jeudi 10 janvier 2019

On «chill» à Bankfoot, on court à Paris.





Dimanche matin, il reste 24 heures avant que nous reprenions l’avion pour Paris et 48 avant de rentrer chez-nous. On n’a rien d’important à faire, on descend à la cuisine pour manger et prendre un café. Ben est super motivé à faire un entraînement avec les gars, il leur en a parlé avant même qu’on arrive en Écosse. Je suis tout de même étonnée (le suis-je vraiment au fond?) quand je suis montée me coucher la veille au soir, il était en grande conversation avec Chris, Jacob et Hubert. Les bouteilles d’absinthe et autres alcool y circulaient allégrement et je me suis dit alors, que personne ne serait en état de faire des push-ups le lendemain. En y repensant bien, je me dis que si Ben a été en mesure de faire un yoga chaud en Argentine à 40 degrés, rien ne peut l’arrêter.


À mesure que la maisonnée nous restitue les gars à la cuisine, Ben leur rappelle l’entraînement avec enthousiasme, ne leur demandant pas s’ils sont toujours motivés, soit parce qu’il ne peut concevoir qu’ils ne le soient plus, soit parce qu’il craint qu’ils ne veuillent plus le faire. Sa méthode fait ses preuves. Je l’avoue, j’ai un peu envie de rire quand je vois leur désarroi, ils sont piégés, dorénavant ils y penseront à deux fois avant d’accepter à l’avance. Hubert ne peut le faire à cause de son genou qu’il doit faire opérer sous peu, un genou qui l’a obligé à arrêter le béhourd, il y a quelques années.

J-P, Chris et Jacob terminent de déjeuner et repartent dans leur chambre à la recherche de vêtements appropriés sans partager la même joie que leur tortionnaire et croisent Brendan dans le hall. Ce dernier dit à Benoit qu’il n’a malheureusement pas ses survêtements qu’il a oublié à Cork, c’est mal connaître mon chum tout heureux d’en avoir apporté en surplus! (Je pense plutôt qu’il a prévu le coup) Ben court chercher dans nos bagages, ses pantalons de jogging et un t-shirt et les offre à Brendan un peu dépité. Je me réfugie dans la cuisine, étant incapable d’enlever mon sourire idiot de la figure, j’ai un peu pitié d’eux mais pour rien au monde je ne changerais de place avec eux.

Je lave notre vaisselle, je vais mettre de l’ordre dans ma valise et m’assure que nos vêtements « tenue de ville » ne sont pas en boule dans un coin de la chambre et sont sur des cintres pour prendre l’avion le lendemain mais surtout le surlendemain. Je rappelle que c’est le règlement pour les employés (et ex employés de plus de 15 ans de service) d’Air Canada : on doit représenter adéquatement la compagnie. Je sors ensuite à l’extérieur pour prendre une photo des athlètes et des alentours de la maison.

L’entraînement consiste en deux parties, la première, en réchauffements et cardio et la deuxième pour les techniques de combat.  Pour Benoit, la première est toujours au moins aussi longue et aussi importante que la deuxième mais c’est souvent cette partie qui est éclipsée dans les entraînements des athlètes qui pratiquent ce sport. On est pressés d’enfiler l’armure et de pratiquer du combat.   

Au bout d’une bonne heure et demi, l’entraînement est terminé et les gars semblent contents et un peu fatigués. Brendan remercie Benoit pour les vêtements mais il ajoute à la blague, qu’il n’a aucun regret de lui rendre sales après l’avoir fait autant suer! En après-midi, Scott va reconduire Brendan et Hubert à l’aéroport, tandis que nous allons faire une petite promenade dans le village avec Jacob. Nous arrêtons en chemin à l’unique petite épicerie, comparable à l’un de nos dépanneurs de quartier, pour acheter quelques trucs pour compléter notre souper et déjeuner. Nous en profitons pour bavarder un peu avec Louise qui y travaille, elle et Jacob sont très motivés à travailler avec Benoit sur l’organisation du tournoi   





Le petit raccourci derrière nous

J'aime beaucoup la convivialité écossaise et leur attitude avec les chiens.



En fin d’après-midi, nous préparons notre valise, car nous partons à l’aube, puis on rejoint les autres, incluant Scott qui est de retour. On prend l’apéro au salon avec Louise quand elle arrive de son travail et on soupe un peu anarchiquement, c’est-à-dire, un peu ce qui nous reste avec des chips et du fromage, et ni dans une assiette et ni assis à une table.

La soirée s’achève en bavardage au petit salon rempli à pleine capacité : Scott, Jacob, Louise, moi, Ben, J-P, sa copine Cinthia et son petit chien qui quémande des câlins à tout le monde. Je réalise que je suis vraiment fatiguée lorsque je n’arrive plus du tout à suivre la conversation en anglais bien sûr. Je monte me coucher, Benoit qui me suit, pas loin derrière.

Quand l’alarme nous réveille, il fait encore noir dehors, mais nous ne perdons pas de temps, nous avons une longue journée devant nous. C’est pourquoi, nous déjeunons rapidement et avalons un café avec les yeux encore collés. Scott vient nous reconduire à la station d’autobus à Perth, il doit lui-même remonter au nord à Aberdeen pour attraper son traversier qui le ramènera chez-lui aux Shetlands.

Meilleure pancarte pour des toilettes, ever! Ça dit ce que ça dit ;-)


Nous prenons l’autobus pour l’aéroport de Glasgow, ça nous coûte une dizaine de dollars chacun, c’est très raisonnable, pour un voyage d’un peu moins de deux heures. Ce genre de détail est important à savoir pour notre tournoi et surtout ses participants qui viennent de partout. Nous arrivons à Glasgow, après le lever du soleil et traînons un peu à l’aéroport car notre avion pour Paris est dans quelques heures. Contrairement à nos voyages habituels, nous avons peu de bagages, ce qui nous permet de nous déplacer facilement et ainsi, d’errer un peu. Bon je dois dire que l’aéroport n’est pas bien grand, on a vite fait le tour et comme partout ailleurs, les prix pour manger et boire y sont toujours assez exorbitants peu importe où tu te trouves dans le monde. Mais nous avons été rusés car nous avons acheté hier de quoi grignoter et boire pour la journée, bon je ne dis pas que c’est ce qu’il y a de mieux pour la santé, mais ça va nous soutenir jusqu’à notre AirBnB ce soir.


Notre vol se passe plutôt bien et arrivons à Charles de Gaules en après-midi. Après avoir attendu trop longtemps pour récupérer notre valise, comme toujours à cet aéroport, nous prenons le train pour nous rendre en plein cœur de Paris. Nous y logerons pour la nuit avant de retourner demain matin à Montréal. On sort à la Gare de l’Est dans le 10e arrondissement, en pleine heure de pointe, mais j’y songe, y a-t-il vraiment une heure de pointe au centre de Paris? C’est toujours si étourdissant! Faut surtout pas lambiner aux feux de circulation, faut savoir où l’on va, ce qui est notre cas heureusement. Le soleil, déjà couché, nous laisse avec un ciel noir troué de mille néons qui amplifient l’effet stimulant.  


 Nous prenons un bon 15 minutes avant de pouvoir ouvrir la grille parce que nous n’avons pas le bon code, y a une erreur. Par chance une dame qui sort, a pitié de nous et nous donne le bon, j’imagine qu’elle ne s’est pas inquiétée quand elle a entendu notre accent, avec nos bagages en plus, c’est clair que nous sommes des touristes. L’immeuble est semblable à tous les autres, crème, typique, vieillot, charmant avec leurs petits semi balcons. À l’intérieur, c’est un peu miteux, il aurait bien besoin d’un peu plus d’entretien. La clé est cachée dans un endroit convenu par la propriétaire de l’appartement. Le logement minuscule ou plutôt la chambre avec mini frigo et deux ronds de poêle et micro salle de bain est très décevante. D’abord, il y a encore des traces de la personne qui y était avant nous, soit la propriétaire, soit un autre voyageur. Des papiers qui traînent, une serviette roulée en boule entre le mur et le lit, un sac à dos sur une chaise. Y aurait-il quelqu’un qui dort ici ce soir? Quelqu’un qui n’est pas nous?    




La vue de notre balcon, probablement que notre voisin d'en face a une vue semblable de notre chambre.


Benoit reçoit un message de la propriétaire l’avertissant que son ami avait oublié son sac et qu’il passera le chercher. Bon, nous avons besoin de faire une petite sieste avant d’aller chercher quelques trucs à manger, on est trop cassés pour aller au resto. Donc, on pourra l’accueillir et lui redonner son sac. On tente de regarder dehors en ouvrant le rideau, la pôle à rideau tombe, on jette un œil où elle était accrochée et apparemment la pôle est déjà tombée avant et a été « raboutée » sommairement. Je n’ai vraiment pas envie de me glisser sous les draps, plus je les regarde, moins j’ai confiance, on se couche par-dessus, en cuillère pour un p’tit dodo en attendant l’ami du sac à dos.

Quand je me réveille, le gars est déjà passé, Ben l’a reçu, lui a donné son sac et ciao bye! Bon maintenant on part faire un tour dans le quartier, trouver une petite épicerie et ramener quelques trucs qui ne demandent pas trop de cuisson ou de préparations, nous sommes limités en moyens. Le quartier est très grouillant et odorant, particulièrement de cuisine indienne, ça sent bon. Comme la plupart des villes européennes (mais aussi au Japon et en Argentine) où nous sommes allés, il y a très souvent cette proximité physique entre le commerçant et le client, qui me donne l’impression de fusionner en quelque sorte avec le marché. En effet, au Québec (et probablement partout au nord de l’Amérique du nord), principalement à cause de notre climat vigoureux, nous avons bâti nos maisons et nos commerces de façon à éviter que notre porte soit trop près du sol. Ce qui fait que lorsque l’on se promène à pied dans nos rues commerciales, on doit souvent monter quelques marches et ouvrir la porte (et parfois une deuxième porte) pour entrer à l’intérieur, l’interaction se passe dans le fond du magasin (au chaud en hiver et au frais en été) et non sur le trottoir. Sauf, bien entendu, l’été dans une vente trottoir. C’est peut-être aussi cette proximité de la marchandise et des gens qui rend si populaire ce type de commerce au Québec. On retrouve aussi cette facilité d’accès dans les grands centre d’achats, mais généralement le comptoir et la caisse se trouve au milieu ou au fond du magasin, le client peut, comme dans une vente trottoir, se contenter de papillonner sans acheter et sans établir de contact.

Quand aux autres villes, surtout dans les rues secondaires, les locaux sont plus petits, la porte est souvent ouverte, le vendeur est bien souvent tout près de l’entrée, la marchandise déborde sur les trottoirs et évidemment il y a plus de monde. Les portes des boutiques ou des épiceries étant séparées bien souvent entre elles que de quelques pieds, on a la sensation d’être happés dans un seul mouvement qui ne s’interrompt que le temps de traverser la rue. Et faut faire vite!

  De retour dans notre chambre trop chère pour ce qu’elle est, avec un p’tit rouge, un saucisson, deux fromages et des chips (on évite la baguette à cause du gluten), nous égrenons quelques heures en bavardage sur nos projets futurs. On finit par se coucher SUR le couvre-lit tout habillés, nous sauvant pas mal de temps de préparation au petit matin.

Quand nous sortons dans la rue, déjà passablement animée, l’air frais finit de nous réveiller. Les cafés nous font de l’œil, les serveurs sortent les panneaux en bois annonçant leurs spéciaux pour le petit déjeuner. Ils sortent aussi les tables et les chaises entre deux clients qui sirotent leur espresso, debout au comptoir. Ça sent le pain et les croissants encore chauds. N’y tenant plus, Benoit accepte l’idée d’en subir les conséquences plus tard, mais il va manger un croissant, ça lui manque trop. Nous choisissons un p’tit resto qui offre un croissant, morceau de baguette, beurre et confiture, jus d’orange et café pour 9 euros, c’est parfait!  C’est pas donné, mais quand on pense qu’il en coûte quasiment 30 euros pour deux croissants et deux cafés au Eiffel café près de la célèbre tour, on se dit que c’est quand même pas si pire. Et au final, mes papilles de touriste, ne font pas la différence.

On ne s’éternise pas trop, en 5 minutes, nous sommes à la gare de l’Est en direction Charles de Gaules pour retourner chez-nous…

…sans l’ostie de contrat.

mercredi 2 janvier 2019

L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE, PARTIE 2 (ÉCOSSE, NOVEMBRE 2017)

De gauche à droite:Hubert, Joshua, Chris, Jacob, Scott, Louise, Brendan, J-P et moi (Ben est derrière la caméra)




Aujourd’hui, Ben et Hubert doivent rencontrer Stephen, il a demandé à voir le président et le vice-président avant de rencontrer tout le reste du présidium et du board (capitaines et représentants) à l’assemblée générale du lendemain. Comme nous devons faire quelques courses à Perth et que le rendez-vous a lieu au palais, à 10 minutes du centre-ville, je les accompagnerai, je pourrai toujours descendre à la petite cantine en les attendant si c’est confidentiel. Nous prenons le temps de déjeuner et de savourer 2-3 cafés en bavardant avec Jacob, Scott et Hubert, Louise, Joshua et J-P sont au travail.

Caitlin arrive entre temps, avec son bébé de 3 mois, dont s’entiche immédiatement Scott. Ben et Hubert lui ont demandé si elle voulait le poste qu’occupait Magnus et qu’il a quitté après le tournoi au Danemark pour se consacrer à sa carrière. Pour aujourd’hui elle représente la Nouvelle Zélande. Elle apprend que Benoit et Hubert doivent partir pour leur rendez-vous, quand elle voit que j’y vais aussi, elle prend pour acquis qu’elle peut y venir aussi. Elle prend à son bord Hubert tandis que Benoit et moi, prenons place dans l’auto de Scott.

Arrivés sur place, nous constatons avec stupeur que Jaye et Andre (le capitaine de l’équipe américaine) sont là, est-ce Stephen qui les a aussi invités ou eux-mêmes qui ont pris l’initiative de venir à ce rendez-vous? Finalement ce n’est apparemment pas si confidentiel ou du moins, ça ne l’est plus. Stephen un peu surpris, autant par notre nombre de personne que par le bébé, vient nous accueillir et nous mène à la salle de conférence où sont déjà le directeur de marketing engagé par l’administration de Scone et le comptable de la maison. Il est question surtout de savoir comment nous procéderons, du côté de l’IMCF et eux, du leur, pour le marketing, l’estimation du nombre de spectateurs, les risques et les coûts.

Ben et Hubert ont des tenues de ville, même si ce n’est qu’un « pré meeting » ainsi ça donne la sensation de discuter d’égal à égal. Nous en avons souvent parlé de l’importance d’avoir l’air professionnel quand on rencontre les gens avec qui on négocie. Depuis le premier meeting de l’IMCF, Benoit a toujours porté un complet cravate, d’abord par respect, ensuite pour être pris au sérieux. Y a tant de préjugés concernant les gens qui font du « médiéval » qu’on doit être clair : les costumes sont en quelque sorte, nos « uniformes » lors des tournois. Le complet cravate fait une coupure nette entre le spectacle et la mise en scène du spectacle.

Ben est un peu inconfortable, d’abord en ne respectant pas ce qui a été convenu, c’est-à-dire des personnes inattendues. Ces personnes n’ont absolument pas de tenues de ville et par-dessus tout, elles parlent à mi-voix, ça m’énerve! C’est irrespectueux pour l’orateur et pour les personnes qui essaient comme moi de l’écouter et de traduire. Je n’ose intervenir, après tout, comme Scott, je ne fais pas partie du présidium, en principe je ne suis pas supposée être présente.

  
Au bout d’une bonne heure et demi, nous concluons avec la promesse enfin, d’un contrat en main avant de quitter l’Écosse. Nous avons confiance, Stephen est très emballé par ce tournoi, lui qui ne connaissait pas ce sport avant d’être engagé il y a quelques mois, pour remplacer Sarah, clairement désintéressée par le projet. Nous reprenons la route, Scott, Ben, Hubert et moi tandis que Caitlin, Jaye et Andre retournent à leur hôtel. Nous filons à la maison après s’être arrêtés en chemin pour faire quelques courses. Scott nous dépose et repart à l’aéroport de Glasgow pour aller chercher Brendan.

Pendant ce temps-là, Ben me donne un coup de main à la cuisine dans la préparation de mon gros pâté chinois et du gâteau aux carottes. Un gros souper pour dix, mais fidèle à mes habitudes, j’en fais plutôt pour 15-20 personnes. Vaut mieux trop que pas assez, au pire ça fera des restants pour demain. Nous prenons l’apéro au salon avec Hubert, Jacob et Louise qui arrive tout juste de son travail. Elle nous offre de l’hydromel, un nectar impossible à refuser.

Nous accueillons Brendan à bras ouverts et l’œil brillant à cause de nos « quelques » apéros. Je crois bien que c’est en Écosse que nous buvons le plus. Ici c’est tolérance zéro pour l’alcool au volant, encore plus sévère que chez-nous. J’ignore si ça a un impact sur la consommation à la maison, mais on pourrait penser qu’ils compensent quand ils n’ont pas besoin de se déplacer en voiture. Bien sûr, loin de moi l’idée d’appliquer ma théorie aux Écossais en général, mais je pense que je tiens quelque chose là. Ce qui m’amène à parler d’un breuvage extrêmement populaire, non alcoolisé et souvent utilisé pour les gueules de bois : la boisson gazeuse Irn-Bru, deuxième boisson nationale après le Scotch whisky. Elle est orange et a un goût unique, une saveur que je n’ai jamais goûtée ailleurs. Elle a été créée en 1901 à Glasgow ou à Falkirk (c’est pas vraiment clair) et portait comme nom Iron Brew. Cette boisson fut concoctée afin d’offrir un breuvage désaltérant et surtout sans alcool, aux ferronniers qui, travaillaient dans la chaleur et la poussière. Comme l’approvisionnement des villes en eau potable était difficile, l’alternative de ces travailleurs, jusque- là, était la bière. Le breuvage connut un immense succès, dépassant même Coca-cola pendant quelques années, et encore aujourd’hui, la boisson écossaise est aussi populaire que la célèbre boisson américaine. En 1946, la compagnie dut modifier le nom car la boisson n’étant pas brassée (brewed) comme la bière, on dut changer un peu les lettres, lui donnant même, ma foi, une sonorité encore plus écossaise.



Samedi matin à l’aube, toute la maisonnée se met en branle, trois personnes qui s’apprêtent à aller travailler, les sept autres se préparent pour l’assemblée générale, par chance, il y a trois salles de bain dans la maison. Nous mangeons sur un coin de comptoir, il n’y a pas de salle à manger où trônerait une grande table prête à accueillir une grande famille. C’est d’ailleurs dommage, hier soir, nous étions un peu éparpillés entre la cuisine et les deux salons. Cependant j’étais satisfaite, tout le monde a bien aimé le pâté chinois, et l’explication des origines de ce plat, du moins celle que je crois la plus plausible. C’est-à-dire, lors de la construction du chemin de fer au 19ième siècle on nourrissait les ouvriers qui étaient majoritairement chinois, surtout dans l’ouest avec ce qu’on avait de disponible sous la main et donc très peu cher : du bœuf, du maïs et des patates, en s’inspirant du hachis parmentier. J’imagine que les ouvriers, canadiens français ont rapporté l’idée dans leur foyer, et elle s’est vite popularisée, surtout au milieu de la Crise. Pour ce qui est du gâteau, il s’est fait dévorer sans aucune explication.  


À nous voir tous à nos préparations ce matin, nous pourrions croire que nous allons à des noces, on dirait une ruche tellement on s’active frénétiquement. Les uns à chercher un fer à repasser ou à secouer le veston un peu fripé resté trop longtemps dans la valise, les unes à demander l’avis sur une couleur de foulard approprié, tout le monde est en train de « se mettre sur son 36 ». Ben est satisfait, il n’a pas eu à rappeler à personne le port de tenue de ville, d’emblée tout le monde s’est vêtu très convenablement.

Nous quittons Bankfoot sous un soleil radieux, comme hier d’ailleurs, c’est il me semble un peu inhabituel en Écosse, en novembre, mais ça reste froid et venteux. Nous arrivons en même temps que les autres membres du présidium et les capitaines et/ou représentants. Nous sommes peu nombreux, du moins trop pour avoir le quorum, Benoit peut respirer, c’est pas aujourd’hui que son poste est mis en danger. Stephen nous accueille et nous le suivons dans la même pièce où nous étions hier.



 À chaque place, il y a un sac cadeau offert par le palais : un bloc note, un crayon, une pin souvenir, une chemise pour insérer notre paperasse, etc. Du café et du thé sont servis dans la pièce attenante et quand nous nous installons autour de la table, Stephen entre à son tour accompagné de 5 employés. Stephen nous explique que ces personnes travailleront en collaboration avec nous, nous faisons donc un tour de table pour se présenter. Les pays représentés sont : Québec, É-U, Mexique, Nouvelle-Zélande, Suède, Autriche, Allemagne, Danemark, Irlande et évidemment Écosse, même pas 50% de nos pays membres. Je peux comprendre que des pays comme le Japon, l’Afrique du sud ou l’Argentine, ne viennent pas, pour eux, c’est un voyage extrêmement long et coûteux pour 2-3 jours. Mais je ne m’explique pas l’absence de pays comme la France ou surtout l’Angleterre. Notre ami Steve, que nous avons retrouvé avec bonheur est là en tant que représentant des maréchaux, mais pas comme représentant de son pays.

Le présidium propose que Caitlin remplace Magnus sur le poste de secrétaire, même s’il n’y a pas quorum et que techniquement nous ne sommes pas sensés voter, mais j’imagine que l’urgence commande qu’on ferme les yeux. C’est elle qui doit prendre les minutes du meeting et personne ne veut de ce poste. Benoit est content car depuis que Magnus est parti, il a pris en charge cette tâche de secrétaire en plus de sa job de vice-président.


Quand les employés nous quittent pour retourner travailler, Hubert et Ben font un rappel des points forts et moins forts du dernier tournoi au Danemark. Ils évoquent aussi certains problèmes rencontrés au cours de l’année en ce qui concerne les guerres interclubs dans certains pays et la formation des équipes qui viendront au tournoi IMCF. Il faut le rappeler, l’IMCF a décidé depuis sa fondation, que les équipes, une seule par pays, sont comme aux Olympiques, composées de gens qui y vivent ou qui y sont nés. Chez nos compétiteurs, les pays peuvent amener le nombre d’équipe qu’ils veulent, c’est pourquoi lors de leurs compétitions, il n’est pas rare de voir Russie 1 Russie 2, Russie 3 et bien sûr vous aurez deviné qu’il n’est pas rare de voir les Russes remporter les trois médailles pour une seule catégorie.

On n’évoque aussi le problème des gens bannis de leur propre club à cause de mauvais comportement et qui tentent de s’immiscer dans d’autres équipes, c’est un problème que nous vivons actuellement, chez-nous au Québec. On discute à propos de ce qu’est un mauvais comportement, comme nous en avons un large échantillon, nous sommes en mesure de donner des exemples : Intimidation sur les réseaux sociaux, commentaires haineux, homophobes, racistes, sexistes, misogynes, propos diffamatoires à l’endroit de d’autres combattants sur des forums publics. Des commentaires haineux envers l’IMCF et dans les rencontres, tricheries, coups illégaux et dangereux donnés volontairement (ils s’en vantent après sur les réseaux sociaux). L’IMCF se veut une fédération sportive exemplaire, justement à cause de la marginalité de son sport de combat, et elle veut éviter que ce sport soit complètement interdit à cause d’individus violents. Pour l’instant, nous n’avons pas le choix d’en parler puisque l’équipe du Canada, cherche à les prendre dans leur équipe, sans vraiment connaître (ou croire) l’étendue de leurs actes. Nous sommes tous conscient que ça peut arriver à n’importe quelle équipe, mais particulièrement ceux qui comme nous, avec l’équipe du Québec et celle du Canada, sont dans des situations particulières, comme l’Écosse et le pays de Galles vis-à-vis le Royaume-Uni. Nous décidons donc, que des combattants bannis de leur fédération, celle inscrite comme membre de l’IMCF, ne peuvent se présenter dans aucune équipe participante de l’IMCF, éliminant ainsi aussi l’argument de la double nationalité que certains combattant(e)s cherchent à utiliser.

Donc, de notre côté la FQCM va devoir envoyer une lettre officielle à la fédération canadienne pour les informer qu’elle a banni certains individus et que le Canada ne pourra se présenter au tournoi IMCF avec ces individus dans leur équipe. Et voilà!

L’avant-midi terminé, Stephen vient nous chercher pour faire une visite guidée et privée du palais, notre guide est une dame écossaise absolument charmante et une conteuse hors-pair, je crois bien que nous avons tous un coup de foudre pour cette «granny» si drôle. Elle parle écossais comme je parle québécois, c’est-à-dire avec un accent du pays très …appuyé. Je ne comprends pas la moitié de ce qu’elle dit (Benoit m’en traduit des grands bouts) mais j’adore l’écouter et elle est si expressive.

Par exemple dans le salon des dames, elle nous raconte qu’un certain temps les femmes étaient lourdement maquillées et souvent on trouvait de la cire et de la graisse de baleine dans leur maquillage. Quand elles s’installaient dans le petit salon elles devaient se tenir à une distance respectable du foyer, si elles ne voulaient pas retrouver leur visage tombé sur leur poitrine. Je crois bien qu’elle avait au moins une anecdote aussi savoureuse pour chaque pièce.






Dido Elizabeth Belle, première aristocrate noire, ancêtre de la famille Murray, pour connaître son histoire, voyez le film Belle

Réplique de la pierre sur laquelle les rois d'Écosse furent couronnés, y a aussi un film très intéressant à ce sujet: Stone of destiny

La petite cuisine très accueillante.


Après la visite, nous sommes invités à passer à la table où un diner nous attend, la salle à manger est rustique, chaude et confortable et la nourriture est délicieuse, en plus les cuisinières ont prévu une option sans gluten. On ne s’attarde pas trop tout de même puisque nous devons finir notre assemblée, y a encore tant à couvrir. C’est donc moins d’une heure plus tard que nous remontons dans notre salle de réunion.

Je le savais déjà, mais d’entendre Steve annoncer et donc confirmer sa décision de quitter son poste de chef des maréchaux, m’attriste un peu. Je sais aussi qu’il ne sera probablement pas là pour le prochain tournoi, même en tant que spectateur.

L’assemblée se poursuit, on discute des propositions apportées à l’ordre du jour, sur différents points, on passe au vote passe finalement au dernier point et non le moindre, le prochain tournoi. Ben et Hubert expliquent ce qu’ils ont entrepris jusqu’à maintenant; les ententes avec Stephen concernant la vente des billets par ticket master; la part du marketing fournie par le palais avec l’aide d’une agence; la part de l’IMCF à travers les réseaux sociaux avec la création de vidéos promotionnels. Stephen va travailler directement avec Louise et Jacob qui représentent l’IMCF sur le terrain quand Benoit ne peut y être. Jusqu’à maintenant Benoit est satisfait, pour la simple et bonne raison qu’ils sont efficaces pour aller chercher les informations, pour appliquer ce que leur dit Benoit et surtout, surtout, ils communiquent régulièrement. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai entendu Benoit exprimer sa frustration de rester plusieurs jours, voire semaines et mois, sans nouvelles de personnes sensées l’aider ou lui répondre sur des détails importants qui ont un impact sur des décisions à prendre. Je comprends parfaitement, c’est quelque chose qui m’horripile aussi, surtout quand les gens se portent volontaires.






Après la pause-café, thé et oh bonté divine, scone crème et confiture, absolument délicieux, nous retournons en réunion pour conclure la journée. On y discute de divers points varia mais aussi on rappelle que le vote concernant les postes de Benoit, Jaye, Julia, et Caitlin (officiellement) se fera la dernière journée du tournoi. Certains avaient proposé de le faire la veille du tournoi, ce à quoi Benoit avait répliqué qu’il serait très injuste de lui enlever (si le vote allait en ce sens) son poste après avoir trimer comme un fou, souvent seul, pendant un an et demi sur le projet et de lui enlever juste avant sa réalisation. Ce à quoi, la plupart des capitaines et représentants sont tombés d’accord. Mon chum en est soulagé, je crois bien qu’il l’est encore plus parce qu’il sait pertinemment que moi, témoin direct de la somme de travail et d’énergie qu’il y met, j’aurais pété une crise de nerfs!

Vient la question du tirage des équipes, c’est le tirage en direct qui a lieu généralement 4 à 6 semaines avant le tournoi qui déterminera l’alignement des équipes. On ne peut le faire trop tôt pour laisser le temps aux équipes de s’inscrire officiellement. Ce n’est pas simple puisque les équipes sont composées de gens qui doivent s’assurer d’avoir les moyens financiers, et/ou le congé nécessaire et/ou l’équipement complet et en ordre. Beaucoup attendent de savoir s’ils auront une fois sur place, une navette à partir de l’aéroport, un forfait repas et couchette et si oui quel en est le prix, sinon, comment ils s’organiseront. Ce sont des points sur lesquels travaillera Louise avec Stephen dans les prochaines semaines. Après en avoir discuté brièvement moi et Benoit, celui-ci énonce la probabilité que nous pourrions refaire le voyage à Scone pour faire le tirage à Pâques. On en rediscutera avec Stephen, c’est à suivre…

À 17:00 heures, nous terminons et nous nous donnons rendez-vous à l’hôtel qui est à 5 minutes. C’est là que sont logés Jaye, Andre et Caitlin pour le séjour, mais c’est là aussi où dormiront, probablement, les arbitres lors du tournoi. L’IMCF ne fait pas suffisamment d’argent pour payer les arbitres, mais autant que possible la fédération essaient de les loger et les nourrir. Sur place, il y a un resto bar et c’est ce qui nous intéresse en ce moment.

Pendant que nous nous apprêtons à suivre le groupe qui commence à partir, Stephen demande à voir Ben et Hubert en privé, Scott et moi attendons dans les alentours tandis que Louise et Jacob quittent rapidement, préférant retourner à la maison plutôt que suivre le reste de l’assemblée. Quand je vois que leur conciliabule s’étire, je me verse une tasse de thé en attendant, je consulte mes messages et mon facebook. Ça se pourrait-tu que ça soit la signature du contrat?

Finalement, une fois de plus sans contrat écrit, nous partons rejoindre les autres à l’hôtel, la salle à manger n’est pas bien grande et les employés semblent un peu surpris, ne s’attendant pas à voir 15-20 personnes débouler tous ensemble, pendant la saison morte. Comme nous sommes arrivés après le reste du groupe, nous recevons notre assiette pendant que les autres terminent et commandent de la bière. Le serveur nous indique que la salle à manger va bientôt fermer et que nous devrons traverser au bar pour qu’il puisse nettoyer et préparer ses tables pour le déjeuner de demain matin.

Nous finissons de manger tout en discutant avec Daniel, représentant suédois, ce dernier aimerait bien que le tournoi 2019 ait lieu à Stockholm, lui et Ben en discutent avec enthousiasme. Il croit qu’il y a possibilité que ce soit le gouvernement qui reçoive le tournoi IMCF, ainsi, ce serait probablement plus simple pour offrir le logement et la nourriture à tous les combattants.

Visiblement le serveur attend qu’on quitte notre table pour fermer la section, nous traversons alors du côté du bar, rejoignant ceux qui s’attardent autour d’un cidre ou d’une bière. Ben et Daniel concluent leur conversation en se promettant tous les deux de faire des recherches plus approfondies chacun de leur côté. Nous prenons un verre avant de repartir avec Scott pour retrouver les Écossais à Bankfoot.


Discussion philosophique en fin de soirée verre d'absinthe à la main avec Chris.