mercredi 29 mars 2017

Irlande/ Éirinn partie 2




Lorsque je me réveille, Kaï est étendu confortablement sur le lit à côté de moi, comme si c’était la chose la plus naturelle au monde, il est particulièrement content de me voir éveillée, enfin! Moi sa nouvelle amie temporaire! Je me glisse à l’extérieur quand j’entends du bruit dans la cuisine et me doute que notre hôtesse vient d’arriver de travailler quand je vois la distance parcourue par le soleil, changeant complètement l’éclairage du salon. J’ouvre la porte du salon, et la referme, et avant d’ouvrir celle de la cuisine, je constate qu’il y a des portes partout, pour toutes les pièces. C’est une chose que j’avais observé dans plusieurs maisons en Europe, les plus vieilles surtout, j’imagine que c’est par mesure d’économie du chauffage, et comme c’est humide ici dans ce pays! Au Québec, nous sommes riches en électricité depuis la création du barrage hydroélectrique, mais aussi notre climat rigoureux plusieurs mois par année, nécessite une circulation du chauffage dans toute la maison, incluant nos sous-sols. Donc généralement, les portes d’intérieur servent surtout pour l’intimité des chambres à coucher et de la salle de bain alors que les pièces communes sont ouvertes entre elles.

Lara est effectivement dans la cuisine et après s’être présentées, on constate rapidement que nous pouvons parler en français, j’imagine que notre accent respectif nous a trahit, elle est française d’origine, mais a eu un coup de foudre pour l’Irlande il y a quelques années après y être venue travailler. Puis à son retour à Paris, elle a réalisé que sa place n’était plus en France mais en Irlande. Elle y est revenue et y vit depuis deux ans avec son chien Kaï, sa chatte Nounette et sa chouette Tony. Je lui montre la belle photo que j’ai prise de son chien, elle lâche : « Ah la canaille! Il n’a pas le droit de monter sur le fauteuil et ni sur les lits. » Évidemment, il en a profité, sachant que moi je ne connaissais pas cette règle, il en a bien profité, nous rions. Désolée maintenant mon vieux, je la connais cette règle.

Luc nous rejoint aussi et bientôt Brendan et Maria arrivent et nous cuisinent un chili, la cuisine est toute petite et à cinq adultes, plus le gros toutou et la chatte qui vient quêter quelques caresses aux nouveaux venus, l’espace est complètement occupé. Les conversations sont en anglais, mais de temps en temps, on échange un peu en français, d’une façon ou d’une autre c’est rapidement très animé. Lara me donne le code pour que je puisse me connecter à son Wi-Fi pour pouvoir communiquer avec Benoit qui en principe doit prendre l’avion ce soir.  


Quand nous réussissons à nous brancher ensemble chacun sur notre fuseau horaire, Benoit m’apprend que lui et Andrew sont retournés à Montréal après que moi et Luc ayons embarqués dans notre avion parce que le prochain vol Toronto-Dublin avec de la place disponible était trop tard pour arriver à temps pour le tournoi. Ils ont donc décidé de prendre le vol Montréal-Paris, puis payer le prix régulier d’un billet Paris-Dublin, ce qui n’était pas prévu dans notre budget, mais là on a pas le choix. Benoit est donc actuellement à l’aéroport de Montréal et Andrew est parti chez-lui prendre une douche et bouffer, mais Benoit est résigné à rester là, pour garder les bagages. Il lui reste encore un bon sept ou huit heures avant son vol pour Paris et il n’est pas trop inquiet, il y a beaucoup de place disponible. Je fausse un peu compagnie à nos ami(e)s qui comprennent la situation, pour jaser avec mon amoureux et lui tenir compagnie qui est coincé tout seul à attendre à se tourner les pouces. La situation est trop injuste et pour moi c’est normal que je tente de rendre son attente un peu plus agréable. Demain matin moi et Luc irons un peu nous promener dans la ville de Galway, pendant que Brendan ira chercher Ben et Andrew à l’aéroport, et nous nous rejoindrons en fin d’après-midi.

Quand Andrew arrive à l’aéroport, ça tombe bien parce que je suis fatiguée et je me couche, on se quitte avec l’espoir que tout aille bien pour eux. Pendant que je dors profondément à 1:00 hre, ils prennent le vol de 20:00 hrs, arriveront vers 9:00 hrs am à Paris pour prendre le vol de Dublin vers 13:00 hrs, on se retrouvera vers 18:00 hrs. Nous avons très hâte d’être ensemble et à la même heure!

Au petit matin, on se dépêche de s’habiller, de manger une bouchée avec Lara qui nous déposera à Galway à une trentaine de minutes de chez-elle avant d’aller travailler. C’est une ville située dans la province de Connacht, lieu magnifique et très prisé par les touristes. Nous sommes sur la côte ouest, près de la mer dans la partie la plus « irlandaise » gaélique de l’île. Tout est écrit en anglais et en gaélique, partout!  Nous partons errer un peu dans la ville qui n’est pas particulièrement grande, en comparaison je dirais environ de la taille de St-Jérôme, avec environ une population de 75 000 habitants. La ville regorge évidemment de pubs tous aussi invitant les uns que les autres, et au bout d’une heure ou deux à déambuler dans les rues étroites, à prendre des photos, à s’arrêter pour écouter des musiciens ambulants, nous en choisissons un pour luncher et prendre une pinte de Guinness.



Y a du WI-Fi, je me connecte pour savoir si les gars sont bien arrivés à Paris, ce qui est le cas, d’ailleurs ils s’apprêtent à embarquer pour Dublin, donc on est sur le même continent, c’est l’esprit soulagé que je poursuis mon diner en tête à tête avec Luc qui ne semble pas partager autant d’émoi que moi pour tout ce que je vois. Je suis presque comme un enfant dans un magasin de jouets. Je m’enthousiasme sur la décoration, sur le magnifique piano, sur les bancs faits à partir de barils, de la musique, du gaélique partout, de mon fish & chips, même ma Guiness ne semble pas goûter la même chose que chez-nous, bon c’est peut-être une illusion aussi.




L’après-midi se passe à errer ici et là, nous avons quelques heures à tuer, mais pas assez de temps pour aller visiter des trucs en particulier. J’en profite pour aller voir mes messages en s’arrêtant au McDo et je suis témoin d’une scène qui me rappelle la réaction de Brendan avec sa voiture abimée. Je suis assise dans le restaurant alors qu’une fillette de trois-quatre ans tout au plus, est assise sagement en attendant que son père passe sa commande au comptoir. Elle essaie d’ouvrir maladroitement son sac de smarties, et quand elle réussit, le sac explose et vous le devinerez, la quasi-totalité des bonbons se retrouvent sur le sol, de mon côté, j’attends l’alarme nucléaire imminente, rien ne se produit. Son père arrive au même moment et la fillette hausse les épaules et lui dit sur un ton résigné, que ses bonbons sont presque tous tombés, sans cris, sans larmes…c’est tout. Je me demande à ce moment-là si c’est un trait typique des Irlandais, cette espèce de résignation devant le malheur, cette volonté de ne pas se laisser briser, une caractéristique qui a fini par s’inscrire dans leur ADN au fil des générations.

Et toujours cet humour particulier tragi-comique que l’on trouve dans les contes, les récits, les chansons d’autrefois et le théâtre, mais aussi chez les gens, comme si le malheur et les catastrophes qui ont marqué leur histoire leurs avaient forgé un tempérament blindé face au malheur. Est-ce ce caractère qui a fait de l’Irlande un phare dans la Renaissance celtique, avec ses poètes, ses hommes de lettre, son théâtre? C’est particulier que cette petite île fut aussi un phare dans la montée du christianisme à l’époque de Charlemagne. La Mecque (l’ironie d’user d’un mot emprunté à l’Islam pour parler du christianisme!) où les moines allaient apprendre. C’était le « Oxford » du monachisme chrétien! D’ailleurs cette période nous a laissé un des plus magnifiques chefs-d’œuvre du Moyen âge, le « Book of Kells » exposé au Trinity College à Dublin, j’irai un jour c’est sûr.  Il y a peu d’œuvre purement artistique qui nous reste de cette époque, la première que j’ai pu voir étant la Tapisserie de Bayeux, une immense « bande-dessinée », en broderie du 11ième siècle, qui raconte les événements qui ont menés à la conquête normande de l’Angleterre par Guillaume de Normandie. J’ai eu ce plaisir lors d’un voyage précédent en Belgique et dans le nord de la France.

En fin d’après-midi, nous allons prendre un bus qui nous mènera près de chez Lara où Brendan, Ben et Andrew doivent nous récupérer.

Je ne m’habitue toujours pas aux habitudes routières d’ici, et nichée en hauteur dans le gros autobus de type voyageur, le clash est encore pire, je ferme les yeux pour éviter la nausée. Je m’enfonce dans une petite sieste, de courte durée, quand le chauffeur bien enfermé dans sa cabine vitrée, annonce notre arrêt. Nous allons au point de rencontre, près d’un marché et peu après, les gars arrivent, je retrouve enfin mon amoureux !! Ça fait moins de 48 heures qu’on s’est vus, et même si nous nous sommes textés longuement hier soir, nous avons encore tout un tas de choses à nous raconter. C’est toujours comme ça!

samedi 25 mars 2017

Verte Irlande! Tournoi Claregalway 2015



Septembre est arrivé en coup de vent, sans qu’on ne le voie arriver! J’ai juste eu le temps de faire ma cottehardie aux couleurs du Québec et quelques morceaux pour moi et Ben et nous voilà prêts à repartir. Mais cette fois-ci, c’est bien particulier, moi et Ben avons toujours rêvé d’aller en Irlande, c’est un endroit que nous chérissons depuis des années, avant même d’y avoir mis les pieds. Il y a une dizaine d’années, je m’étais beaucoup documentée sur la culture irlandaise, avant et pendant la renaissance culturelle gaélique et celtique en général car c’était mon premier choix de sujet à la maîtrise. Je m’étais plongée dans les contes et légendes dont les textes dataient du 19ième siècle. J’avais eu un véritable coup de foudre et j’avais pu constater par moi-même, la similitude avec le folklore québécois, et reconnaître notre parenté qui se traduit beaucoup dans la culture. Si plusieurs d’entre nous, avons des ancêtres irlandais gaéliques, faut aussi ajouter que pendant plusieurs siècles nous avions aussi les mêmes ennemis, les Anglais riches et conquérants qui ont tenté de nous assimiler. Pareil pour notre religion commune, le catholicisme, un critère hautement plus important que la langue chez les couples mixtes issus de la vague d’immigration irlandaise au milieu du 19ième siècle.

Depuis, je me suis toujours sentie proche de ce peuple, de son histoire, de ses contes de fantômes et de farfadets, de son humour, de ses luttes politiques et de sa victoire pour son indépendance évidemment. Ça a été tout naturel que nous nommions notre chien, Angus. Bon, même s’il s’apparentait au bœuf par sa taille, c’est plutôt en référence au dieu de l’amour Aengus dans la mythologie celtique que nous l’avons appelé ainsi. Avec les années, l’image du bœuf irlandais s’est fortement imposé et a pris le dessus complètement! Et il nous manque toujours autant ce gros paquet d’amour…

C’est avec beaucoup de fébrilité que nous partons, encore chargés à bloc de valises accompagnés d’Andrew et de Luc. Benoit est un peu inquiet vu le peu de place restante pour le vol de Toronto-Dublin quand il nous enregistre d’abord sur le vol pour Toronto. Malheureusement, il n’y a pas de vol direct, nous allons devoir passer par cet aéroport que nous haïssons tant moi et Benoit. Bah, en autant qu’on n’y reste pas trop longtemps.

Le vol se passe sans histoire et même si nous avons de l’avance, nous nous dépêchons d’aller nous enregistrer sur notre deuxième vol, merde, ça paraît mal, il est plein et y a d’autres employés comme Benoit, qui attendent comme nous. Normalement y a toujours des places qui se libèrent à cause des «no shows», mais là nous sommes quatre à vouloir embarquer, c’est pas facile de nous caser. Y a qu’un seul vol Toronto-Dublin par jour, donc si y en a qui restent derrière, ils devront attendre 24 heures et nous sommes à Toronto! On commence à penser à nos stratégies : On ne peut partir seuls moi et Benoit en laissant nos amis derrière qui ne pourront embarquer sans l’un de nous, Ben refuse de me laisser derrière à l’aéroport de Toronto, car c’est lui le responsable de ces billets et si y a un pépin, je risque de m’emmêler les pinceaux, ne connaissant pas toutes possibilités en tant qu’ancien employé. Il craint aussi que je n’ouvre les hostilités, me laisser là-bas, c’est comme laisser une grenade avec une goupille défectueuse et dans ce cas, il craint de perde ses billets définitivement. J’ai beau être une adulte compréhensive, mais je suis impulsive et j’ai mes limites à faire traiter comme de la merde.

Donc, je partirai sans lui avec Luc, ça me brise un peu le cœur, j’aurais vraiment voulu faire le voyage « entièrement » avec mon amoureux. Aussi avec toutes nos mésaventures je suis devenue un peu parano dans ces moments-là et je pense que ça se comprend, quand nous voyageons ensemble je suis plutôt sereine. Pour achever tout ça, nous mettons un bon 45 minutes pour passer la sécurité et quand nous arrivons de l’autre côté, il nous reste environ 30 minutes avant le début de l’embarquement à des kilomètres de là! Nous courons une bonne trotte jusqu’à la porte où c’est indiqué que le quai a changé de place, à un bon 5 minutes de là. Lorsque nous arrivons hors d’haleine et ventre à terre, on nous apprend que le vol est retardé d’une bonne demi-heure. Quand je dis que c’est jamais simple!

J’ai encore un faible espoir de voir apparaître Benoit et Andrew par miracle, mais je dois bien me rendre à l’évidence quand je finis par m’asseoir sur mon siège, nous arriverons seuls moi qui baragouine l’anglais et Luc qui est très timide.  Je fais une prière silencieuse mais pleine de ferveur pour que mon amoureux puisse au moins prendre le prochain vol, sinon ils arriveront vraiment à la dernière minute ou pas du tout au tournoi, on se rappelle que ce tournoi est le but premier de ce voyage.

À notre arrivée, je me dépêche de trouver la connexion wi-fi de l’aéroport pour avertir Benoit que nous sommes bien arrivés et pour avoir de ses nouvelles. Mais je réalise qu’il est au beau milieu de la nuit à Toronto, je lui laisse un court message. Je suis un peu gênée lorsque je vois arriver Brendan, même s’il est au courant de notre mésaventure, car il a fait le trajet Galway-Dublin, un gros deux heures, pour venir chercher finalement les écuyers sans les combattants, le colis essentiel. C’est moi qui le vois d’abord et vais à sa rencontre, spontanément lui fais la bise, mais je le sens inconfortable et gêné. J’apprendrai plus tard que ce n’est pas dans leurs habitudes encore moins avec des gens qu’ils connaissent à peine.

Dans la voiture, je m’engouffre derrière, là où il n’y a pas assez de place pour Luc et c’est un soulagement quand il commence à parler en anglais avec Brendan. Je ne sais pas comment j’aurais fait moi-même, avec mon anglais boiteux, ma fatigue intense avec un interlocuteur que je connais à peine mais surtout à regarder la route comme dans un super manège. En Irlande les limites de vitesse ont l’air d’un défi lancé aux automobilistes et lorsque nous quittons l’autoroute pour prendre les routes secondaires, c’est complètement dément, des panneaux de 100km maximum et ces routes tortueuses et étroites qui sont bordées, soit de murets de pierres des champs, soit de haies, amplifiant l’illusion de la vitesse que notre conducteur n’hésite pas un seul instant à prendre par habitude. Si on ajoute à cela, que le volant est à droite et que forcément on roule à gauche et que moi j’ai facilement le mal des transports, il est fortement recommandé que je dorme derrière.

Sur l’autoroute j’avais eu le temps de voir, avant de m’écrouler de sommeil, que les panneaux étaient indiqués en anglais et en gaélique, mais maintenant sur les petites routes, je constate la rareté d’indication pour les rues secondaires. Encore plus surprenant, les maisons que je vois, n’ont même pas de numéro de porte !! Mais comment ils font les facteurs ?? Je mets cette question-là dans un coin de ma tête pour plus tard. En attendant nous semblons arriver à destination chez Lara, là où nous devons loger, mais Brendan n’a pas l’air trop sûr, ne connaissant pas l’endroit et évidemment sans numéro sur la porte, faut se repérer autrement. Il tente d’entrer la voiture dans le petit stationnement étroit et écorche solidement la voiture sur la borne de pierre à l’entrée, ouch! Nous sortons de la voiture, Brendan s’accroupie pour voir les dégâts et hausse les épaules et par dépit fait « meh ». Le contraste avec mon chum beaucoup plus latin qui serait sorti les baguettes en l’air, démontrant son mécontentement avec force et détails, la comparaison me fait sourire secrètement. Brendan est convaincu que nous sommes au mauvais endroit, nous rembarquons en voiture et lorsque nous prenons une autre entrée de maison et que l’énorme chien vient nous accueillir, notre conducteur nous indique que c’est bien ici. Nous sortons nos bagages et nous nous laissons renifler par notre hôte, si moi je suis toujours enthousiaste de retrouver un autre toutou, Luc ne semble pas super confortable. Mais après quelques minutes, le chien en a conclu que nous ne sommes pas une menace et nous laisse entrer à l’intérieur.




Brendan nous explique que Lara est encore au travail et qu’elle viendra nous rejoindre après, en attendant, il nous invite à nous choisir une chambre et à nous installer. Il reviendra lui-même un peu plus tard car il doit aller chercher sa copine Maria et faire quelques courses pour nous faire un bon chili con carne. Je prends quelques photos de l’endroit et de Kaï (le chien) qui pose pour moi, bien assis sur le fauteuil bien nonchalamment et je me traîne jusque dans une des chambres pour terminer ma nuit en plein après-midi. 

mardi 21 mars 2017

Été 2015: Éternellement sur la route, chez-nous...





L’été est arrivé sur le Québec et avec lui, les événements extérieurs propices aux combats de béhourd, comme la St-Jean Baptiste, les Highlands games et les nombreux festivals au Québec, incluant ceux à caractère médiéval. L’équipe de Benoit avait accueilli leur première future combattante, Cloé, juste un peu avant notre départ en Pologne, et à notre retour elle était plus que jamais décidée à participer aux combats avec les gars. C’est une fille très athlétique qui joue au football et au hockey, entre autres, donc Benoit est confiant de ses futures performances, mais surtout c’est une fille qui n’a aucun problème avec les coups, le placage et la rudesse.


Vincent, l’autre nouveau de l’équipe, n’a pu venir en Pologne mais pendant notre absence, en a profité pour nous organiser des combats démonstrations pour la fête nationale à St-Jean sur Richelieu. Il connait bien les membres de l’organisation et quelques personnes qui sont à l’hôtel de ville, nous avons donc un endroit réservé pour nous sur le terrain, une petite lice, un auvent et de la pizza.  Le jour de la Saint-Jean-Baptiste, nous nous retrouvons donc, une bonne partie des Blackwolves, Ben, Andrew, José, Vincent, Cloé et d’autres volontaires qui sont venus de Trois-Rivières et de Québec, soit Raphaël, Marc-André, Yan Vez et Igor qui va arbitrer les combats.


Andrew vs Cloé



Cloé

Alors que le sport explose un peu partout en Europe et chez nos voisins américains, ici il balbutie toujours et même si les démonstrations n’attirent pas une foule spectaculaire ce jour-là, il y a quand même une bonne centaine de curieux massés autour de la lice lorsque les combats débutent, surtout quand Cloé affronte par exemple, Andrew. Moi je prends des photos mais je parle aussi beaucoup avec les gens et je suis toujours à l’affût quand j’entends des commentaires, pour soit confirmer, soit rectifier le tir. Évidemment mon costume sert d’une certaine façon, car souvent on m’aborde sachant que je fais partie du groupe, mais sans être occupée comme les combattants.

Nous sommes installés sous l’auvent avec un groupe de GN et nous réalisons de plus en plus que c’est une erreur, car nous laissons encore une fois le public confondre le béhourd avec le GN. Bien sûr les gens qui ne connaissent pas ces activités ne font souvent pas la différence entre le vêtement et l’armure historique et un costume fantastique de GN et la confusion vient aussi du fait qu’on y retrouve souvent les mêmes individus.


Le mois suivant, les Blackwolves participent à un tournoi à Nashua avec Vincent, Andrew et Cloé qui fait pour la première fois un vrai combat et elle le fait avec l’équipe contre une équipe entièrement masculine très forte. Je l’ai déjà dit, au knight’s hall, les Américains consacrent énormément de temps à l’entraînement et ils frappent très fort. Ils n’ont aucun problème à se battre contre une fille. Cette dernière, impressionne d’ailleurs tout le monde, elle est forte et ne semble pas ressentir la douleur. Dans le dojo, la température est insupportable, comme elle l’a été un peu partout la nuit dernière, nous privant de sommeil dans la maison sans air climatisé de notre hôte. J’ai du mal à endurer ma propre peau, alors qu’eux…et elle, en armure, ils font 13 rounds!



Évidemment après la victoire des Américains beaucoup plus nombreux, mais surtout plus forts et expérimentés que la moitié de notre équipe, on retire avec bonheur les armures et gambisons complètement détrempés et on fraternise avec une bière. Jaye est impressionné par notre nouvelle de qui il a reçu quelques solides coups. On se remémore un peu Malbork au passage et Ben a de la misère à garder le secret pour la prochaine destination, mais un moment donné, Ben et Jaye ont compris qu’ils partagent ce même secret. Comme le capitaine de l’équipe Andre, siégeait au présidium à l’IMCF, il en a informé Jaye son bras droit.  

Le lendemain, un petit entraînement est prévu encore au knight’s all avant de repartir au Québec. Je me sens un peu isolée par mon anglais un peu trébuchant, mais les copines des combattants sont vraiment gentilles et patientes. Quand je disais qu’à l’aéroport les employés ne VOULAIENT pas communiquer avec moi, eh bien ici, ce n’est vraiment pas le cas, et pourtant, personne n’est obligé de me parler. Cependant je me trouve maladroite et je m’excuse pour mon anglais boiteux jusqu’à ce qu’Elizabeth, une fille du Sud, que je trouve vraiment drôle, se tourne vers moi et me dise « Honey, your english is better than my french! » En une phrase elle vient de revirer complètement la situation. Me voilà requinquée!

Sur le chemin du retour, Andrew et Vincent voyagent dans une voiture et nous embarquons avec nous, Cloé qui après avoir enduré notre musique à l’allée, nous demande si nous n’aurions pas du heavy métal. Après notre refus, elle s’enfonce dans son siège avec ses écouteurs. Si y a une chose qui est sacré pour nous, c’est la musique en voiture, nous sommes inflexibles sur ce point. On se fait des playlists pour nous tenir éveillé sur la route que nous empruntons souvent, et sur lesquelles on peut chanter à tue-tête si le cœur nous en dit.

Nous vivons l’été 2015 complètement dans nos valises sans pour autant quitter le Québec, exception faite de notre fin de semaine à Nashua. Benoit qui travaille toujours chez Bédard Ressources, doit faire la route Sainte-Adèle-Montréal, à tous les jours, ce qui diminue à une peau de chagrin le temps qui lui reste pour « vivre » et pour s’entraîner et moi je perds beaucoup de temps quand je dois aller acheter des fournitures (couture), car je prends la route au petit matin avec Benoit, puis le transport en commun en ville pour faire mes achats et j’attends le soir pour rejoindre Benoit pour que nous repartions dans le nord. Souvent on dort sur le Plateau chez ma mère, dans son lit simple d’amis, ce qui la décourage, mais nous nous en accommodons parfaitement.


 Ma sœur qui vit juste à côté, part en voyage et nous suggère à la blague de venir nous installer chez-elle et de nous occuper de ses trois chats. Marché conclu! Puis un autre ami qui habite à quelques rues, a un chat et un petit studio de musique et aimerait que nous y logions pour plus de sécurité pendant qu’il part en tournée une semaine, puis une autre amie qui a une maison dans le quartier d’à côté et qui a un gros bouvier bernois qu’ils ne peuvent amener en camping, sachant que nous avons tellement souffert de la perte de notre Angus, se dit que nous serons les gardiens rêvés. Une autre amie encore sur le Plateau, qui a deux chats, nous offre son logement « climatisé » pour que nous puissions nous occuper de ses chats pendant son petit voyage, et finalement l’un de nos amis, Luc, qui vit à la sortie du pont Jacques-Cartier à Longueuil, nous offre le gîte si nous voulons rester en ville. Ce qui fait que cet été-là, nous avons peut-être passé une dizaine de jours à Sainte-Adèle, limitant de beaucoup le temps sur la route et la consommation de l’essence. Et comble de bonheur je suis proche de mes deux amours Janik et Karelle qui habitent le Plateau, donc que je peux voir plus souvent. à quelques reprises d'ailleurs, mon fils qui est chef cuisinier, nous concocte des p'tits soupers délicieux. Toutefois, ces déplacements constants nous apportent une expertise dans la pratique intense à faire et défaire des valises, nous obligeant à prévoir de semaine en semaine, nos besoins, les entraînements, les réparations d’armure, les contrats de couture, etc. C'est aussi pour nous un soulagement de ne pas être un fardeau pour personne et particulièrement pour mes beaux-parents, revenus du Mexique en mai et qui repartiront en octobre. Nous logeons, quand nous sommes là, au sous-sol, mais nous nous retrouvons pour souper ensemble en toute convivialité.  


Dans l’univers du béhourd, nous commençons à observer une certaine animosité de la part de certains combattants québécois envers Benoit, particulièrement aux Highland games à Verdun où nous nous rendons avec Cloé et Andrew. Nous gardons ça pour nous, jusqu’à ce que Cloé qui ne connait encore presque personne, nous fasse part de ses observations à notre retour. Des commentaires condescendants envers les Blackwolves et envers Benoit qu’elle a entendu quand ce dernier était plus loin. Cloé qui est Asperger a parfois du mal à saisir certaines subtilités du non verbal, ce qui fait qu’elle contrevérifie à l’occasion si elle a bien compris, mais sur ce coup là c’est limpide pour elle, ça la met en colère et elle veut juste comprendre pourquoi cette médisance. Nous ne le savons pas vraiment nous-même à part peut-être la jalousie ou bien parce que Benoit a pas mal d’expérience dans les sports de combat et une grande gueule et qu’il ne se gêne pas pour se servir de ses habiletés. Comme celui-ci donne des entraînements beaucoup plus difficiles que n’importe qui d’autre ici, Cloé elle, ça la satisfait. Elle a besoin de performer et comme Benoit l’a pris sur son équipe comme n’importe quel gars et qui l’a fait travailler efficacement, elle est satisfaite. Elle sait que dans d’autres équipes, y a des gars qui refusent de se battre contre les filles soi-disant parce qu’ils auront peur de les frapper (personnellement je crois qu’ils seraient trop honteux d’avoir été battu par une fille). Ben, Andrew, José et Vincent ne ménagent pas leur force de frappe sur Cloé et je pense bien que pour elle c’est une marque de respect. Faut dire qu’elle frappe très fort elle aussi!

Durant l’été, Benoit apprend que l’équipe irlandaise organise un tournoi en septembre et annonce que le maximum d’effort sera fait pour accueillir et accommoder les combattants de l’étranger qui seraient intéressés à participer. Benoit m’en parle et bien sûr nous aimerions vivement y aller! Mais nous n’avons pas les moyens de nous payer une chambre d’hôtel là-bas, et faudrait qu’on limite les restaurants le plus possible. Après que Benoit en ait parlé avec eux sur leur babillard, les choses se mettent en branle, Brendan le capitaine est fou d’espoir de recevoir des Québécois alors que le délai est si court. Lara, une fille qui fait partie de l’équipe depuis peu nous offre de nous loger chez elle, et nous certifie qu’on pourra éviter les restaurants en cuisinant à sa maison. Pour nous, le billet standby nous permet cette expédition encore, mais faut-il que Benoit puisse prendre une semaine de congé, ce qui ne devrait pas trop poser de problème avec tout l’overtime qu’il a fait depuis notre retour de Malbork. Si ça fonctionne on amène Andrew avec nous et Luc notre ami de Longueuil qui rêve depuis toujours de voir l’Irlande, même si c’est entendu que nous ne verrons pas beaucoup de paysages par manque de temps. Ça sera une p’tite saucette comme on dit pour un ami qui nous a aussi beaucoup aidé lorsque tout s’est effondré et nous voulons le remercier! Il sera écuyer, comme moi, sauf qu’il sera sûrement plus efficace pour attacher les armures, car ça demande souvent des mains fortes, ce que je n’ai pas.

De mon côté, je viens de faire ma demande pour obtenir mon diplôme du Bac en histoire, je ne l’avais jamais reçu à cause d’un déménagement et comme je suis passée à la maîtrise après, je ne m’en suis jamais occupée. Le plus drôle c’est que j’ai enseigné (pas de la suppléance là, des vraies tâches) et on ne m’a jamais demandé mon diplôme du Bac, les deux commissions scolaires s’étant contentées de mon diplôme de maîtrise, de mon relevé de notes du Bac comme documents académiques. Et comme je me cherche activement un emploi, j’ai envoyé mes coordonnées à la commission scolaire la plus proche pour faire de la suppléance, mais on me demande tous mes diplômes, incluant celui du Bac, et dans mon cas, c’est compliqué car je dois aller voir un commissaire à l’assermentation pour faire prouver que je suis bien Marie-France Bonsaint, ensuite faire la demande officielle avec le sceau du commissaire, puis payer 65$ et attendre environ quatre semaines. Donc chers finissant(e)s, je vous en conjure, si un jour vous ne recevez pas votre diplôme, réclamez-le tout de suite pour vous éviter tout ce trouble.


mercredi 15 mars 2017

La folle aventure du retour au bercail/ The incredible journey back to Montreal







Jeudi, c’est notre dernière journée avant de reprendre la route le soir même et nous en profitons pour relaxer. La raison pour laquelle nous roulerons de nuit est que notre vol à Francfort est le lendemain matin à 10:00 et que nous sommes trop fauchés pour coucher dans un de ces hôtels extrêmement chers. Donc nous avons prévu passer cette nuit-là à rouler pour sauver des sous mais aussi pour nous permettre d’être assez fatigués pour dormir dans l’avion. Être inconfortable et dormir c’est toujours mieux qu’être inconfortable et éveillé car on en a beaucoup plus conscience et c’est plus long.

On en profite pour remettre de l’ordre dans nos bagages et pour regarder sur le streaming le déroulement de Battle of the nations, notre compétiteur. Leur événement se fait une semaine après le nôtre à Prague, ce qui n’est pas une mauvaise chose pour ceux et celles qui peuvent se permettre de faire les deux tournois, ils prennent deux semaines de congé et puis voilà. Mais ça coûte cher et quand les tournois ont lieu dans un court laps de temps, les combattants moins chanceux doivent choisir lequel ils feront cette année. Nous croyons que ce n’est guère un hasard si ça a été organisé ainsi.

On regarde un peu les combats et particulièrement la lice qui doit bien être la moitié de la nôtre et est ainsi faite pour avantager les Russes qui excellent dans le combat rapproché, mais c’est tellement laid et ennuyant à regarder! Pas de grands mouvements, pas d’équipe qui s’élancent ensemble. Nous sommes unanimes, bien que nous reconnaissions quelques combattants qui étaient la semaine dernière à notre événement, ce n’est vraiment pas enlevant. Adam vice-président de la fédération suit tout ça, tout en parlant avec d’autres membres du présidium au téléphone et au bout d’un moment on finit par comprendre que le prochain tournoi aura lieu à Berlin. Normalement l’IMCF attend d’être vraiment certain avant de divulguer le lieu, pour éviter que les combattants organisent déjà leur voyage et que soudainement la destination change. Adam nous demande de garder le secret, même envers notre Fédération au Québec, ce que nous lui promettons bien sûr.

Après notre souper tardif, nous quittons nos ami (e)s en les remerciant chaleureusement pour leur accueil et leur grande gentillesse, nous sommes conscients de la chance que l’on a, d’avoir de si bons amis et d’avoir pu faire tout un tas de trucs extraordinaires. Nous prenons la route vers 10:00 et nous avons devant nous six heures de routes jusqu’à Francfort, sans compter les arrêts pipi-café-snack. Benoit conduit la première partie, ensuite Andrew prendra la relève, comme toujours je suis derrière libre de dormir. J’en suis incapable…

Une autoroute longue ennuyante, de nuit c’est trop facile de s’endormir et puis les voitures roulent tellement vite, incluant la nôtre. Je me suis installée de façon à voir le regard du conducteur dans le rétroviseur et ainsi être en mesure de le tenir éveillé si les yeux commencent à se fermer. Je parle avec Benoit pendant qu’Andrew dort, je pense que ça le tiendra plus alerte que la musique. Ce n’est pas difficile de trouver des sujets, nous venons de vivre tellement de choses! Aussi nous pensons déjà au prochain tournoi et au même moment on voit les pancartes nous indiquant les prochaines sorties pour Berlin. On trouve super que ça ait lieu à Berlin, au milieu d’une grande ville ça va être très différent et puis on va pouvoir finalement la visiter.

Nous roulons un bon deux heures avant de faire un arrêt, jusqu’à maintenant ça va, mais nous ressentons le besoin de boire un café. Andrew qui émerge, demande si c’est son tour d’être derrière le volant mais Benoit se sent d’attaque pour reprendre la route. Les deux heures suivantes sont entrecoupées plus souvent d’arrêts, la résistance au sommeil étant moins grande. Andrew propose de prendre le volant et Benoit lui laisse un peu à contrecœur, il a du mal à faire confiance aux autres conducteurs, mais faut bien se rendre à l’évidence, il dort debout et ça devient dangereux.

Je devrais dormir moi aussi, mais même si je croule de fatigue, je suis trop nerveuse. Je garde ma position de surveillante de yeux parce que j’ai deux fois plus de travail à faire, surveiller Andrew pour m’assurer qu’il ne s’endorme pas ET pour qu’il arrête de regarder son GPS qu’il a sur les cuisses. On a eu beau lui dire qu’il n’en a pas besoin jusqu’à ce que nous arrivions près de Francfort, rien à faire, il a le regard baissé la plupart du temps. Je ne sais jamais si c’est le sommeil ou la manie du GPS. En ce moment je dois avoir les yeux injectés de sang tellement je résiste au sommeil. Je m’occupe et je mets de la musique ayant épuisé tout mon répertoire de sujets avec Ben.

Je ne peux m’empêcher de penser à ces films d’horreur où on compatit avec les victimes en attendant fébrilement la fin de la nuit et que le ciel s’éclaircisse enfin, un moment béni où les créatures de la nuit disparaîtront. Je surveille le ciel, avec espoir entre une toune de Zac Brown et une autre des Cowboys Fringants, car la clarté aide à rester éveillé.

Je « fake » une envie de pipi pour qu’on s’arrête, pour ME donner un répit de haute surveillance. Je prends mon temps! Ben se réveille et se commande un café, good !! Mon chum est capable de condenser une nuit de sommeil en 45 minutes et une grosse sieste régénératrice en 15 minutes, c’est toujours ahurissant mais c’est pratique en voyage. Je sais qu’il ne dormira plus avant qu’on arrive, il laisse tout de même le volant à Andrew, je vais peut-être roupiller un peu. En reprenant la route je vois le ciel s’éclaircir et peu à peu les pancartes commencer à annoncer Francfort, même s’il reste encore plusieurs dizaines de kilomètres avant d’y être. Je réussi à m’assoupir durant ce bout de trajet et quand j’ouvre les yeux nous approchons de l’aéroport. Enfin!

Nous allons reporter la voiture et commençons notre « périple » du retour, nous avons quelques heures devant nous mais nous devons aller nous enregistrer sur le vol Francfort-Montréal à partir de la borne et enregistrer les bagages « suspects » d’armure. Nous décidons de faire tout ça avant de se trouver un resto pas trop cher, ce qui n’est jamais facile dans un aéroport, surtout après avoir passé la sécurité. Je me suis toujours demandée si c’était parce que d’une certaine façon on te disait : « Tu voyages, t’es riche, paies! » ou bien parce que t’as pas le choix, tu ne peux ressortir, donc on profite de toi.

Bref, on se retrouve de l’autre côté dans un délai raisonnable avec une faim de loup, et on se trouve un p’tit café qui servent des pâtisseries délicieuses au prix d’aéroport. Nous nous rendons confiants vers notre quai d’embarquement, puis nous voyons une file VRAIMENT grosse, soudainement notre confiance se transforme peu à peu en inquiétude, surtout Benoit, qui connait bien le système et redoute des passagers détournés sur un autre vol, NOTRE vol. Dans la ligne, beaucoup de client(e)s d’origine indienne ou pakistanaise qui semblent perturbés ou inquiets, Benoit est certain qu’ils proviennent du vol pour Toronto d’hier soir et qu’ils ont été déplacés sur notre vol en direction de Montréal. Pour en avoir le cœur net, il va au comptoir pour s’informer auprès de l’agente qui lui confirme ce qu’il croyait et qu’il n’embarquera pas sur ce vol, impossible! Eh merde!

Elle lui dit que plus tard, il y a un vol Francfort-Ottawa, et un en direction de Toronto, peut-être aurons-nous une chance d’embarquer dans plusieurs heures. Bon, on se résigne à passer la journée dans l’aéroport et par chance nous trouvons un endroit avec des chaises longues pour pouvoir y dormir, Je dois admettre que cet aéroport est vraiment bien, agréable et on y retrouve l’efficacité allemande que ce soit dans le système en général ou dans le professionnalisme des employés. On s’installe donc pour dormir à tour de rôle pour éviter de se faire voler, même si je ne suis pas bien craintive sur ce point.

En après-midi, nous optons pour un vrai repas, nous ignorons encore combien de temps nous traînerons ici et même si nous prenions le prochain vol pour Ottawa, le prochain repas dans l’avion est trop loin encore. On opte donc pour un resto pub et mangeons pour une dernière fois des schnitzels en sol allemand. On espère de tout cœur embarquer dans l’un des deux vols car le prochain est demain matin.

Nous retournons au comptoir, mais avons envie de pleurer quand on constate qu’il y a encore beaucoup d’Indiens et de Pakistanais. L’agent n’est guère optimiste, même pour le second vol en direction de Toronto, notre moral commence à en prendre un coup et nous sommes tellement fatigués. De notre siège sur le quai, nous n’avons que peu d’espoir d’être appelés après avoir vu tous les clients passer la porte les menant à leur avion pour le vol vers Ottawa puis vers Toronto. Nous avons sorti l’ordi et les cellulaires pour les charger à une borne, nous sommes un peu éparpillés autour de nous, installés pour passer encore plusieurs heures à attendre quand Benoit est appelé! Nous nous ruons car tous les passagers sont maintenant à bord. L’agent nous dit qu’il reste une place, qui embarque? Benoit ou moi? Andrew ne pouvant la prendre puisqu’il n’est pas bénéficiaire des billets, Benoit me dit : « Vas-y, t’embarques !» Je gèle, complètement paralysée alors que je dois embarquer à l’instant! Je me ramasse en 5 secondes, ramasse mon bagage à main, mon cell, embrasse furtivement mon chum et me dit que si mon avion crash sans que je n’ai pu dire au revoir convenablement à mon chum, je reviendrai hanter éternellement l’aéroport. Je laisse donc derrière les deux gars piteux et m’engouffre dans l’avion plein à pleine capacité, de gens impatients, grognons et bruyants. Arrivée à hauteur de mon siège qui est évidemment au milieu d’un rang de trois, il y a deux hommes et sur mon banc, une espèce de grosse machine branchée au monsieur du fond pour l’aider à respirer. Je vais voir l’agent de bord pour lui en faire part, celle-ci est débordée et je dois dire assez préoccupée après avoir constaté que je disais bien la vérité et qu’il était hors de question de déplacer la machine. Avec un soupçon d’espoir, je lui glisse que je peux bien m’accommoder d’un siège en avant en première classe, section rarement pleine pour des raisons évidentes. Je lui rappelle en douce que je suis l’épouse d’un employé, et qu’il nous est arrivé quelque fois de s’y retrouver par manque d’espace. Évidemment ce n’est que pour l’aider que je lui en fais part (bon bon ça aurait bien fait mon affaire aussi…), mais la dame est offusquée, me répondant que ça ne se fait plus maintenant!

Silencieusement, je lui réponds de se débrouiller toute seule et plein d’autres choses plus ou moins vulgaires. On s’entend j’étais aussi à bout de nerfs à ce moment-là.

Elle finit par me trouver un siège, j’ignore par quel miracle! Probablement qu’elle a déplacé une personne en classe affaire pour me donner son siège. Résignée, je m’installe du mieux que je peux et songe que dans sept heures je débarquerai à Toronto et je réalise soudainement que notre carte de guichet utilisable est dans le portefeuille de Benoit. Merde, merde merde…Si je débarquais à Montréal, à la limite, je pourrais appeler quelqu’un, mais à Toronto, je n’ai personne et surtout même pas de quoi m’acheter un café.

Bon faut que je dorme un peu, ah ben non, y a toutes les foutues annonces à l’intercoms, en anglais et en allemand et je ne peux mettre mes écouteurs parce qu’ils ne sont pas réglementaires jusqu’à ce que nous soyons dans les airs. Bon on décolle, bientôt je n’entendrai plus le bébé qui hurle pas loin mais je n’aurai pas le choix d’entendre les annonces qui s’immiscent pendant les films même avec mes écouteurs. Après avoir mangé un souper un peu fade mais nécessaire, je me choisis un film et j’espère m’endormir profondément dessus.

Je suis trop inconfortable pour y parvenir totalement, mon sommeil est entrecoupé de douleurs au cou, de coups de coude du voisin et d’inquiétude pour mon arrivée et pour Benoit et Andrew restés coincés là-bas. Mon vol de connexion pour Montréal m’inquiète, il est une heure trente après mon arrivée à Toronto ET je dois reprendre mes bagages et les réenregistrer, à mon avis ça relève du miracle si je réussis. Ce qui veut dire aussi que je resterai à attendre le vol suivant sans un sou qui m’adore. Mon cell est complètement déchargé et je dois trouver une borne pour communiquer avec un bon samaritain qui viendra me chercher à l’aéroport de Montréal.

Je finis par m’endormir juste suffisamment longtemps pour manquer la collation probablement insipide alors que j’avais faim, mais bon on arrive dans une trentaine de minutes, je vais me tolérer. Lorsque je sors de l’avion et me dirige au comptoir, je ne sais pas du tout où je dois aller, je suis complètement perdue, fatiguée, affamée, déprimée, sans le sou plus que vulnérable. Je demande aux trois agentes si y en a une qui peut me parler en français, aucune ne peut, en fait aucune ne VEUT parler en français, parce que je sais reconnaître quelqu’un qui veut communiquer. Y en a une qui pousse l’audace à me dire fièrement qu’elle peut me parler toutefois en espagnol, je regarde mon poing et lui dit de ne pas s’écraser sur son joli petit nez. Je ne retrouve plus mes mots et de toute façon, y a cette petite voix dans ma tête qui me rappelle que nous sommes au CANADA, lieu où l’on vante le bilinguisme, anglais et français, particulièrement dans un aéroport. Plus que jamais je veux me séparer de ce pays qui n’a aucun respect pour les francophones, l’autre réalité du Canada. Je finis par baragouiner, trop faible pour me battre et les engueuler. Je lui demande dans un anglais magané, fatigué, blâsé, si je peux réussir à prendre le prochain vol pour Montréal, et la réponse est comme je le craignais, non. Je récupère mes bagages, retourne à l’enregistrement où tout le monde ne me répond qu’en anglais même quand je leur parle en français, ils ne veulent même pas essayer, en fait, plus je voyage dans le monde, plus je constate que le seul endroit où on refuse d’essayer de nous comprendre c’est dans le Canada. Les employés sont bêtes comme leurs pieds et j’ai des envies de meurtres. Je repasse la sécurité, en file au moins 45 minutes, même au milieu de la nuit et je vais m’installer, penaude d’avoir manqué mon vol. J’ai faim, mais je dois prendre mon mal en patience et je cherche une borne de recharge pour mon téléphone, alors qu’à Francfort y en avait partout. Je suis sur le point de m’écraser sur le sol et pleurer toutes les larmes de mon corps quand je vois un p’tit monsieur asiatique qui me fait signe que je peux brancher mon appareil sur son ordi. Bonté divine!

Je jette un œil au prochain vol que je dois prendre dans une trentaine de minutes et ça me laisse du temps pour envoyer un S.O.S à mon réseau facebook. Comme il est actuellement 11:30 pm, il est 5:30 am en Allemagne, peut-être pourrais-je communiquer avec Ben. J’envoie mes messages et j’attends, j’attends…zzz j’attends.  Je réalise que mis à part ma demi-heure dans l’auto, ma demi-heure à l’aéroport et mon heure dans l’avion, je n’ai pas dormi depuis plus ou moins 48 heures. J’attends qu’on appelle mon nom pour me donner un billet pendant l’embarquement des passagers sur mon vol et observe une bonne douzaine d’employés d’Air Canada dans la vingtaine qui embarquent, probablement qu’ils s’en retournent chez eux. Je me dis que ma place est assurée puisque dans ces cas, c’est toujours par séniorité, et comme Benoit a 17 ans d’ancienneté, il est largement senior à ces employés. On ne m’appelle pas, sûrement une erreur…je me dirige au comptoir où une employée portant le hijab m’accueille, la seule employée aujourd’hui qui me parle en français, je lui pardonne d’avance peu importe la raison qu’elle me donnera. Finalement elle m’assure que je prendrai le prochain vol… dans une heure. Elle me donne tout de suite mon billet, C’est toujours ça!

Pendant que je m’auto digère, j’ai au moins le bonheur de parler avec mon chum. Les gars avaient prévu passer la nuit sur les chaises longues, mais quand ils sont allés s’enregistrer sur le prochain vol, l’employée leur a enlevé leur vieux billet et leur a dit de revenir le lendemain matin les obligeant à reprendre leurs bagages, sortir de l’aéroport, prendre un taxi et une chambre hors de prix, revenir à l’aéroport et repasser la sécurité, ils sont dégoûtés. Le pire c’est qu’il vient de se faire dire par la dame au comptoir : « Pourquoi elle a fait ça? Vous auriez pu dormir à l’aéroport. » Sans le vouloir, je l’achève en lui rappelant que je suis partie sans carte de guichet, donc sans argent et que je ne peux prendre une navette ou un taxi à Montréal. Pendant que je continue de discuter avec lui, il réussit à écrire un message sur son propre mur, même si j’en avais écrit un moi aussi, invitant une âme charitable à venir me récupérer à l’aéroport au beau milieu de la nuit. De leur côté, ils ont déjà leurs billets, ils prennent le prochain vol. Je parle encore quelques minutes avec mon amoureux et je passe la porte épuisée.

Après avoir dévoré le petit sac de bretzels offert comme collation, je dors pratiquement tout le long du vol d’une heure et lorsque je sors de l’avion à Montréal, je n’ai jamais été aussi contente d’être arrivée chez moi où on me sourira, où on me parlera en français et où le service à la clientèle est hautement supérieur à celui de Toronto. Comme il n'y a pas de réseau sur le cell que j'ai avec moi, je ne peux communiquer que par Internet, j’attends que mon appareil reconnaisse le WI-FI de l’aéroport et me dépêche d’aller voir les nombreux messages de sympathies et d’encouragement, Facebook ne dort jamais, puis celui de ma mère qui est encore debout et qui me dit de prendre un taxi jusque chez-elle et qu’elle le paiera quand j’arriverai, elle ajoute qu’elle a de la pizza!



Tellement paquet de nerfs, je me rue sur les téléphones publics et me souviens que je n’ai même pas 50 cents pour appeler un taxi, puis je réalise qu’il y en a toute une file qui attend juste dehors. Dans le taxi qui me ramène au bercail, je ne peux m’empêcher de penser à quel point ces deux dernières semaines, j’ai vu le Québec être super bien représenté à tous les niveaux et à quel point le fleurdelisé est beau flottant seul et fièrement aux côtés des drapeaux des autres nations. Nous n’avons certainement pas besoin du Canada pour briller, en fait, il s’avère que c’est souvent lui qui a besoin de nous, beaucoup de Québécois ne le réalisent pas malheureusement. Après mon expérience de ce soir, je me demande « encore » pourquoi on s’acharne à rester avec quelqu’un qui nous méprise?

Belmonte 2014


lundi 13 mars 2017

Leçon d'archéologie avec Philip





Nous roulons quelques heures peu avant de traverser la frontière allemande et arrêtons pour mettre de l’essence dans un genre de couche-tard polonais, dans un de ces lieux au nom imprononçable. À l’aller j’avais dit à mes deux compagnons de route que les noms avaient dus être créés à partir des lettres restantes d’un jeu de scrabble, les lettres qui valent super chères parce qu’inutilisables, les « w, x, y, z », pendant un intermède de silence, ce qui les avait fait bien rire

  Nous arrivons tard en soirée pour ne pas dire au milieu de la nuit, comme Adam nous attendait, il est encore debout, et nous accueille aussi gentiment que la semaine dernière. Après avoir installé notre lit, Ben et Andrew discutent un peu avec Adam pendant que je m’enfonce sous les couvertures, n’ayant pratiquement pas fermé les yeux durant le trajet.

Le lendemain matin, nous envisageons d’aller faire un tour à Berlin et Adam nous accompagnera, il n’y a pas meilleur guide. Il nous propose d’aller auparavant chez Philip, son ami archéologue qui est venu à l’entraînement la semaine d’avant et qui habite tout près en banlieue de Berlin.

Quand nous arrivons chez-lui, nous tombons sous le charme de sa petite maison champêtre avec sa grande cour arrière où ses trois chiens peuvent courir et s’amuser. Ce qui me plaît davantage c’est tout l’aspect nature sauvage, ici pas de beau gazon vert frais coupé, d’arrangement floral ou d’accessoires de jardin placés judicieusement. Ici ce n’est pas l’humain qui a maîtrisé son espace, mais plutôt la nature qui vit comme elle veut, qu’elle pousse où elle veut avec ses herbes hautes, son arbre, ses fleurs sauvages et qui permet aux humains et aux chiens de profiter de sa fraîcheur, de son odeur et son calme. La femme de Philip, Annika avec qui j’essaie d’échanger, est toute en douceur, comme son homme et je me dis que cet endroit doit être le paradis des familles d’accueil pour ces chiens adoptés, après avoir été victimes de mauvais traitements. Les trois ont des caractères particuliers issus de leurs anciens traumatismes, y a celui que j’avais déjà rencontré et qui tremble en permanence, ne lâchant pas d’une semelle son maître, le deuxième, bien qu’il soit bien sociable avec les humains a probablement manqué de stimulis, car il est très « Goofy » et le troisième interagit avec les humains « uniquement » à travers sa balle. Pendant qu’il court pour aller la récupérer, l’autre court stupidement avec lui sans en comprendre le but.  

Nous nous imaginons mal quitter cet endroit tellement nous y sommes bien, mais au bout d’un moment Adam et Philip nous proposent une autre option, à nous de choisir. Soit nous allons à Berlin, mais faut aussi savoir qu’il y aura probablement beaucoup d’embouteillages puisque nous sommes en semaine ou alors visiter un village slave reconstitué du 10ième siècle pas bien loin d’ici. La plus-value de cette seconde option est qu’aujourd’hui, ce village est fermé au public, mais que Philip, qui je crois, a aidé au projet de par ses recherches archéologiques sur ce sujet, a les clés et peut nous y amener pour nous le faire visiter. Difficile de refuser !!!

Aussi nous serons revenus plus tôt et nous mangerons un barbecue dans cet endroit adorable et pourrons lancer éternellement la balle au chien très très insistant.








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La journée est idéale, le soleil est au rendez-vous et l’air est très confortable, nous passons une bonne partie de l’après-midi à nous promener dans le petit village reconstruit tout en écoutant les explications de Philip, j’essaie comme je peux de capter le maximum, demandant parfois à Ben de me traduire des brides, mais y a tellement d’informations que Ben perd lorsqu’il m’aide que je finis par laisser tomber, au pire je lui demanderai après en me servant des photos que je prends. Vers la fin, mon regard se perd dans les abords de la forêt et je crois percevoir un endroit plus retiré mais qui à mon avis servait soit pour des rituels quelconques, soit de lieu pour des prises de décisions importantes. Je demande à Philip si nous pouvons aller de ce côté et lui demande justement si mon intuition est juste, ce qu’il confirme. Nous arrivons dans ce cercle où des sièges taillés dans des troncs d’arbres sont aménagés en rond et qui appellent à la discussion, c’était fort probablement les anciens et/ou les chefs qui y siégeaient pour prendre des discussions. J’ai une pensée pour les chevaliers de la table ronde qui me fait sourire. Je le sais, je fais toujours des parallèles…

Après notre petit arrêt dans le cercle sacré, nous retournons tranquillement aux voitures, Philip devant avec son excroissance canine sur la jambe et nous qui suivons encore un peu entre deux temps, mille ans auparavant et ce que nous ferons comme barbecue chez Philip. En chemin, Adam nous fait arrêter la voiture pour nous amener voir un lieu qui à première vue est tout à fait ordinaire, mais lorsque nous marchons un peu plus loin vers une petite clairière, il nous montre des vestiges des tranchées de la deuxième guerre mondiale, lieu historique, mais laissé aux bons soins de Mère Nature, comme si les Allemands avait eu l’espoir qu’elle efface ces traces honteuses de leur histoire. Comme je le fais souvent lorsque je me trouve dans un lieu historique précis, je me laisse imprégner et j’imagine. Cependant, rien à voir avec le fracas des épées, mais plutôt les fusils et les canons, la poudre, mais comme toujours, les batailles ou les guerres apportent universellement les cris de rage, les lamentations de peur, la douleur…la mort. Triste que ce que nous percevons de l’histoire prenne racine d’abord dans ce qu’il y a de plus laid chez l’humain : la soif éternelle du pouvoir.

Nous arrivons chez Philip en fin d’après-midi et Suzie, la copine d’Adam, Johannes, Florian et Josephine nous y attendent pour faire le barbecue avec nous. Certains préparent le feu, d’autres s’affairent à l’intérieur et moi je satisfais le besoin de communiquer du toutou, en lui lançant inlassablement la balle à l’autre bout de la cour. Au bout d’un moment Ben, vient me voir et me dit : « Faut que tu viennes voir ça, tu vas capoter! » Je le suis en le mitraillant de questions. Arrivés près de Philip, celui-ci me montre le crâne qu’il a dans les mains, je jette un œil dans la boîte juste à côté, où on peut voir d’autres ossements (la filière d’un archéologue!) et je prends le crâne qu’il me tend. Il nous explique que selon lui, c’est le crâne d’une paysanne slave, possiblement esclave, morte assez jeune avant la trentaine. Il ajoute qu’elle a souffert probablement de malnutrition et nous montre la dentition et l’usure due aux particules de pierres minuscules qui se retrouvaient dans la farine. Il nous raconte un peu sa vie et moi, qui tient pour la première fois un vrai crâne, j’ai des frissons en réalisant que je tiens la tête d’un être qui a vécu, avec ses joies, ses peines une vie bien avant moi, mais qui a été vivant et non pas un paquet d’os anonyme. Tellement habitués que nous sommes à voir l’image du crâne un peu partout dans notre culture, même pour l’halloween, j’aurais cru que le tenir dans mes mains, aurait eu peu d’impact sur moi. Wow, je suis fascinée!

Je remets précautionneusement, respectueusement, le crâne à Philip, qui le remet doucement dans la boîte avec le reste des ossements. Dans certaines écoles, du moins ici au Québec, l’anthropologie regroupe l’archéologie, l’ethnologie ou ce qu’on appelle aussi anthropologie culturelle, la linguistique et l’anthropologie biologique. Et souvent on classe maladroitement d’un côté l’archéologie et l’anthropologie biologique en disciplines plus « scientifiques » et les deux autres dans une catégorie d’ordre social. Aujourd’hui, je réalise à quel point ces quatre disciplines, interagissent chacune avec leur lunette spécifique, afin de mettre en commun leurs trouvailles pour mieux connaître l’être humain.

Les recherches et la théorie de Philip sont un très bon exemple en ce sens, en effet, ses collègues archéologues étaient incapables de déterminer clairement ce qui avait causé la mort d’un noble, le squelette sur lequel ils se penchaient, présentait une blessure particulière dont Philip avait apparenté à une arbalète. Ses collègues ayant une connaissance limitée de l’histoire générale, niaient cette théorie en prétextant que l’apparition de l’arme était plus tardive et doutaient qu’elle puisse être entre les mains des Slaves aussi tôt. Philip convaincu du contraire, avait apporté l’information historique qu’un ban du pape avait été émis aux chrétiens, pour interdire cette arme venue directement de l’enfer, quelques années avant la mort de ce noble. Et même si, pour ses collègues spécialistes, les Slaves accusaient un certain retard technologique sur le reste de l’Europe, Philip soutint que leur proximité du grand Empire germanique chrétien, assurait certainement la connaissance de l’arbalète redoutable. Pire, à cette époque, les Slaves ne sont pas encore convertis à la nouvelle religion qui condamne son utilisation. Au final, c’est sa théorie qui a été retenue, le noble squelette doit son gros trou à une pointe d’arbalète.  

La soirée continue de se dérouler tout en douceur avec nos nouveaux ami (e)s, à manger des charcuteries allemandes, à boire de la bière, à lancer la balle à notre nouvel ami infatigable et à « me » faire piquer par les moustiques. Notre séjour s’achève bientôt, mais j’ai l’impression d’être partie depuis des mois, tant j’ai vu, entendu, vécu…