À notre retour à Montréal, nous nous
dépêchons de faire des boîtes pour notre déménagement qui est prévu dans un
mois. J’ai de nombreuses commandes de couture à terminer et d’autres à
commencer, c’est clair que mon matériel de couture va être paqueté en dernier.
L’avantage de notre nouvel appartement, en plus d’être beaucoup plus vaste et
plus adapté à nos besoins, c’est qu’il est à 90 secondes de marche de celui que
nous laissons. Il est à un coin de rue, donc pas besoin de camion de
déménagement. Inutile de préciser que notre mois de juin file sans qu’on s’en
rende compte.
Juillet s’annonce telle une course folle
contre la montre, entre défaire nos boîtes, le nettoyage, la peinture dans
certaines pièces, le travail de Benoit et mes commandes que je dois finir fin
juillet et mi-août, nous devons préparer notre voyage en Écosse pour la
dernière semaine de juillet. C’est drôle à dire, mais comme Ben et moi sommes
passablement bordéliques, nous y arrivons, habitués d’enjamber des caisses d’outils,
de pièces d’armure, de piles de livres et de valises constamment en attentes d’être
vidées ou d’être remplies. Mon atelier déborde de tous les côtés, j’ai des
boîtes de tissus et de matériels d’artiste empilés que je prévois tout mettre
dans une grande armoire que nous envisageons d’acheter au courant de l’été.
Nous avons trois petits garde-robes dans notre grand 5 et demi, donc
pratiquement pas d’espace de rangement. Cependant, c’est grand, c’est comme
faire un safari chaque matin pour aller faire du café et l’amener dans la pièce
qui servira de bureau, notre endroit préféré.
Nous prenons un peu de recul vis-à-vis de
la FQCM et de ses membres en général, depuis notre retour il plane un fond d’amertume
qui ne nous plaît pas, d’abord parce qu’on apprend entre les branches que
certains membres en veulent à Benoit de faire cavalier seul, parce qu’il met son
énergie dans son rôle avec l’IMCF et pas assez au Québec dans la FQCM et parce
qu’il part en Écosse faire un tournoi sans l’annoncer. De plus, et le problème
réside probablement là justement, c’est qu’il y a encore des éléments
indésirables au sein de l’organisation québécoise qui cassent du sucre sur le
dos de Benoit.
Chaque fois que nous sommes allés à un
tournoi, Benoit l’avait annoncé, du moment qu’il décidait d’y participer, mais
comme les membres de la FQCM ne diffusent et ne partagent que très rarement l’information,
comme les annonces, les victoires ou les encouragements, c’est passé sous
silence. Nous en sommes de plus en plus conscients et un peu blasés, toutefois,
Benoit tient à rectifier le tir et donne des preuves en faisant des captures d’écrans
de toutes ses annonces faites : Pour l’Irlande, les États-Unis, l’Argentine,
le Japon et l’Écosse. C’est pas évident, car nous voulons transmettre l’info
sans pour autant écœurer et faire des envieux, conscients de la chance que nous
avons de pouvoir le faire. Finalement, y a quelques lanternes qui s’éclairent, du moins parmi les personnes
qui ont du poids politique et donc qui sont en mesure de donner l’heure juste,
dans le cas où ça chialerait encore à propos de ça.
Ce voyage, même s’il participera avec l’équipe
des Écossais au tournoi organisé, il le fait surtout en tant que V.P de l’IMCF.
Bien que notre budget ne nous le permette pas, le voyage doit être fait parce
que le tournoi est actuellement organisé entre le château et l’association d’équipes
anglaises. La dame en charge de l’administration a fait appel à eux en croyant
que c’était la même organisation avec laquelle elle correspondait depuis un an.
L’IMCF a besoin de mettre son pied à terre pour éviter que le tournoi de l’an
prochain n’atterrisse dans les mauvaises mains. C’est entre les mains de l’IMCF
et de l’équipe écossaise que ça doit aller, et c’est pourquoi, le président et
le vice-président seront sur place pour rencontrer et discuter du contrat avec
l’administration de Scone.
Deux jours avant notre départ, Ben me
demande si je pourrais peindre son nouveau bouclier qu’il veut apporter.
Par chance, j’ai terminé mes contrats les plus pressants, je vais donc acheter
de la peinture, en même temps que mes achats habituels de snacks sans gluten et
soya. Je dessine le design imaginé par Ben, et le reproduis sur le bouclier. J’essaie
de ne pas trop attendre pour faire une deuxième et une troisième couche, je
veux être certaine que tout soit sec quand nous prendrons l’avion demain.
Une fois de plus, Sarah-Maude vient nous
récupérer le lendemain avec nos gros bagages pour nous amener à l’aéroport. C’est
un bon échange de services entre nous et elle et son conjoint, pour les fois où
nous gardons leur maison et leur toutou quand ils partent en voyage. Comme il n’y
a pas de vol direct d’Air Canada en partance de Montréal pour Glasgow, nous devons
à contre cœur nous rendre à Toronto. Nous nous y rendons beaucoup plus tôt,
même s’il y a très peu de chance qu’une tempête de neige paralyse tous les vols
pour Toronto (comme lors de notre voyage en Argentine) et nous empêche de
prendre notre vol pour Glasgow. Néanmoins nous sommes un peu nerveux car ces vols,
avec notre compagnie aérienne, il n’y en a que quatre par semaine, donc si on
le manque nous devons attendre le surlendemain (le samedi, veille du tournoi) pour
voler vers l’Écosse, ce qui est hors de question.
Heureusement tout se passe bien, et nous
embarquons en mi-journée, ce qui fait que nous atterrissons avec un bon cinq
heures d’avance. Nous passons tout de suite la sécurité après nous être
débarrassés de nos valises et trouvons un coin pour manger notre lunch en toute
tranquillité. Benoit vérifie de temps en temps à l’interne s’il reste toujours
de la place il en reste cinq, ce qui est encourageant, même si des imprévus
peuvent toujours arriver, comme les passagers d’un vol défectueux déplacés sur
notre vol, comme à Francfort il y a deux ans.
Aujourd’hui, nous avons de la chance et
tout se passe comme prévu, nous obtenons nos places avant même que l’embarquement
ne soit commencé et quand tout le monde est à bord, nous traversons au comptoir
et nous dirigeons vers notre porte avec soulagement. Nous serons à Glasgow
demain matin, mais nous attendons d’être vraiment haut dans le ciel, un peu superstitieusement,
pour nous réjouir et se rappeler que c’est là-bas que nous voulions aller en
voyage de noce, il y a 13 ans. Faute de moyen, nous avions dû mettre le projet
sur la glace avec beaucoup de tristesse. Comme si le destin nous offrait une
occasion de prendre notre revanche, nous irons trois fois en moins d’un an.
L'Écosse vue de mon hublot |
Lorsque nous arrivons à Glasgow, nous
sommes surpris par la décoration du tunnel qui nous mène aux douanes. En fait,
les murs sont recouverts d'une tapisserie représentant des arbres de sorte qu’on a l’impression d’entrer dans une
forêt, sensation qui est amplifiée par un enregistrement de bruits d’oiseaux et
d’eau qui coule. C’est vraiment agréable, c’est une publicité de scotch
vraiment intéressante, je n’ai pas nécessairement envie d’en boire là
maintenant, mais c’est vivifiant en sortant d’avion.
Le douanier qui nous accueille est
sympathique, un peu comme celui à Dublin, Ben l’informe que nous allons à un tournoi
à Perth et par la force des choses explique de quel sport il s’agit, ce qui
impressionne le monsieur. Quand ce dernier a fait le tour de la question il
estampille nos passeports et avec un haussement d’épaule et un sourire en coin,
ne sachant pas trop quelle formule utiliser : « So…stay alive?» ce qui
nous fait bien rire. Nous récupérons ensuite nos bagages sur le carrousel et
sortons pour aller rejoindre Dave qui nous attend tout sourire. L’aéroport me
rappelle un peu celui de Dublin, pas très grand, sympathique, les gens sont passablement
relax, mais surtout, les employés sont souriants.
Nous nous engouffrons dans la voiture qui
est stationnée tout près et pendant que Ben et Dave conversent comme s’ils s’étaient
vus la veille ( au fond ça fait à peine deux mois que nous nous sommes quittés)
j’essaie de suivre ce que Dave raconte à Ben. Il est un excellent guide, commentant
le paysage, ici une bataille, là une colline aux fées, etc. C’est un Écossais
fier de son histoire et de son patrimoine, comme nous, il est aussi séparatiste
et rêve comme nous à l’Indépendance de son pays. Nous sommes sur la même
longueur d’onde et je suis un peu frustrée de ne pas tout comprendre, Ben en
est conscient et me traduit le plus souvent possible en essayant de ne pas trop
couper l’élan de la conversation. J’essaie d’embrasser tout le paysage autour même
si je suis parfaitement consciente que nous sommes sur l’autoroute et que ce n’est
certainement pas le visuel le plus intéressant, mais…nous sommes en Écosse!
Nous nous arrêtons chez Dave à Crieff
avant d’aller à Perth et nous faisons la connaissance de sa bien-aimée Donna,
qui est tellement gentille et de son gros chien D’Argo. Elle nous offre un
petit gueuleton tout simple avec une tasse de thé que nous acceptons volontiers
n’ayant mangé rien de substantif depuis hier soir, la petite tranche de gâteau
aux bananes servie chaque matin dans l’avion n’est vraiment pas un petit
déjeuner, encore moins pour Benoit.
Je serais bien restée à bavarder encore
avec Donna, malgré mon anglais « écossais » défaillant, parfois on se comprend
au-delà des mots, mais nous devons nous rendre à Scone à Perth. J’espère bien
que nous reviendrons bientôt, j’ai l’impression que Donna pourrait devenir une
très bonne amie. Bien sûr, nous avons presque le même âge, avons toutes les
deux des grands enfants, et bien sûr nous sommes politisées dans nos désirs d’indépendance,
mais nous avons certainement des atomes crochus, de mon point de vue du moins.
En entrant sur le chemin privé qui mène au
château, on constate l’étendue du terrain, c’est immense, en fait c’est un
vaste domaine avec des arbres gigantesques partout. Le terrain prévu pour
installer le campement pour les combattants et aides, est juste à côté d’un
enclos où mâchouillent paresseusement quelques bœufs Angus. Scott, le président de la SKL (Scottish knight league), Kathryn sa femme et un de leurs fils sont déjà arrivés et
installés, Jacob est lui aussi arrivé et a bien hâte d’aider Benoit. Les autres
Écossais arrivent un peu plus tard, incluant Louise qui s’est occupée de nous
trouver une tente et de la literie et de Shonna la cuisinière du campement.
Moi enlacant un probable descendant de Treebeard. Ces arbres ont peut-être inspiré Tolkien |
Nous montons rapidement notre tente igloo et
installons nos bagages à l’intérieur à la méthode Tetris. Il faut aussi
considérer la pluie, qui sans jamais être torrentielle aujourd’hui est toujours
un peu présente en petit crachin entrecoupé d’accalmie, de bourrasques subites
et même d’un peu de soleil. On nous dit que c’est la météo habituelle en Écosse,
on a toutes les saisons dans une seule journée. Moi qui voulais laisser ma cape
au Québec, je suis bien heureuse de l’avoir mise dans mes bagages finalement. L’armure
et les armes de Ben seront entreposés dans une grande tente avec le stock de l’équipe,
mais nous devons quand même garder notre grosse valise de vêtement et de costumes
et nos sacs de cabine autour de notre matelas avec literie et oreillers dans
une tente deux places. Quand tout est en place, Ben et Jacob vont au Palais
pour voir l’emplacement où sera installée la lice tandis que je me plonge dans
une sieste pour essayer de récupérer un peu de sommeil de ma courte nuit dans l’avion.