Nous partons Ben, Louise et moi à Perth
pour faire quelques achats, dont les ingrédients nécessaires pour faire des
crêpes dimanche matin, que nous mangerons avec le sirop d’érable apporté dans
nos bagages. Après tout ce sera Pâques, ce sera une bonne occasion pour faire
découvrir les crêpes au VRAI sirop d’érable à nos ami(e)s.
En après-midi, nous allons faire un tour
au palais pour voir avec Stephen si tout est en place pour demain. Il y a une
petite lice aménagée pour que quelques combattants de la SKL puissent offrir
des démonstrations de combat aux illustres invités avec qui nous dinerons.
Benoit confirme avec Stephen que le tirage a lieu juste devant la chapelle, et qu’il
soit bien filmé en direct pour nos internautes. Ce dernier nous informe de la
marche à suivre pour se rendre au diner le lendemain, y a un protocole à
respecter. Y aura aussi des journalistes sur place, qui veulent faire une
entrevue avec Benoit. Ce sera assurément une journée fort occupée et très
importante pour tout le monde : Ce sera l’annonce officielle du tournoi de
Scone, pour l’IMCF, une fenêtre à la BBC et pour les combattants participants,
le dévoilement de leur « pool » (leurs adversaires au premier tour).
C’est pourquoi on ne tarde pas trop et
qu’on s’en retourne manger à la maison et s’assurer que tout est prêt pour demain.
Notre soirée se passe à découper nos petits drapeaux et les étiquettes qui vont
avec, tout en sirotant une bière.
Samedi matin, tout le monde est sul piton et prêt à affronter cette
journée marathonienne. J’ai mis mes talons hauts et mon veston dans un sac pour
le diner, parce que nous serons à l’extérieur tout l’avant midi, c’est-à-dire
sur le gazon et la gravelle avec le froid et l’humidité. Donc j’ai des bottes
et mon manteau et comme à mon habitude, j’ai quand même froid. Je me tiens près
de la lice avec Louise, tandis que Benoit est nulle part et partout en même
temps, tantôt discutant avec Stephen ou les combattants, tantôt répondant à un
journaliste local. Chris vient nous rejoindre en milieu d’avant midi, le petit
manteau, le kilt et les jambes nues, il semble totalement insensible au froid
ambiant, c’est un vrai Écossais.
Avec Chris Capaldi |
Autour de la lice, les Écossais discutent avant les démos |
Au bout d’un moment, j’ai trop froid, je rentre
me réfugier dans la salle où sont installés les combattants, du moins leurs
stock et leurs armures, c’est là qu’ils vont se changer pour la démonstration
en après-midi. C’est aussi là où Benoit a donné son entrevue avec un
journaliste de la BBC un peu plus tôt. Je me demande dans combien de temps nous
irons diner et c’est avec cette petite incertitude que je décide de retourner dehors
pour m’en informer. Je ne vois plus personne, sauf Stephen qui s’approche à
grande vitesse en parlant dans son walkie-talkie, aïe! Je l’entends dire dans
son appareil : « I found her » On m’attend et je n’ai pas eu le temps de
mettre mon veston et mes souliers. Je le suis sans hésiter, vaut mieux ne pas faire
attendre nos hôtes. Il m’escorte jusqu’à une porte, jamais vue jusque-là, sur
le côté du palais, Louise, Chris et Benoit y sont et visiblement m’attendent
avant d’entrer. Je me sens honteuse mais à voir leur air sans trop
d’inquiétude, je me dis que ça ne doit pas faire trop longtemps qu’ils
m’attendent. Stephen nous fait entrer dans un petit hall et un domestique
(est-ce qu’on peut encore utiliser ce terme aujourd’hui?) vient nous libérer de
nos manteaux et nous offrir un apéro avant de passer dans la pièce à côté. Je
regarde piteusement Benoit je suis habillée un peu trop décontracte je pense,
on essaie à deux de placer judicieusement mon châle et nous entrons dans un
petit salon fort agréable. C’est dans cette partie du palais que vit la famille
Murray. Nous saluons d’abord Lady Mansfield que nous avons rencontré il y a
quelques mois, son fils William que nous connaissons pour l’avoir rencontré, il
y a 18 mois à New York et Lord Mainsfield que nous rencontrons pour la première
fois. Ensuite nous saluons son frère James Murray, le Major Monteith et son
épouse, le maire Dennis Melloy et son épouse et Toby Metcalf le grand boss de
Stephen. Le vice-premier ministre John Swinney, nous rejoindra un peu plus
tard.
On se retrouve à tous converser, le feu
qui brûle dans la cheminée réchauffe l’ambiance qui est tout de même
étonnamment relax. Nous prenons l’apéro en faisant connaissance avec ces gens
qui rapidement nous mettent à l’aise qui nous font presque oublier leur rang
social. Monsieur Metcalf vient me
rejoindre en moins de minutes et j’ai du mal à cacher ma surprise quand il
m’aborde d’emblée à propos de mon mémoire de maîtrise en anthropologie sur
Bicolline. Apparemment il a fait ses recherches et il est vraiment curieux à
propos de nous, mais aussi sur ma façon de percevoir ce nouveau sport. Il me
demande combien de temps nous serons à Perth et inévitablement j’évoque notre
voyage éclair…en autobus avec tous les désagréments rencontrés à l’aller. Nous
rions de bon cœur et me dit qu’il nous trouve courageux, un peu fou mais
surtout passionnés.
Puis Lady Mansfield nous signifie que
c’est le moment de passer à table, en fine diplomate, elle a déjà décidé où
chacun doit s’asseoir, je le réalise quand elle me présente le Major qui prend
place à ma droite, le seul qui peut converser en français. C’est un choix
judicieux et respectueux envers moi qui ne maîtrise pas aussi bien l’anglais
que Benoit. Le repas est très simple, un pâté de viande délicieux et un plat
sans gluten pour Benoit. Mon voisin de table me demande, tout de go, en pigeant
dans son assiette, ce que je pense de la situation actuelle en Catalogne. Mais
son regard en coin ne trompe pas, il semble un peu amusé et curieux à la fois.
Je suis certaine qu’il se doute que je suis une fervente indépendantiste
chez-moi, je ne m’en cache pas, et je poursuis avec lui la discussion qui est
franchement agréable. Il m’explique qu’il possède une villa depuis de
nombreuses années dans le sud de la France et c’est pourquoi il a fini par
apprendre la langue de Molière. Lady Mansfield et son époux se font face,
chacun aux extrémités de la table, visiblement habitués à ces rencontres protocolaires
ou non. Ça me rappelle Downton Abbey, mais ici le maître du jeu c’est
clairement Lady Mansfield. Je ne peux m’empêcher de sourire quand elle rappelle
à son fils et son mari de moins parler et de finir de manger si on veut aller
faire le tirage. Si l’encadrement demeure assez protocolaire, le diner en soi
ne l’est pas vraiment, je n’irais pas jusqu’à raconter des blagues bien
grivoises, mais on arrive à être confortable.
Après le dessert et le thé, pris assez
rapidement, nous ne nous éternisons pas et passons tous dans le hall, où nous
attend Stephen, pour prendre manteaux et parapluie parce qu’il pleut. Tout est
orchestré, nous défilons en procession deux par deux jusqu’à la chapelle où
Benoit commence le tirage. Il fait son introduction en rappelant que ce sera la
première fois en 400 ans qu’aura lieu en Écosse, un tournoi de béhourd. Il
ajoute que l’IMCF est fier de le présenter à Scone palace, là où a eu lieu le
couronnement de tous les rois écossais. Il invite ensuite à tour de rôle les
dignitaires à venir piger les pays dans chacune des catégories. Monsieur
Swinney est arrivé juste à temps, avec son jeune fils, pour se joindre aux
autres.
Scott avec le tableau, ça a l'air de rien mais on a travaillé fort là-dessus. |
Au bout d’une heure, le tirage est terminé
et bien que le temps soit passablement pluvieux, la plupart des invités
d’honneurs et des visiteurs sont curieux de voir les démonstrations de combat.
Ils s’agglutinent donc autour de la lice, Benoit, lui, est occupé à donner une
autre entrevue, alors que moi je retourne au chaud et au sec dans le petit café
à l’intérieur du palais. D’ailleurs le reste des invités y est, à siroter une
tasse de thé ou de café.
Une partie de l'équipe écossaise, des gars bien sympatiques ces Écossais! |
En fin d’après-midi, nous retournons à
Bankfoot et soupons modestement de quelques trucs achetés à l’épicerie la
veille, en compagnie de nos amis. Tous dans le petit salon, nous discutons des
pools, probablement comme beaucoup de combattant(e)s à travers le monde, ceux
et celles qui participeront à notre tournoi.
Dimanche matin, c’est Pâques et bien que
nous ne soyons absolument pas pratiquant, nous conservons quelques traditions,
surtout celles qui sont culinaires. Faut dire que le sirop d’érable est sans
nul doute notre aliment le plus ancien, cadeau des Amérindiens. Dire qu’ils
nous ont appris à survivre dans ce rude climat, nous ont enseigné multiples
choses essentielles, en échange, nous leur avons donné les outils pour s’autodétruire,
des armes à feu, mais surtout de l’alcool.
Je prépare donc une bonne quantité de pâte
à crêpe sous l’œil attentif de nos hôtes, ça me rappelle la cuisine de mon
restaurant il y a déjà plusieurs années. L’avantage c’est que c’est pas
compliqué et tellement bon, surtout avec le sirop.
Ben qui nous présente un ambré 2017 ;-) |
Après le déjeuner nous allons à Perth pour
visiter un tout petit peu, c’est la troisième fois que nous venons à Scone en
moins d’un an et nous n’avons toujours pas vu le cœur de la petite ville. Nous
en profiterons pour distribuer des pamphlets car y paraîtrait que cette tâche a
été un peu escamotée, l’administration du palais était sensé faire des
pamphlets et en distribuer depuis longtemps. Lorsque nous en avons parlé
directement à Lady Murray hier, elle est partie chercher une boîte pleine qui
traînait dans leur bureau. Elle semblait un peu contrariée, je me demande si c’est
notre approche ou parce qu’il y a eu négligence envers notre événement, j’aime
mieux opter pour la seconde hypothèse. Nous en apporterons quelques piles avec
nous et irons les distribuer un peu partout. Nous irons en transport en commun,
un autobus nous prendra sur la rue juste à côté. Ben est toujours un peu
curieux de rencontrer des gens qui pratiquent le même métier que lui pour
comparer.
Mes lunettes soleil...au printemps en Écosse. |
En Écosse comme dans d'autres pays européens, on se stationne comme on veut et comme on peut, différentes directions et souvent sur le trottoir. |
C'est pas clair mais c'est Jacob et Benoit dans le petit chemin de traverse entre la maison et la petite épicerie. |
Je suis toujours ravie de voir que les vieilles maisons servent. |
Ça aussi c'est quelque chose que j'ai vu en Flandres, on donne un nom à sa maison et il n'y a pas de numéro de porte visible... |
Sont classes ces bus. |
Au bout d’une quinzaine de minutes, nous
sommes directement au milieu de Perth et décidons d’aller au bureau touristique
pour laisser d’autres pamphlets. La p’tite dame nous dit que quelqu’un est venu
en porter une pile il y a un mois de ça. En principe c’était sensé se faire au
mois de décembre après notre assemblée générale, je pousse un long soupir et je
roule probablement des yeux, Ben fait mine de ne pas trop remarquer et laisse
tout de même d’autres publicités pour notre tournoi.
Nous passons une petite heure à entrer
dans les bistrots, pubs, magasins ou tout autre endroits qui nous semblent
propices. Évidemment les gens sont curieux et veulent savoir ce que nous annonçons,
ce qui nous indique qu’il y a eu peu de publicité de faite jusqu’à maintenant. À
l’occasion, certains se souviennent du tournoi en juillet dernier ou bien ils
ont vu ou entendu une entrevue donnée par Benoit ou un membre de la SKL. Mais c’est
assez unanime, tout le monde est enthousiaste et la plupart veut y venir.
On s’arrête pour prendre un café et on
repart, cette fois, nous allons au centre sportif, les gens au comptoir sont
très très curieux et posent beaucoup de questions. Du moment que les sportifs
comprennent que ce n’est pas du grandeur nature (GN ou LARP) ils sont
généralement excités à l’idée d’essayer ce « nouveau » sport.
Nous allons aussi en distribuer dans les
épiceries à grande surface, et bientôt nous nous arrêtons pour manger un fameux
fish&chips. Moi je suis amusée quand j’entre dans les commerces et qu’on m’aborde
avec un « allo » ou « aye » qui semblent faire partie des formules de
salutation ici. Pour la Québécoise que je suis, c’est comme si je rencontrais
chaque fois des amis. Mais en même temps, dans la langue écossaise on entend
souvent l’influence du vocabulaire français. Disons que l’histoire de l’Écosse
et de la France sont souvent entremêlée et qu’avoir un ennemi commun (l’Angleterre)
ça favorise les rapprochements et les alliances.
En plein coeur de Perth |
Un distributeur d'oeufs frais et de pommes de terre. :-o |
Une des choses étranges qu'on me dit que je doive absolument goûter si je veux manger écossais, c'est une barre mars frite. |
En fin d’après-midi, il commence à faire
froid et nous sommes fatigués, nous retournons à Bankfoot par le même autobus
avec la satisfaction d’avoir fait du bon travail. Bon du travail qu’on aurait
aimé mieux ne pas faire mais ça nous aura permis de prendre le pouls de la
population directement. Nous passons à la petite épicerie du village avant de
rentrer au chaud et finir notre journée avec nos amis, c’est notre dernière
soirée, car nous reprenons le bus tant redouté demain soir. Cette fois nous
voyagerons de nuit, en espérant dormir une bonne partie du trajet.
La journée du lundi est assez tranquille
puisque tout le monde travaille, c’est pourquoi nous en profitons pour aller nous
balader au village, en quête d’un pub où nous pourrions prendre un vrai bon
repas. Nous trouvons le parfait pub, mais il s’avère qu’il est fermé la semaine
pendant la saison morte. Nous sommes déçus parce qu’il ne semble n’y avoir
aucun restaurant, du moins aucun d’ouvert. Il n’y a personne dans les rues, c’est
tellement tranquille, trop tranquille! Après avoir déambulé de long en large,
et pris quelques photos, nous allons à la seule petite épicerie qui rappelle le
magasin général de n’importe quel village ou de quartier. On en profite pour se
faire des provisions pour ce soir dans l’autobus et une fois dans notre chambre
on chargera les batteries de nos téléphones au maximum.
Remarquez sur le panneau «dogs welcome», ah que j'aime ce pays et ses gens! |
Un pays où il pleut beaucoup, je trouve l'idée assez ingénieuse, c'est entre le trottoir et la rue.. |
Un arbre exotique pour moi. |
En fin de journée, Louise nous reconduit à
notre terminus d’autobus, ce n’est qu’un au revoir, il ne se passera même pas
deux mois avant que nous revenions. Nous savons aussi tous les trois que durant
ce laps de temps nous allons devoir courir chacun de notre côté de l’Atlantique
pour finir de préparer ce gros événement.
Le ciel est dégagé nous pourrons voir un
peu de paysage avant qu’il ne fasse nuit, dans le bus, loin des toilettes, nous
essayons les prises à côté, elles fonctionnent yeah! Bon je ne suis pas
certaine que nous en aurons besoin, mais c’est une sureté de plus, notre sac à
dos est plein de stock pour manger et boire. Finalement nous dormons la moitié
du trajet, un trajet qui se fait beaucoup plus rapidement parce qu’il se fait
au milieu de la nuit. Résultat quand on arrive à la grise gare, nous
sommes un peu plus reposés et nous avons de quoi déjeuner et grignoter jusque
dans l’avion qui nous ramène à Montréal. Faut être un peu fou quand même, faire
tout ça en moins de six jours, définitivement, le mois prochain nous restons 2
semaines!