mercredi 27 décembre 2017

Tokyo!!




Ravis de notre petite excursion matinale du quartier, nous revenons pour manger le lunch acheté au dépanneur du coin. Je jette un œil satisfait aux photos que j’ai prises du petit et magnifique parc découvert par hasard en errant dans les petites rues. Nous activons la cadence car nous partons dans moins d’une heure avec le groupe, escorté de Yoko et de Rei pour nous rendre, en métro cette fois-ci, pour le temple bouddhiste Sensoji, où nous rejoindrons Jay et Kiyoka.



Même les feuilles sont parfois juste balayées pour maintenir l'ordre.




Killian est déjà parti rejoindre un ami qui vit ici, il va passer quelques jours avec lui, ce qui fait que lorsqu’il reviendra au Dojo pour prendre ses bagages, nous serons déjà repartis à Montréal. Donc nous l’avons salué ce matin en nous rappelant que nous nous reverrons dans cinq mois au Danemark. Nous avons aussi salué Sophie et Justin qui partaient ce matin, ils ne seront pas avec nous pour la balade à Tokyo, mais heureusement nous les reverrons aussi au championnat de l’IMCF. Le seul autre Japonais qui nous accompagne aujourd’hui c’est Ami. Celui-ci a d’ailleurs remis un petit cadeau à Benoit pour sa générosité au restaurant samedi soir.

Encore une fois, en arrivant au métro, nous avons l’air d’une classe en sortie avec notre professeur consultant la grande carte du métro. Nous restons près d’elle, conscients de notre vulnérabilité dans cet antre ferroviaire qui nous semble extrêmement complexe. Dans les passages souterrains, nous passons sous une arche que nous nous amusons à appeler le «filtre à Gajins» parce que la moitié du groupe doit se pencher pour y passer. Toutefois, l’ironie veut que le plus grand du groupe soit Ami, étonnamment grand pour un Japonais.


En arrivant à notre sortie, notre curiosité toute touristique nous ralentit évidemment dans la station de métro.


La journée est parfaite pour visiter, un beau ciel sans nuage avec une douzaine de degrés. Nous retrouvons vite Jay et Kiyoka, prenons quelques photos devant l’entrée de l’allée qui mène au temple et nous nous donnons une demi-heure pour traverser à notre guise le marché couvert de kiosques. Ce dernier a toujours été là avec le temple, même si la marchandise vendue n’est plus tout à fait la même. Bien sûr, il y a de la nourriture, des viandes grillées, des pâtisseries, des bonbons, beaucoup de bonbons, des baguettes, des kimonos, mais aussi des babioles de plastique, des souvenirs, etc. Je suis ébahie de voir des visiteurs porter l’habit traditionnel, on devine que c’est spécifiquement pour la visite du temple, une façon cérémonieuse de visiter le lieu de culte.  

 Nous ne voulons pas trop dépenser dans ces boutiques, nous devons diner et souper au restaurant ce soir, mais nous faisons une petite entorse et achetons des baguettes pour Janik et Karelle et acceptons d'y faire graver leur nom comme le propose le vendeur. Puis allons rejoindre les autres aux abords du temple après s’être purifié avec un peu de fumée d’encens à l’endroit désigné. Y a pas mal de monde, quelques touristes, mais surtout des Japonais, ce qui amplifie notre sensation d’être des étrangers. 






L’endroit est magnifique et…bondé! Mais comme nous sommes au Japon, il n’y a pas de bousculade, les gens sont polis et plutôt réservés. Nous sommes chanceux, aujourd’hui, il y a une cérémonie qui se tient au milieu du temple, dans la nef réservée aux prieurs et gardée fermée aux visiteurs. Mais si nous ne pouvons y entrer, nous pouvons observer par les grandes fenêtres sans vitre et grillagées. En échange de yens (1-2$), Benoit tire une baguette avec un papier qui révèle la chance ou la malchance, ce qui me rappelle un peu les biscuits chinois. Le petit rouleau révèle une malchance en ce qui concerne les voyages, eh bien, c’est un peu tard!

Quand nous nous retrouvons tous ensemble dans le hall après avoir fait un peu le tour, Kiyoka vient offrir cérémonieusement un charme à Benoit pour le protéger du mauvais sort qu’il a reçu. Elle en offre aussi aux deux-trois autres du groupe qui ont aussi été frappés par la malchance. Nous sommes touchés par son petit geste. Je mettrai cette protection sur la poignée intérieure de notre porte d'entrée.

Nous quittons vers la petite rue adjacente au temple, nous voulons nous trouver un petit restaurant pour casser la croute. C’est vraiment traditionnel comme lieu et tout de même peu achalandé en ce moment, ce qui nous arrange, ça va être plus facile de se trouver de la place pour manger.


Au bout d’un moment après quelques tentatives avortées, nous devons nous rendre à l’évidence, il n’y a pas de resto assez grand pour tous nous contenir ensemble, on doit séparer le groupe en deux et manger chacun de notre côté. Notre choix s’arrête sur le Maeda, un restaurant qui existe et porte le même nom depuis 400 ans, un endroit petit, simple et traditionnel avec des prix plus qu’abordables. Nous sommes ravis!



Mon petit doigt me dit, que les deux seules personnes qui y travaillent en ce moment, une femme et sa mère (j'imagine) sont les propriétaires. L’intimité de l’endroit, nous donne l’impression d’être attablés à une cuisine privée où la nourriture est délicieuse et réconfortante. Un lieu que nous quittons à regret tant il est invitant.

Les autres sont déjà sortis depuis un moment à en juger par les cigarettes presque terminées des fumeurs. Nous continuons notre route vers la tour Tokyo Skytree, la plus haute du Japon, et la deuxième au monde, avec ses 634 mètres de haut. En ligne droite, nous sommes environ à une quinzaine de minutes, mais comme nous nous arrêtons souvent pour prendre des photos, nous mettons une grosse heure pour traverser le pont qui enjambe le fleuve Sumida pour nous rendre à cette gigantesque structure. Il n’est pas question que j’y monte, j’ai trop le vertige d’abord, ensuite, il en coûte environ 30$ la visite, ce qui est dans mon cas de l’argent gaspillé. Benoit décide de rester avec moi en bas, découragé par le temps d’attente, il déteste comme moi les files interminables. Nous attendrons plutôt au Starbuck dans le centre commercial attenant à la tour, assis confortablement avec un café et Muku, avec qui nous discutons littérature puisqu’elle est écrivaine.   





Quand le groupe redescend, le soleil est couché et nous décidons de conclure cette journée par un souper aux sushis pas bien loin de notre logis. Jay visiblement épuisé, ne nous accompagnera pas. Comme il ne pourra passer au Castle Tintagel demain et que nous repartons en après-midi, nous en profitons pour nous remercier mutuellement, nous pour son accueil et lui pour notre visite et la participation de Benoit et après s’être serrés dans nos bras, nous le quittons sous la supervision de Yoko, notre maman temporaire, ce qui la fait bien rire.

Dans le métro, les gars font les fous encore, s’amusent à faire des «slav squats», parlent fort, rigolent et taquinent Yoko, Rei et Kiyoka. Ils affichent cette exubérance si souvent caractéristique à un groupe qui voyage ensemble à l’étranger. Avec nos différences physiques aussi distinctes, c’est clair, nous sommes particulièrement exotiques et tellement touristes! Autour de nous pourtant, les passagers restent assez indifférents, par politesse sûrement. Mais plus tard quand nous nous retrouvons dans un restaurant de sushis choisi par Kiyoka, Yoko nous apprend que quelques passagers ont filmé nos clowns, discrètement, ce qui nous fait tous rire en imaginant ce qu’ils diront à leurs amis en montrant leurs vidéos.
 
Nous mangeons avec appétit, on profite du moment, ce n’est pas tous les jours qu’on mange des sushis à Tokyo, encore moins en compagnie de gens d’origines aussi diverses! Cependant la fatigue se fait ressentir peu à peu, ou est-ce la bière et le saké qui nous alourdit un peu? Nous quittons en saluant les cuisiniers qui nous avaient accueillis avec beaucoup d’enthousiasme.


Nous ne sommes pas bien loin de notre petit dépanneur, nous y faisons un arrêt avant de rentrer pour terminer tranquillement notre soirée à discuter avec nos colocs temporaires et préparer un peu nos bagages pour le lendemain. Benoit s’assure de bien ranger son armure dans les sacs avant de les peser pour l’avion. Nous ne tardons pas à nous coucher, nous voulons nous lever tôt et avoir le temps de prendre notre douche, déjeuner convenablement en compagnie de Yoko après être allés à l’épicerie qui offre plus de choix qu’au dépanneur. Nous devons faire quelques provisions pour l’avion.

Le lendemain nous quittons trop tôt à notre goût Castle Tintagel, une chose est certaine nous y reviendrons. Comme nous avons pris le transport en commun quatre fois en cinq jours, c’est avec une certaine assurance que nous prenons le train pour l’aéroport. Nous constatons que c’est notre premier voyage où nous n’embarquons dans aucune voiture ou autobus. Faut dire que c’est la première fois que nous restons au cœur d’une grande ville toute la durée de notre séjour. Définitivement, le transport en commun c’est la meilleure solution pour voyager en ville. Si tous les Montréalais arrivaient à le comprendre!

Je ne peux finir cette chronique sans parler de l’aéroport d’Haneda qui est jusqu’à ce jour, mon aéroport préféré. Le service à la clientèle est exemplaire, les employés sont ultra respectueux, d’une politesse exemplaire et d’une volonté inouïe d’aider. Les infrastructures en place sont là pour maximiser le confort des gens. Partout on ressent un respect envers la clientèle. 









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Comme pour compléter notre bonheur, l’avion est à moitié vide, je peux prendre une rangée complète de bancs au milieu pour m’étendre complètement à l’horizontale et dormir plusieurs heures. Quand nous atterrirons, nous arriverons exactement à l’heure et au jour où nous avons quitté le Japon.

  Mon bonheur serait complet si nous n’étions pas obligés de passer par Toronto, l’aéroport que je déteste le plus et qui se situe sur une échelle de satisfaction, à l’opposé complètement de celui que nous avons quitté. Je l’admets, le choc est encore plus brutal après cette excursion au soleil levant.   
On voit au loin le mont Fudji!

mercredi 20 décembre 2017

Se battre en armure au pays de Goldorak!





Dimanche matin, jour J, l’excitation est dans l’air en prévision de la journée qui nous attend. Nous sommes attablés avec Killian et quelques autres combattants et finissons de manger nos onigiris (j’ai découvert, j’ai adoré et j’ai adopté!) et bien entendu, notre café. Je vais prendre mes messages et jeter un œil sur mon facebook, je me dis qu’il y aura sûrement des messages d’encouragements de la part des combattants de chez-nous, après tout, Ben a annoncé qu’il allait porter les couleurs du Québec jusqu’au Japon. Je suis à moitié surprise quand je constate qu’il n’y a aucun encouragement de combattant québécois à son annonce. Voyant mon air qui trahit ma morosité, Benoit me questionne, je l’informe, l’espace d’une seconde je vois dans ses yeux la blessure vite cachée par un masque d’indifférence, il commence à s’y habituer. Pas moi, et ça me rend furieuse à chaque fois, je décide d’écrire à Christine, fille positive, membre du CA dans la fédération et notre amie. Je lui fais part de ma déception, encore une fois, devant le silence total d’un groupe qui devrait être derrière lui, parce que normalement c’est comme ça qu’on fait « on encourage les nôtres ». Mais voilà, il est là le problème, on commence à s’en rendre compte, il y a eu quelques individus qui le haïssent dans le milieu du «médiéval» et ont commencé à répandre leur venin. Comme la communauté du béhourd au Québec est un petit milieu, dont la majorité est connectée sur facebook et où chacun voit ce que les autres «like» ou disent, ça exerce tout un jeu d’influence parfois malsaine. On ajoute à ça, le fait que Benoit a la chance de voyager beaucoup, ça suscite de la jalousie, et par-dessus tout, il a une grande gueule et dit ce qu’il pense. Bref…moi qui ne supporte pas «l’à plat ventrisme » et l’injustice je bouille. Christine me répond rapidement, elle voulait envoyer un message au nom de la fédération québécoise, mais a complètement oublié. J’apprécie, mais je suis à peu près certaine que l’encouragement va s’arrêter au sien, à quelques Blackwolf et à Laurie plus motivée, qui va tenter de suivre le tournoi sur Internet.

Je chasse ma mauvaise humeur et poursuis la discussion avec Yoko, petite dame toute aussi menue que sa voix mais qui semble avoir du poids car elle dirige l’école avec Jay. Au Japon c’est très difficile voire impossible pour un étranger d’ouvrir une entreprise et même pour Jay qui est marié à une Japonaise et a deux enfants. Ses démarches pour la recherche d’un local étaient perdues d’avance jusqu’à ce que Yoko devienne son associée, c’est elle qui négocie avec les administrations japonaises. Elle accompagne aussi Jay et l’équipe aux tournois de l’IMCF et je pense bien qu’elle est comme une maman pour le groupe, en tout cas elle va l’être pour nous au moins jusqu’au studio car nous partons avec elle en train.

Il fait un temps magnifique dehors et la température oscille autour de 12-15 degrés mais je garde en permanence le gros chandail kangourou que Killian m’a prêté car j’ai froid. Ni moi, ni Ben n’avons pensé à apporter dans nos bagages des vêtements entre deux saisons, nous sommes partis avec nos vestons propres pour l’avion. On dirait que lorsqu’il s’agit de vêtements civils, on est moins attentifs, tellement nous sommes absorbés par les costumes et les armures et parfois ça nous joue des tours. Nous ne lâchons pas Yoko d’une semelle, comme nous sommes une quinzaine à la suivre de près, nous devons offrir aux usagers japonais tout un divertissement assez surprenant. Mais si c’est le cas, ils ne le font pas paraître, ils restent discrets et polis.
Tokyo tour

Quand nous descendons du train, nous marchons une vingtaine de minutes pour nous rendre au studio. Le même manège se répète, nous suivons en troupeau serré Yoko qui se perd au milieu de tous ces grands gaillards aussi vulnérables que des enfants déracinés. Je ne sais pas pour les autres, mais Ben n’a jamais combattu en armure dans un ring et même s’il en a fait l’expérience pour un combat de MMA, (ce que j’ai détesté!) il est un peu nerveux. L’idée de le faire dans un studio professionnel devant public, le tout soit diffusé en simultané sur Internet, alors qu’il combat avec des armes et des règles qu’il ne connaît pas bien, n’est probablement pas étrangère à son malaise.

C'est par cette porte que les équipes entraient.

Affiche du tournoi

Lorsque nous arrivons et que nous passons les portes du studio, je peux reconnaître les mêmes signes de nervosité sur certains des visages mais sur chacun d’eux aussi, une excitation toute juvénile. Il ne faut pas se tromper, la plupart de ces combattants voyageurs sont, j’en suis certaine, des «geeks» et pour eux c’est un fantasme puissant de se battre en armure dans un studio moderne au pays de l’animé japonais. Jay vient avertir que le camion des armures est arrivé et qu’il a besoin de bras pour tout apporter, les gars l’accompagnent, pendant que je me promène et mets mon nez un peu partout. D’un côté la grande salle semble déjà prête et les techniciens vérifient le «setting» pour la table des commentateurs, de l’autre, l’espace est aussi grand et c’est là que les gars vont se préparer. Quelques Japonais qui étaient à l’école hier sont en train d’installer des tables avec des items à vendre et même un foodtruck! En fait si j’ai bien compris, c’est un moyen détourné pour offrir la possibilité aux gens de se procurer de la nourriture parce que le studio n’a pas les licences nécessaires pour avoir un traiteur sur place. La nourriture est préparé dans un camion et non pas dans le studio, c’est ce que j’en ai compris.


Toutefois, la vue de ce camion à l’intérieur du studio, amplifie mon impression étrange d’irréalité ressentie dans les rues du quartier quand nous sommes arrivés, il y a deux jours. L’esthétisme, la propreté et l’ordre de l’extérieur, m’avaient fait penser à l’organisation d’une maisonnée et là, maintenant, avec ce camion dans le studio sur le plancher terrazzo et sous les néons, je suis un peu déroutée. Cependant, ça n’a rien de désagréable, c’est juste étrange surtout avec ce décalage horaire qui me rattrape.


Le bruit des gars qui arrivent avec leurs sacs me sort de mes rêveries et je vais retrouver Benoit. Le tournoi ne commencera pas avant au moins trois heures, et comme il est en conversation avec ses coéquipiers je me trouve un trou entre deux gros sacs, met une de nos serviettes en boule pour en faire un oreiller et je fais une courte sieste parce que je manque sérieusement de sommeil et que mes jambes ressentent encore les effets du vol. Ça ne dure pas très longtemps avec tout ce brouhaha autour ainsi que la lumière vive des néons, je ne dors que d’un œil. Quand j’ouvre le deuxième, Benoit me tend un mochi, sachant à quel point je veux du sucre quand je me réveille d’une sieste. Comme la plupart des autres, Benoit a commencé à enfiler tranquillement son armure, ils veulent avoir le temps de prendre des photos de groupe. 










  On nous avise que ça va bientôt commencer, les combattant(e)s récupèrent leurs dernières pièces, s’assurent d’avoir tout leur stock pas loin et finissent de s’armurer, ne gardant que le casque dans leurs bras. Ils prennent alors leur position pour faire leur entrée comme ils l’ont pratiqué hier, moi je passe de l’autre côté pour aller dans la salle et voir l’effet. J’ai pas pensé à me garder une place près du ring, tout est pris et il est hors de question que j’accompagne Benoit, la place est limitée. Bah! je vais suivre sur les écrans géants, ils couvrent tout de même la moitié de la salle de studio, ça donne une autre perspective du combat.

Ça y est, les équipes font leur entrée derrière les animatrices, ça me rappelle les entrées en scène des combattants de la UFC, sous les spotlights, à la différence près que, les spectateurs sont beaucoup moins frénétiques. Dans la salle, tout le monde est assis et applaudit sagement, ce n’est pas par manque d’intérêt, mais parce que c’est comme ça que l’on fait. Je me souviens d’avoir lu il y a plusieurs années, le commentaire d’un chanteur qui s’était produit avec son groupe rock (je ne me rappelle plus lequel mais c’en était un très célèbre). Il avait été complètement déstabilisé de voir la foule demeurer assise tout au long du spectacle. J’imagine que c’est pour eux une marque de respect. Je pense aussi aux années où j’ai enseigné au secondaire et je me dis que ça doit être reposant d’enseigner dans les écoles japonaises.


Jay vêtu comme un présentateur moderne, donne quelques explications à la foule mais son rôle sera surtout en tant que maître arbitre. C’est surtout les animatrices qui vont s’adresser à la foule avec leur voix qui me rappelle sans cesse les animés japonais, elles sonnent à mon oreille, constantes, aigües et surexaltées.  Comme elles parlent en japonais, je ne comprends absolument rien de ce qu’elles disent. Mais je peux imaginer qu’elles présentent les combattants, qu’elles donnent quelques topos sur les règles et qu’elles nomment les commanditaires. Il y a une table avec quatre personnes qui semblent être des commentateurs pour l’émission sur Internet.   

En guise d’intro, cinq combattants font un round sponsorisé pour un commanditaire de jeux vidéo, ils représentent chacun, un personnage d’un de leurs jeux. Les gars combattent les uns contre les autres individuellement, et tentent de mettre au sol tous les autres. Le commanditaire offrait en échange un montant d’argent (environ 200$) à chaque participant, Benoit a accepté de le faire, ça va payer une partie de notre voyage. Lui et Jakub, le combattant polonais, sont devenus des bons copains à cause de leur humour respectif, ils s’entendent à merveille et c’est lui qui finit par presque déposer Ben sur le sol.
Kiyoka et Sophie

Les deux combattantes, Sophie et Kiyoka, s’affrontent ensuite et Sophie beaucoup plus grande et massive que Kiyoka prend rapidement le dessus. Cette dernière, bien qu’elle soit très forte techniquement doit s’incliner devant son adversaire. Dans ce sport, il n’y a pas encore de catégorie de poids, souvent ça ne changerait pas grand-chose, mais dans ce cas-ci, oui! Les équipes s’affrontent ensuite tour à tour dans le ring qu’on a pris soin de grillager jusqu’à 10 pieds de hauteur pour s’assurer de ne blesser personne dans la foule. Pourquoi si haut? C’est pour éviter qu’une tête de hache, par exemple, ne se détache du manche et n’ait voler dans la foule. Il arrive que des morceaux d’armes ou d’armures se brisent mais généralement ça ne tombe pas loin, mais on ne prend aucune chance. La plupart des combattants qui pratiquent ce sport, sont conscients de la position parfois vulnérable de leur sport « naissant », ils sont les premiers à vouloir éviter les accidents qui pourraient être fatals au point de faire interdire ce sport. C’est pourquoi y a toujours des arbitres qui font une vérification des armes avant le tournoi et une inspection du casque dans la lice, à savoir s’il est bien attaché à la tête. Aussi, dès qu’une pièce d’armure tombe, on arrête le combat, et si le combattant ne peut réparer son armure en quelques minutes, voire une minute, il est disqualifié. C’est pourquoi, il y a beaucoup d’entretien qui doit être fait et ce, régulièrement. Le casque demeure la partie d’armure dont il faut le plus se soucier parce que dans ce sport, la tête est la seule partie qui pourrait être touchée à mort advenant que le combattant perde son casque au moment où son adversaire frapperait. Les autres organes vitaux sont trop couverts pour être vulnérables à des coupures face à une arme émoussée. Toutefois, les règles sont quand mêmes strictes concernant l’impact et la force des coups sur la colonne vertébrale, car ça peut occasionner des blessures graves. C'est donc surtout des interdictions de frapper à certains endroits et d'une certaine façon.  

Évidemment, dans l’action il arrive parfois des débordements et la plupart du temps le fautif va vite faire amende honorable auprès des personnes lésées. Comme dans n’importe quel sport, il y a des tricheurs qui sont rapidement repérés par les autres combattants et les arbitres, surtout dans le cas de tricheurs chroniques. L’important est de ne pas laisser passer les mauvaises attitudes et les comportements négatifs. À ses débuts, le Mix Martial Art, sport underground, extrême et illégal, affichait une image négative, de violence, sur la frontière de la criminalité. On pouvait à mon avis le comparer avec les combats de coqs ou de chiens. Avec le temps, des gars comme George St-Pierre qui, entre autres, se présente en complet cravate en entrevue, ont sorti le MMA de son caractère «gangster» vers une vraie dimension sportive professionnelle. L’attitude posée et plus respectueuse a je crois, contribué à lui enlever ce vernis de lutteurs bêtes et pas de classe et ainsi à susciter l’intérêt d’un public beaucoup plus large. Je crois qu’une bonne partie des béhourdistes sont conscients de cette frontière et qu’ils doivent garder leur sport dans la bonne catégorie, vue sa précarité et son statut encore trop incertain dans plusieurs pays. Trop de faux pas et tout s’écroulerait, faut donc s’assurer d’éliminer tout germe de mauvaise attitude (haineuse ou malhonnête) qui trop souvent se répand comme un cancer et qui ferait dévier le sport vers des règlements de comptes ou des guerres personnelles.
L'équipe des Sangliers, Benoit à gauche discutant stratégie avec Ami 

Ami contre Killian

Jay et Jakub saluant respectueusement

J’ai du mal à suivre les combats, ne comprenant pas le japonais, je dois suivre avec mes yeux et faire mes propres interprétations. Toutefois, je ne vois pas très bien, car trop loin du ring et les écrans géants limitent ma vision d'ensemble. Je suis plus ou moins attentive et me laisse distraire par ce qui m’entoure, comme par exemple, la réaction des Japonais(e)s bien peu démonstrative, du moins, à mes yeux de Nord-américaine. Je repense au show rock et me pose la question, est-ce vraiment l’attitude générale des Japonais en tant que spectateur ou la réaction devant un spectacle encore in-classifié et étranger?

La fin du tournoi approche et l’équipe de Benoit, les Sangliers, s’inclinent devant les gagnants, l’équipe des Autrichiens. Question de donner un bon spectacle, les quatre équipes sont invitées à monter sur le ring pour faire un «all v/s all» comme lors des tournois à l’IMCF. Le ring est plein à craquer et c’est difficile de suivre, mais faut l'admettre c’est spectaculaire.

Quand tout est fini, Jay remet les médailles aux duellistes gagnants et le trophée à l’équipe des Autrichiens, plus un gros prix en argent qu’ils refusent pour l’offrir à l’école de Jay. Un geste bien honorable qui touche tout le monde, Ben et Jakub auraient bien aimé faire la même chose avec le montant du commanditaire mais nous avons trop besoin de nos sous. Contrairement à l’euro, le dollar canadien et encore moins le zloty ne sont avantagés face au Yen et surtout nous ne sommes pas riches, disons que nous apprécions cet argent supplémentaire qui arrive comme la manne en Égypte (ref : histoire biblique).

Tout le monde se retrouve de l’autre côté dès que le tournoi est terminé, et je comprends alors l’intérêt d’installer des kiosques et une cantine mobile car le public aussi est invité à traverser pour se restaurer, pour acheter, pour discuter avec les combattants ou seulement les prendre des photos. C’est très important d’offrir la possibilité au public de les rencontrer afin de démystifier, de rassurer, de mieux comprendre cette activité.

Peu à peu, le studio se vide, laissant les combattants et les principaux intéressés entre eux, à trinquer à leur succès et à manger ce qui leur tombe sous la main. La bonne humeur est à son plus haut point et question de s’assurer que toutes les armures soient de retour dans les camions rapidement, Jay invite les gars à fermer leurs bagages et à les descendre s’ils ne veulent pas les ramener eux-mêmes dans le métro. La perspective de cette réalité les motive à s’activer et tout est fait en un rien de temps pendant que les autres ramassent tout pour remettre la salle aussi propre que lorsque nous sommes entrés ce matin. Ne reste que le coin où nous sommes attablés à grignoter des chips et boire de la bière autour de Jay, celui qui nous a tous réunis dans cette aventure, il semble satisfait, heureux et surtout fatigué.

Nous ne pouvons traîner trop longtemps car le dernier train va bientôt partir, c’est donc à la suite de Yoko que nous reprenons le chemin du retour, sans Jay qui s’en va dormir chez-lui. Demain il nous accompagnera pour une journée touristique à Tokyo. Peut-être est-ce l’effet de l’alcool qui nous rend tous un peu idiot, mais j’imagine que nous avons l’air d’une gang d’ados un peu attardés en suivant Yoko qui fait preuve d’une grande patience même si elle semble nous trouver pas mal drôle tout de même. Au coin d’une rue, la lumière est rouge, mais il n’y a aucune voiture de visible (c’est complètement désert), la plupart d’entre nous s’enlignent pour traverser quand même malgré les appréhensions de Yoko qui refuse de briser la loi et nous supplie presque de ne pas le faire. Les gars commencent à la taquiner et à l’inciter à le faire, prétextant que l’on va manquer le dernier train, ce qu’elle finit par faire rapidement sous les encouragements des grands gaillards. Dans le train, le groupe ne perd pas une once de son exubérance malgré la fatigue qui commence à se faire ressentir, et la faim bien installée dans nos estomacs. C’est pourquoi nous arrêtons à notre petit dépanneur préféré avant de rentrer au dojo tous dormir comme des bébés...ou des p'tits garçons heureux.