etc. Mais en échange, il récoltera les entrées payantes.

La SKL, demande que le palais paie le bois qui servira à construire la lice, en échangent, ils offrent de la construire et la garderont ensuite pour leurs autres futurs tournois. Celle qui servira demain au tournoi appartient aux Anglais et de toute façon n’est pas assez grande pour un tournoi de cette envergure. Comme c’est la SKL qui est l’équipe qui reçoit, c’est elle qui se chargera de diverses tâches sur place, pas encore déterminées.

L’IMCF s’engage à produire un tournoi avec plus ou moins 400 combattants(e)s et au moins 200 aides plus une trentaine d’arbitres. Évidemment, il est entendu, comme toujours, que tout ce beau monde sera costumé médiéval historiquement correct durant tout l’événement de sorte qu’il offrira un tableau vivant aux spectateurs.

Pendant le meeting, y a plusieurs points qui reviennent, dont certains semblaient réglés même avant qu’on ne vienne en Écosse, faut dire que ça fait plus de six mois que Ben est en correspondance avec Sara, des échanges de courriels, des appels skype et des périodes de silences qui durent des semaines. Ça fait longtemps qu’il demande qu’un contrat soit signé, c’était sensé se faire en arrivant ici, nous sommes la veille du tournoi et Hubert et Ben doivent encore débattre et revenir sur des détails, ils sont un peu découragés. Moi j’ai l’impression, comme les gars, qu’elle fait tout pour retarder la signature, voire tuer le projet dans l’œuf. Et pourtant quand il discute avec Benoit sur messenger, William se montre super enthousiaste par le tournoi.

Au bout d’une heure, elle annonce qu’elle doit quitter le bureau et qu’elle sera absente cet après-midi, il faudrait donc que tout soit noté et lui soit remis, ensuite on pourra signer le contrat produit par elle. En mon for intérieur, je suis convaincue que nous repartirons à Montréal sans ce ?%$$%?$ de contrat. Demain, c’est le tournoi et Benoit se bat avec l’équipe écossaise, clairement qu’il ne pourra s’occuper de ça. Nous repartons lundi, mais nous quittons le terrain demain soir pour aller dormir chez Dave qui viendra nous reconduire très tôt à l’aéroport, et je crois qu’Hubert quitte lundi soir. Personnellement je trouve que c’est un grand manque de respect de la part de Sara, d’être très peu disponible alors que nous venons de traverser l’océan exprès parce qu’elle préférait qu’on procède de cette façon pour signer le contrat. Y a aussi Hubert qui a quitté sa ferme en Pologne en pleine saison agricole. Non seulement elle ne nous prend pas au sérieux, mais en plus de faire poiroter Benoit depuis des mois, elle se montre distante voire absente.

Nous retournons au campement pour que Benoit puisse enfiler son armure avec le reste de l’équipe, le but étant de faire quelques démonstrations aux visiteurs qui circulent un peu partout sur le terrain. D’un commun accord, les non combattants, enfilons nos costumes pour créer plus d’impact. Ainsi nous espérons que les visiteurs reviendront demain avec des amis.     




Son surnom: Fancy turkey (J'avais jamais vu des paons blancs)


Comme nous attendons la lice qui doit arriver au courant de la journée avec la majorité des Anglais, les démonstrations de combat ne sont pas nombreuses. Toutefois, on fait beaucoup de « P.R » (public relation)! Les gars montrent leurs armes et armures, on répond aux nombreuses questions, on montre la solidité des casques et bien sûr, on me dit qu’avec mes cheveux et ma robe je ressemble à Mérida. Moi qui croyais que mes cheveux roux passeraient inaperçus en Écosse…oubliant un détail important, c’est une princesse écossaise, tout le monde la connait ici.


En après-midi, je prends le temps d’aller voir de plus près la chapelle. Son ancêtre, une abbaye, vieille du 9ième siècle et tombée en ruines au début du 19ième a été complètement rasée par le comte de Mansfield et remplacée par une petite chapelle. C’est à cet endroit que furent couronnés tous les rois d’Écosse parce que c’est là que reposait la pierre de la destinée, une pierre magique qui aurait été apportée d’Irlande par les dieux Tuatha Dé Danann. Aujourd’hui, sa réplique est devant la chapelle et pour celui qui ne connait pas son importance, c’est une grosse pierre bien banale. Pourtant elle a légitimé tous les rois d’Écosse depuis le 9ième siècle. En effet le candidat devait monter dessus pour se faire couronner, bien sûr on pense aux histoires du roi Arthur qui doit sa légitimité royale aussi à une roche (dont est tirée une épée).

Mais comment se fait-il que ce soit la réplique qui soit ici me direz-vous? Elle est restée à cet endroit jusqu’en 1296, transférée alors en Angleterre par Édouard I   comme trophée de guerre, c’est pour dire que lui-même accordait une certaine importance à cette grosse pierre usée. Peut-être avait-il compris aussi le pouvoir politique que ce rituel pouvait lui apporter, puisque les rois anglais furent à leur tour couronnés assis dans une chaise avec la pierre enchâssée sous le siège. Bien qu’elle fût gardée ensuite à l’abbaye de Westminster à Londres pendant 800 ans, les rois d’Écosse continuèrent quand même d’être couronnés dans l’abbaye de Scone même s’ils n’avaient plus leur pierre.

Je ne peux parler d’elle sans raconter la petite escapade dont elle fut l’objet en 1950, il y a d’ailleurs un film à ce sujet « Stone of Destiny » que nous, Ben et moi, avions vu quelques années auparavant et qui m’avait poussé à faire quelques recherches sur cette fameuse pierre. C’est l’histoire (vraie) d’un groupe d’étudiants écossais nationalistes et conscients de la puissance du symbole écossais et du pouvoir de ralliement de la pierre de la destinée. Avec l’aide secrète de leur prof, ils échafaudent un plan audacieux dans le but de voler la pierre qui est exposée toujours à l’abbaye de Westminster. Leur ambitieux projet a pour but de redonner un sentiment de fierté aux Écossais plutôt que le sentiment douloureux de leur défaite face aux Anglais. Le jour de noël, la petite équipe réussit à entrer dans l’abbaye, à récupérer la pierre qu’ils brisent en deux par accident et de la rapporter en Écosse. Elle est cachée d’abord dans un champ, mais soucieux qu’elle ne se détériore, l’apportent à un politicien qui l’a fait réparer et la cache à son tour en lieu sûr.

En avril, gonflés de confiance par l’opinion publique, et convaincus qu’on leur permettra de la garder, ils installent la pierre dans un lieu significatif, à l’abbaye d’Arbroath, là même où aurait été signée la Déclaration d’Indépendance de 1320. Malheureusement quand la police londonienne est mise au courant, la pierre est rapidement et discrètement rapportée à Westminster, on arrête les jeunes qui sont rapidement relâchés sans accusation contre eux. Elle regagne sa place sous son siège juste à temps pour le couronnement d’Élizabeth II trois ans plus tard, un couronnement qui sera suivi par des millions de témoins puisque ce sera le premier couronnement télévisé. Elle est couronnée Reine du Royaume-Uni (Angleterre, Pays de Galles, Irlande du Nord et Écosse) et des autres royaumes du Commonwealth (la liste est longue mais ça inclue le Canada). Je trouve très paradoxal cette volonté de la monarchie de faire de ce couronnement télévisé un grand pas dans la modernité alors qu’il repose sur un rituel païen, vieux de mille ans.  

En 1996, Élizabeth, dans un geste de magnanimité, restitue la pierre aux Écossais, mais consciente du pouvoir symbolique nationaliste, l’installe au château d’Édimbourg qui est relié à son propre palais. Faut aussi dire que la capitale est plus anglaise que les villes plus au nord comme Glasgow ou Perth, là où nous nous trouvons. Une seule condition a été posée, c’est-à-dire que l’on ramène la pierre à Westminster pour le prochain couronnement.

Toutefois, il y a eu et y a toujours des rumeurs…paraîtrait que les souverains britanniques auraient été couronnés sur un faux et que la pierre véritable aurait été cachée par des moines. Paraîtrait aussi que certaines monnaies anciennes écossaises montrent le roi avec ses symboles royaux et sous ses pieds, une pierre avec des motifs hiéroglyphes…et il n’y en a pas sur celle qui est exposée dans le Crown room. Je l’avoue, je n’ai pas cherché les pièces en question et j’aime bien penser que pendant 700 ans à Westminster on a couronné des monarques sur une grosse roche sans valeur.


Parlant de rumeurs, de légendes et de croyances populaires (ne jamais oublier qu’il y a toujours un fond de vérité derrière chaque légende) y en a une que j’adore et en plus elle appartient au lieu où je pose mes pieds actuellement. C’est la petite colline où se trouve la chapelle et la réplique de la pierre, là où avait lieu le couronnement. En effet, on appelle ce lieu moot hill ou boot hill et tirerait son nom d’une ancienne tradition qui me fascine parce que c’est à la fois très logique et très poétique. Voilà, quand les nobles venaient jurer fidélité à leur roi, ils apportaient un peu de terre de chez eux dans leurs bottes et prêtaient serment sur ce qu’ils avaient de plus cher, leur terre. Aussi, on dit que les poignées de terre déposées par tous ses vassaux venus des quatre coins de l’Écosse ont fini par créer, avec le temps, une petite colline qui représentait toute l’Écosse. Les rois ensuite couronnés sur cette butte, faisaient ainsi lors de ces cérémonies, un engagement extrêmement symbolique envers le peuple écossais. Ça devait être très cérémonieux!










Je mets fin à mes rêveries, mon estomac y contribue pour beaucoup, c’est pourquoi je prends le bras que m’offre mon chevalier pour retourner au campement qui a doublé de grosseur depuis ce matin. C’est que la majorité des Anglais et des Gallois sont arrivés, y a quelques petites roulottes et plusieurs tentes. L’ambiance est très agréable, et la bonne humeur augmente à mesure que les canettes de bière se vident et que le soleil descend sur l’horizon. Je me retrouve à bavarder gaiement avec deux Galloises qui semblent être de mon âge, mon accent GSP se fait aller et je réalise que je suis en mesure de parler de n’importe quoi et de rire beaucoup. Je jette un œil un peu suspicieux au verre de vin que l’une d’elle m’a offert et je réalise que tout comme le sien, il ne se vide jamais, ce qui explique pourquoi nous rions aux larmes toutes les trois.

Ben vient me rejoindre et je sursaute quand il me parle en français tellement je suis en anglais dans ma bulle, ce qui nous amuse. On repart ensemble pour se trouver un coin et manger et on retrouve Steve, quel bonheur de revoir cet ami, demain il arbitra les combats mais ce soir on prend le temps de se détendre et de bavarder ensemble.

Un peu plus tard, nous nous retrouvons collés moi et Ben sur un gros coussin sur le bord du feu à échanger avec les autres autour. Je demande à Scott de me raconter la fête viking du feu chez lui aux îles Shetland (extrême nord de l'Écosse) je ne comprends pas la moitié de ce qu’il me dit et ce, même en concentrant toute mon attention. C’est qu’il a un accent très fort, et si j’ai bien compris, même les Écossais plus au sud ne comprennent pas tout ce qu’il dit. Mais il est si passionné quand il en parle et j’ai beau ne pas saisir, j’adore son accent. Peut-être qu’à force d’écouter, mon oreille pourrait s’y faire et capter un peu. Pour ce que j’en sais c’est que le festival Up Helly Aa viking est une célébration qui a lieu à la fin du mois de janvier dans l’ensemble de l’archipel dont le but est de briser les longues nuits d’hiver. Elle consiste à faire une procession avec flambeaux costumés en viking et de terminer la parade par le lancer des torches afin d’embraser une réplique de drakkar. C’est que la culture des Shetlands est marquée de son héritage à la fois écossais et scandinave. La première procession a eu lieu en 1876 et la première embarcation fut brûlée en 1889.

Je me doute bien que ce que Scott raconte, c’est tout le reste, le party qui vient avec ce rituel. J’en saisi des brides ici et là, mais à voir la lueur qu’il a dans les yeux quand il en parle, je me dis que je devrais visiter les Shetlands en hiver si je veux bien comprendre et prendre mes propres photos, en attendant, vive Internet!






lundi 10 septembre 2018

Scone Palace: Premiers contacts





Des odeurs de bouffe et de feux de camps me ramènent tranquillement à la réalité, puis Benoit vient finir de me réveiller pour m’offrir d’aller manger et trinquer avec nos ami(e)s sur le bord du feu. C’est une offre difficile à refuser et je l’accompagne en me secouant un peu pour me débarrasser de mes restants de sommeil. J’ai l’air d’un zombie à côté de mon homme qui semble pouvoir courir un marathon, mais coudonc, c’est quoi son secret ?! Y a dormi peut-être deux heures dans l’avion la nuit dernière. Et j’en suis certaine, il n’en dormira pas beaucoup plus cette nuit.

Je fais plus amples connaissances avec le groupe d’Écossais et évidemment l’alcool sert de lubrifiant social, j’ignore pourquoi, mais j’ai toujours plus de facilité à comprendre et à parler anglais avec un verre d’alcool à la main. En effet, la sensation de légèreté fait que je cherche moins à tout comprendre, allant directement à l’essentiel, ce qui est mon principal frein actuellement. Bien sûr, j’ai aussi moins d’inhibition, j’ose parler plus facilement, donc j’apprends. Et là ce soir je ne peux me rabattre sur d’autres Québécois, Français ou Belges si je veux communiquer, je dois me lancer si je ne veux pas rester accrochée à Ben. Alors je sors mon plus bel accent George St-Pierre!

Hubert arrive en soirée avec Louise qui est allée le chercher à l’aéroport, Ben et lui sont contents de se retrouver. Demain ils ont une grosse journée devant eux, ils doivent rencontrer la responsable et voir tous ensemble chaque point concernant le tournoi en mai : Comment va être disposée la lice, les estrades, les écrans géants, la place du commentateur, le Wi-Fi, les campements décorums, et ceux non décorums, les services sanitaires, la publicité qui doit être faite, etc. Qui fera quoi? Qui paiera quoi? Quelles sont les retombées financières? Pour ce qui est de l’IMCF, qui en sera à son cinquième tournoi mondial, tout a été pensé, mais pour les administrateurs du château c’est un peu plus complexe, ils n’ont jamais eu un événement de ce type. Surtout faut qu’on reparte avec un contrat en mains!

Mais pour l’instant on profite de cette petite soirée sur le bord du feu au goût d’hydromel, de bières et de cidre. Les discussions sont animées autour du feu, on parle du tournoi qui vient dans deux jours et bien sûr de celui de l’IMCF en mai. En mon for intérieur, je me dis que ce sujet serait plus emballant si nous avions le contrat de signer officiellement pour protéger l’entente et ainsi, pouvoir se réjouir en toute quiétude. Des imprévus ça arrive et faut faire avec, mais quand ça implique des milliers de personnes, c’est vertigineux et stressant.

Au bout d’un moment, la fatigue et l’alcool nous poussent gentiment à aller nous coucher, nous prenons garde de mettre nos chaussures à l’intérieur de la tente pour les protéger de la pluie qui n’est jamais loin. Nous avons un matelas soufflé pas très grand, mais suffisamment pour prendre la quasi-totalité de l’espace de la tente, se changer devient un véritable défi. Nos sacs et bagages sont tout autour, et on trie le matériel entre ce qui peut supporter l'eau : les cannettes de cidre, les imperméables, les sacs de plastique qu’on peut coincer sur le bord de la toile; puis nos vêtements et l’électronique presque sur nos pieds ou collé contre le matelas. Aussitôt étendus dans notre sac de couchage dans notre chaleur on tombe dans un profond sommeil.

À l’aube, je suis juste à moitié surprise quand j’ouvre les yeux pour constater que Ben est déjà debout, je l’entends d’ailleurs bavarder avec quelques-uns des Écossais matinaux ou…pas encore couchés? Je prends mon courage pour sortir « difficilement » de mon cocon pour aller le rejoindre après un arrêt aux toilettes chimiques installés là pour les campeurs. J’ai pris ma cape en sortant parce que c’est frisquet et je vais le retrouver alors qu’il m’invite tout frais et dispos, super de bonne humeur, créant encore plus un contraste avec mon plus beau look « matin en camping et vapeur d’alcool ». J’accepte volontiers la tasse de thé qu’on m’offre et les biscuits et autres trucs à manger, dont du porridge.


Pendant que je finis de me remettre tranquillement les yeux en face des trous, Benoit et Hubert s’en vont au Palais pour planifier une rencontre aujourd’hui dans le but de signer le contrat. Le terrain est immense et je compte bien l’explorer, c’est pourquoi, je pars moi aussi dans la même direction peu après que Ben et Hubert aient disparus au bout du chemin. J’amène mon sac et y mets quelques biscuits, une bouteille d’eau et mon appareil photo (mon Blackberry) ainsi que ma prise et mon adapteur pour le charger, j’imagine qu’il y a des prises quelque part.

Je l’ignorais mais Scone a la particularité de posséder des dizaines de paons magnifiques qu’ils laissent en liberté sur le terrain. Très peu farouches, j’imagine qu’ils sont très habitués de côtoyer les visiteurs, car on les approche facilement et ils viennent même pavaner tout près, attendant qu’on les prenne en photo. En tout cas, je comprends parfaitement qu’on associe l’arrogante fierté avec le paon « Fier comme un paon ». Ils traînent surtout autour du château, déambulant nonchalamment en maîtres des lieux et quand on ne les voit pas, on entend leurs cris, bref, quoi que l’on fasse et où que l’on soit ils sont toujours là.




Après avoir pris des photos de face et de dos de l’un d’eux pour LUI faire plaisir (Je le jure, il prenait la pose, tournant doucement sur lui-même au moins une bonne dizaine de fois!), j’entre dans la petite boutique souvenirs adjacent au palais. Je fais rapidement le tour, bien consciente qu’on n’a pas de budget pour ça, néanmoins, sachant qu’on revient au moins deux autres fois, je note mentalement ce qui m’intéresse. Je prends la porte transversale qui mène à l’intérieur, au petit restaurant et aux bureaux, c’est là que je trouve Benoit. Ils ont réussi à obtenir un rendez-vous ce matin avec la personne en charge, celle qui correspond avec Benoit depuis plusieurs mois, sans que le dossier n’avance vraiment. Espérons que les choses accélèrent pendant que nous sommes sur place. Je trouve une prise dans la salle de bain, je branche mon cell avec son adapteur, pendant que je fais mes ablutions matinales avec mon kit de survie dans mon sac. Mon chum le compare d’ailleurs au sac d’Hermione pour tout ce que j’y mets ou au Tardis parce qu’il est plus grand que ce qu’il n’y paraît de l’extérieur.

Je jette un œil au pourcentage de mon cell, il n’a pas bougé, merde, puis je me souviens soudainement que le petit interrupteur juste à côté que j’avais pris pour une fantaisie inutile, sert à « ouvrir le passage » à l’électricité. Bien sûr, je le mets à ON et je constate que ma batterie se charge. Une fois de plus, ça me fait prendre conscience, quand je voyage à l’extérieur, à quel point les gens ménagent l’eau et l’électricité. C’est dans ces moments-là qu’on réalise qu’au Québec on est chanceux et on l’ignore trop souvent.

Je le laisse derrière moi sans inquiétude pour aller prendre un café avec Ben et Hubert quelques portes plus loin. Sara, la dame qui s’occupe du dossier est là et nous offre café, thé et pâtisseries, elle nous informe que Lady Murray (la maman de William) se joindra à nous dans quelques minutes. Nous prenons place au fond de la petite salle à diner toute « champêtrement » décorée et attendons en discutant avec Sara et en appréciant nos tasses fumantes en ce petit matin frisquet et humide.

J’aime immédiatement la dame qui entre quelques minutes plus tard, sa poignée de main énergique et son sourire chassent instantanément mon intimidation de rencontrer pour la première fois de ma vie une vraie aristocrate. Habituée comme elle l’est, de rencontrer des gens dans différentes circonstances, à prendre la parole et à entretenir des conversations lors de soupers, soirées ou galas, elle sait rendre rapidement les gens à l’aise. Elle s’assure de parler à tout le monde et pourrait s’il lui en prenait l’envie, nous faire dire les plus grands secrets d’état ou nos plus secrets les plus intimes parce que peu importe notre sujet, elle écoute avec intérêt. À un moment, l’une de ses filles, une grande adolescente, entre, repère sa mère et vient discuter brièvement avec elle, celle-ci fait les présentations et après quelques minutes elle nous salue rapidement et repart par où elle est arrivée. Ben oui, elle a beau vivre dans un palais et porter des titres de noblesse, c’est une maman avant tout.

La conversation s’achève entre elle et Hubert à propos de ses vergers de pommes, poires et cerises en Pologne, une ferme ancestrale qui lui vient de son père et son grand-père avant lui. Le sujet intéresse vraiment beaucoup Lady Murray, j’imagine que cette rencontre avec un fermier polonais, un chauffeur d’autobus montréalais et sa femme costumière et écrivaine à ses heures a de quoi surprendre. Surtout sachant qu’ils sont le président et vice-président d’une fédération de combat médiéval et qu’ils veulent faire leur tournoi à Scone, une idée de son fils. D’ailleurs je constate que nous n’avons même pas effleurer le sujet avec elle, j’assume qu’elle ne voulait que rencontrer ces messieurs par curiosité et s’assurer qu’ils étaient sains d’esprit.

Elle nous quitte sans se départir de son sourire bienveillant et nous laisse avec Sara pour discuter du dossier. Il est question tout d’abord de l’emplacement de la lice, des estrades, de l’écran géant, de l’endroit qui accueillera les drapeaux de tous les pays participants et de l’endroit où seront installés les commentateurs. Nous devons aller à l’extérieur pour mieux visualiser, j’en profite pour aller chercher mon cell, qui m’attend sagement sur une pile de serviettes sur le comptoir dans la salle de bain. Je rejoins les gars, puis me ravise une fois à l’extérieur, je les laisse pour aller explorer aux alentours.  





Je croise évidemment quelques paons ici et là et quelques visiteurs puisque le palais est ouvert au public. En fait, je devrais dire plutôt que le terrain, la petite chapelle, la boutique, le café et la terrasse sont toujours disponibles et pour visiter le palais c’est possible de le faire avec une visite guidée. Je trouve, un peu à l’écart, un très vieux cimetière, le Old Scone graveyard, qui semble un peu à l’abandon. Je suis un peu étonnée car les pierres datent de moins de 200 ans, elles vont du milieu du 19ième siècle au milieu du 20ième siècle. J’ignore qui sont ces gens, il y a plusieurs noms de familles dont cinq ou six Murray. Étrangement pour ces derniers, la date de naissance est inconnue, contrairement aux autres noms de famille. Même si ça me chicote d'en découvrir plus, je ne m’y éternise pas, pas que ça m’effraie d’être complètement seule dans ce cimetière, mais d’y marcher me rend inconfortable parce que je me sens irrespectueuse envers ses défunts. Je quitte l’endroit et retrouve mon cher époux qui bavarde avec Hubert sur le petit sentier qui passe près du cimetière et qui mène entre autres au campement, la direction que nous prenons tous les trois pour aller manger un morceau.


 Je m’informe à savoir comment s’est passé le reste de leur rencontre et comment tout leur travail ici s’annonce. L’administratrice est repartie à son bureau, 5 minutes après mon départ, laissant Ben et Hubert prendre des mesures et évaluer les emplacements et les besoins. Ils doivent tout mettre ça sur papier, le présenter à Sara au courant de la fin de semaine avant de faire le contrat. En principe, ils ont un rendez-vous demain matin avec elle afin de lui présenter le président de la SKL, ainsi que Louise et Jacob (tous deux membres de la SKL) qui seront les agents sur le terrain, ils seront d’une certaine façon les bras droits de Benoit. Je ne suis pas certaine s’ils sont conscients de la responsabilité qu’ils auront sur les épaules. Pour l’instant, ils ont été efficaces pour nous (Ben, moi et Hubert) en nous trouvant une tente, un lit, un gros sac de couchage des oreillers, de la bouffe sans gluten et du cidre pour Benoit, donc ils se sont assurés que le président et vice-président soient sur place, ça commence bien en tout cas.

Après notre repas pris sur le bord du feu, Benoit s’échoue, ma cuisse en guise d’oreiller que je n’ose bouger, consciente du trop peu de sommeil qu’il a eu jusqu’à maintenant.




Il émerge une bonne heure plus tard, lui et ma jambe droite tentent de recommencer à fonctionner. Il nous propose d’aller travailler dans son nouveau bureau improvisé et temporaire, je me demande si on lui a fourni un local ou une pièce dans le palais. Nous le suivons après qu’il ait mis son ordi dans son sac. On a beau être en juillet, je traîne ma cape en permanence à cause de l’humidité constante et des bourrasques de vent qui arrivent sans prévenir, en gros, c’est pas chaud chaud. Rendus sur la terrasse du palais, Benoit s’installe à une petite table, c’est là qu’il décrète que l’endroit est le bureau de l’IMCF pour les trois prochains jours, y a pire comme endroit.   

                                 



Pendant qu’ils discutent des termes et ententes, je ne peux m’empêcher de prendre une photo pour immortaliser le moment, Benoit toujours aussi passionné et expressif face au calme olympien d’Hubert, ils se complètent à merveille pour former une super équipe. Nous sommes en fin d’après-midi et il n’y a plus de touriste, les seuls bruits avoisinants nous viennent des paons qui traînent autour. Soudainement nous entendons un grand SFROUICHE, ce qui s’avère être battement d’ailes de paon qui vient de se percher à 30 pieds dans un arbre juste à côté de nous. S’il voulait nous surprendre c’est réussi! Nous ignorions que ces gros oiseaux pouvaient voler, du moins à cette hauteur. Le gros oiseau en question semble vouloir nous épier mais avec ses cris nonchalants il pourrait bien vouloir juste attirer notre attention ou nous signifier que les visites sont terminées oust!
  
 De toute façon, c’est l’heure de l’apéro et les gars ont décidé que ça suffisait pour aujourd’hui, ils ont mis tout ce qu’ils pouvaient dans un dossier et doivent revoir Sara avant de conclure. Nous saluons la grosse poule colorée perchée sur sa haute branche qui n’a pas besoin de tenir dans son bec un morceau de fromage pour qu’on lui parle de son beau plumage. (Réf, Lafontaine). Les voitures des employés qui ont terminé leur journée passent près de nous, j’ai toujours le syndrome de l’imposteur puisque je me range toujours très à gauche sur le chemin, alors que c’est là que roulent les voitures ici. Je les vois ralentir légèrement quand ils sont à la hauteur du campement, par curiosité je suppose. Y a de nouvelles tentes d’érigées, des Écossais qui viennent d’arriver pour la fin de semaine. Louise est de retour avec quelques bières pour moi et de la bouffe pour compléter le souper que Shona est en train de préparer. Quelques Anglais sont aussi arrivés, mais je pense que la plupart arriveront demain au courant de la journée, le tournoi n’ayant lieu que le surlendemain. La soirée s’annonce plus animée qu’hier!

Brendan arrive à la tombée du jour, on est bien content de le retrouver, lui et Benoit vont se battre dans la même équipe avec les Écossais. Mais pour l’instant, cette belle équipe est plutôt occupée à fraterniser autour du feu et des bouteilles d’alcool. Mon chum, qui a fait une super sieste d’une heure, semble avoir rattrapé tout le sommeil perdu et est maintenant dans une forme incroyable, ce qui n’est pas mon cas. C’est pourquoi, je me sauve au beau milieu du party pour aller me coucher.