Hiver 2016
Bonne nouvelle! Brendan et sa copine Maria
viendront au Québec pour le tournoi annuel québécois en février prochain. Nous
les logerons chez-nous à Ste-Adèle et chez Luc (qui est bien désolé de ne pas
pouvoir les voir) lors de la fin de semaine du tournoi. Nous espérons qu’il y
ait de la neige pour nos amis irlandais. Nous apprenons aussi que cette année,
en plus de recevoir nos amis américains, nous aurons aussi nos amis belges avec
qui nous avons partagé l’auvent et la bière à Malbork. Ils seront logés chez
des membres de l’Ost à Trois-Rivières ou à Shawinigan. Il y aura aussi une
autre équipe canadienne, que nous ne connaissons pas, qui vient du Yukon.
Ces trois derniers mois sont passés en
flèche, moi avec mon lancement de livre qui aura lieu au début mars, la
recherche de logements et de contrats réguliers de confection de costumes,
Benoit qui a entamé sa formation et commencera ensuite une nouvelle carrière. Il
est comme un poisson dans l’eau, il adore conduire ces gros machins, surtout
les très gros, les autobus articulés qu’il manipule comme un pro. Comme si ce
n’était pas assez, il prend une bonne partie de la charge du tournoi au
Portugal avec le capitaine de l’équipe portugaise Nuno. Il n’a pas beaucoup le
choix, le tournoi est dans trois mois, les instabilités, les incertitudes qui
ont trainées à l’automne et au début de l’hiver, et les propositions de
certains membres pour rejoindre nos compétiteurs directs HMBIA (Historical
medieval battle international association) qui gère le tournoi annuel « Battle
of the nation », ont rendu tout le monde un peu frileux, ce qui fait que les
inscriptions tardent à entrer, c’est inquiétant que tout tombe vraiment à
l’eau. Y a plein de choses qui auraient dû être faites depuis longtemps et qui
restent à faire, bref un travail titanesque. Benoit communique avec toutes les
équipes, une par une, discute avec chacune d’elle, vend le tournoi, comble tous
les coins et est en communication constante avec Nuno, il veille à ce que tout
soit bien préparé là-bas pour le mois de mai. Il prend en charge le compte
facebook de l’IMCF laissé quasi à l’abandon, il trouve un paquet de messages
datant de plusieurs mois, jamais répondus, il y répond à son tour. Il fait du
ménage et réinvite toutes les équipes, il redonne vie à une entité super
importante, un lieu commun, virtuel, mais réel car il permet de réunir tout ce
qu’il y a de combattants participants.
L’avenir appartient à ceux qui se lèvent
tôt ET qui se couchent tard, par chance, moi et Benoit faisons partis de cette
catégorie!
Quand Brendan et Maria arrivent chez Luc, c’est
comme une bouffée d’air frais, dans notre hiver complètement essoufflant et
nous mettons nos projets sur « pause » pour nous consacrer à eux le plus
possible. Ils nous ont apporté des cadeaux, une belle bouteille de whiskey Jamieson édition spéciale pour Benoit et une réédition magnifique d'un livre de contes de Charles Perreault illustré par un grand artiste irlandais Harry Clarke, nous sommes ravis!
Benoit est en formation bien sûr, mais dès qu’il le peut, il se joint
à nous. La première journée, nous prenons le métro et allons marcher sur
l’avenue Mont-Royal et terminons notre ballade au café très personnalisé « le
Placard » où mon amoureux vient nous rejoindre. Nous leur proposons d’aller
manger une poutine traditionnelle, une vraie de vraie, pas réinventée, frites
bien grasses, fromage en crotte qui fait « squick squick » sous la dent, nappée
d’une sauce brune, pas barbecue ou autre, ils sont ravis, ils en ont tant
entendu parler. Elle est parfaite! Et comme c’est dans un p’tit resto sans
prétention, patates frites casse-croute qui date des années cinquante-soixante,
elle est « pas chère ». Y a rien qui m’insulte autant que de manger une poutine
dans un resto branché et la payer le prix d’un steak, alors que ça reste des
frites, de la sauce et du fromage en grain.
Nos invités avalent la totalité de leur
repas avec enthousiasme, ce qui me confirme qu’ils ont bel et bien aimé la
poutine. Nous ne nous attardons pas trop longtemps car nous avons décidé de
partir à Ste-Adèle, nous y passerons la journée du lendemain et inviterons
Andrew à souper avec nous avec une fondue. L’ambiance du feu de foyer et du
paysage avec vue sur le mont Saint-Sauveur et notre lit vaut les nombreux
voyagements que cela entraîne avec le tournoi à Montréal en fin de semaine. Et
puis nous voulons offrir ce qu’il y a de mieux à nos invités. À la dernière
minute, Ben a offert l’hospitalité à Jaye et quelques membres de son équipe le
vendredi et le samedi soir, donc nous dormirons définitivement à Sainte-Adèle
et non à Longueuil.
Nous avons été exhaussés, il y a une belle
bordée de neige qui commence à s’accumuler, selon météo média c’est une sale
tempête, une tempête qui fait le bonheur de nos deux amis qui sortent sur le
balcon, complètement exaltés. C’est vrai que c’est beau! Ça l’est encore plus quand
c’est reflété dans un regard tout neuf. Malheureusement, ailleurs c’est moins
beau et quand tard dans la soirée, Jaye arrive avec quelques-uns des gars, ils
nous apprennent que l’un d’eux a eu un accident sur la route, heureusement il
n’est pas blessé.
Le lendemain matin, Brendan et Maria se
proposent d’aller déblayer toutes les voitures, pour nous qui sommes habitués à
cet exercice, surtout en fin février, leur laissons cette tâche qu’ils sont
tellement heureux de faire. Pendant ce temps Ben prépare du café, les
Américains roulent leurs matelas, j’ai cru comprendre qu’ils préfèrent dormir à
l’hôtel à Montréal ce soir, ça leur fait trop de route sinon et ils veulent
dormir dans un lit.
Le trajet se passe plutôt bien malgré la
slush qui recouvre l’autoroute, et je ne peux m’empêcher de sourire à voir nos
Irlandais derrière complètement ébahis par tout ce qui les entoure.
À notre arrivée au centre, nous retrouvons
aussi avec bonheur, nos amis belges, Gauthier, Pol et Fred. Comme nous avons
beaucoup d’invités cette année, il y a beaucoup de va et viens et l’animation
est constante, malheureusement, une fois de plus, la musique est nulle. Ce
jour-là, je me dis que je vais me recycler en DJ pour les tournois de béhourd,
il me semble que c’est si simple de faire des playlists intéressantes.
Dans
le vestiaire, il n’y a jamais eu autant de combattants et malgré l’ambiance
amicale générée par toute cette belle visite ponctuée d’amitiés récentes et
moins récentes, il y a des tensions parmi les combattants québécois. Personne
n’en parle vraiment, mais faudrait être bien aveugle et bien sourd pour ne pas s’en
rendre compte. Y a différentes mentalités dans les cinq équipes au Québec, et
quand les perceptions s’opposent complètement sur la façon dont ce sport
devrait se pratiquer, ça peut entraîner des conflits. Il y en a une en
particulier qui risque de faire du grabuge j’en ai bien peur quand j’entends
leurs propos. Pour plusieurs dans ce groupe, le béhourd permet de battre et de
blesser les autres pour ensuite prouver à tous sa supériorité. On ne décèle pas
vraiment parmi eux, d’esprit sportif sain, bien sûr il y a parfois des
individus ici et là qui n’ont pas choisi un tel sport de combat pour les bonnes
raisons mais quand la mentalité de « bullying » s’étend à la moitié de l’équipe
ça peut devenir problématique. Ça veut dire que l’équipe maintient une attitude
malsaine sur les babillards de discussion et la transpose sur le terrain.
Si ce n’était que ça…la dualité entre ceux
qui préfèrent aller sous la bannière canadienne et ceux qui continuent avec
l’Ost du Québec à l’IMCF n’aide pas. Et si certains combattants se promènent
entre les deux, une grosse partie de l’équipe à problème suit la feuille
d’érable et certains plus intenses, en concordance avec la mentalité de leur
équipe, n’hésitent pas à salir l’IMCF et à insulter les combattants de l’Ost.
C’était écrit dans le ciel que ça
déborderait dans la lice, quand l’un d’eux frappe violemment Andrew avec des
coups illégaux qui sont plus ou moins tolérés par les arbitres, il explose, lui
qui en a ras le bol de l’attitude de ces gars, et comme personne n’a jamais vu
ce géant doux en colère auparavant, ça impressionne tout le monde, ce qui fait
qu’il est rapidement expulsé de la lice on l’expulse même du tournoi. Ses amis,
Benoit et Serge vont le rejoindre pour le calmer et je vois le regard de
triomphe de certains dans l’équipe adverse, je suis dégoûtée.
Définitivement, j’aime de moins en moins
les tournois au Québec, il y a trop peu de combattants ce qui fait que la fédé n’ose
pas mettre personne dehors. Mais je crois que c’est une erreur, d’abord parce
que ça fait fuir les combattants sportifs plus sérieux, ensuite parce que tant
qu’on tolèrera ce genre d’attitude anti sportive, le béhourd restera une
activité underground où les gens n’y verront que des brutes épaisses,
agressives et dangereuses parce que ce sont celles-là qui retiennent
l’attention malheureusement. D’ailleurs alors que ce sport prend de l’ampleur
un peu partout, au Québec il stagne, il n’y a pas plus de combattants qui
partiront pour le Portugal qu’il y en avait en Pologne en 2011 même s'il est en hausse chez les femmes puisque nous partons avec une équipe féminine cette année.
Tout ça a jeté une chape de plomb sur
l’atmosphère, j’ai plus ou moins envie de suivre les prochains combats, surtout
après que Benoit ait lui aussi été victime de coups illégaux, toujours par la
même équipe. Deux de ces combattants ont carrément tenté de lever son casque
afin de frapper dans la nuque. Et comme les arbitres sont mal répartis, tous dans
la lice et aucun autour, ils ne voient pas tout. Mon homme est vraiment écœuré
mais accepte sans hésiter quand Cloé vient lui demander de venir la coacher
pour son duel, comme il l’avait fait aux États-Unis. Quand elle s’installe dans
le coin de la lice, il lui glisse une chaise pour qu’elle puisse s’asseoir et
s’installe comme toujours, en avant d’elle, son regard plongé dans celui de
Cloé presque dans son casque et lui parle de sa respiration, de ses forces, il
prend tout son espace visuel de sorte qu’elle n’écoute que sa voix et ne se
laisse pas distraire par la vue de son adversaire, un peu comme un coach de
boxe. Et ça a fait ses preuves! L’affaire c’est que le journaliste sur place
trouve ça très intéressant et la caméra se retrouve à les filmer tout près, ce
que Benoit et Cloé ne voient pas. Cependant, moi je le vois et j’entends les
langues de vipères se faire aller : « Bien sûr Benoit veut voler le
spectacle ».
Ma colère atteint un paroxysme quand, à la
fin du combat de Cloé certains d’entre nous sommes témoins de la réaction
clairement partisane d’un arbitre devant la victoire de sa combattante préférée,
l’adversaire de Cloé… pendant qu’il est en fonction. Non je n’ai plus envie de
suivre plus longtemps, je vais faire un tour, je parle un peu avec des gens que
je connais dans la foule et avec nos amis irlandais et belges.
Benoit s’est changé et est venu me
rejoindre, après avoir expliqué au journaliste, son rôle de vice-président à
l’IMCF, c’est important d’informer les gens qu’il existe une fédération
mondiale pour ce sport, justement pour démontrer que ce n’est pas juste une
activité de fin de semaine où des hurluberlus se prennent pour le roi Arthur et
se tapent dessus juste pour faire cute.
On veut que ça prenne de l’ampleur, on
veut que ça soit pris au sérieux, on veut que ça soit grand, faut donc voir
grand et agir en conséquence.
Ici, je ne m’éternise pas sur ce tournoi,
les raisons sont assez évidentes, j’aurais encore trop de frustrations par
rapport aux belles expériences. Si ce tournoi m’a amené à me méfier de
certaines personnes dans cet entourage, en revanche j’ai approfondie mes liens
d’amitié avec Brendan, Maria, j’ai appris à connaître davantage Gauthier, Pol
et Fred et finalement j’ai fait la connaissance avec deux nouvelles qui seront
du voyage au Portugal, Laurie pour qui je viens de terminer deux robes et
Christine qui envie les belles robes de Laurie et qui se battra dans l’équipe de béhourd avec Béné, Cloé et Gabrielle.
Quand le tournoi se termine le dimanche
soir, nous amenons Brendan et Maria dans l’un des endroits les plus mythiques
de Montréal, Chez Schwartz, pour manger un de ses célèbres smoked meat, frites,
pickle et coke aux cerises. On est tassés comme des sardines comme l’étaient
les ouvriers montréalais qui s’entassaient là dans les années 50. En effet,
cette charcuterie a été ouverte en 1928 par Reuben Schwartz, un immigrant juif
roumain, et son smoked meat est devenu rapidement célèbre, encore aujourd’hui
la viande est préparée de façon traditionnelle, sans agent de conservation.
Nous sommes convaincus, que ce restaurant est un incontournable dans l’histoire
de la gastronomie montréalaise.
On se délecte!
Andrew nous y rejoint et nous partons
ensemble dans le nord, à Ste-Adèle et finissons la soirée devant un feu de
foyer, un verre de sortilège en mains. Maria nous demande comment les Québécois
arrivent à ne pas être tous obèses puisque tout, bouffe et alcool, a tellement
bon goût. En revanche, elle et Brendan, sont un peu horrifiés par notre
humidificateur indispensable en hiver dans l’air asséché par notre surchauffage
électrique. Dans leur réalité irlandaise si humide, cet appareil est une
abomination, ils ne connaissent que les déshumidificateurs qu’ils utilisent
abondamment. D’ailleurs à l’évocation de cette humidité constante, nous leur
racontons à quel point, en Irlande nous étions démoralisés par nos vêtements et
surtout les gambisons qui ne semblaient jamais sécher. Même mes sous-vêtements
lavés à la main et accrochés dans ma chambre, n’étaient toujours pas séchés après
24 heures. Maria, comme sous le coup de la confidence et un peu pince sans
rire, nous révèle qu’il existe quelques jours dans l’année où miraculeusement
il y a du soleil, de la chaleur et un temps sec, tout en même temps, ces
quelques journées on les appelle « the Great drying»! Elle ajoute «It's almost erotic», nous croulons tous de rire évidemment.
Lundi matin, Benoit est retourné en
formation à Montréal, et malgré le soleil radieux qui sans surprise, cache un
froid piquant, nos invités veulent aller patiner sur le lac en bas de la
montagne, comme nous leur avons suggéré quand ils sont arrivés. Par un heureux
hasard nous avons la même pointure de chaussure, donc on peut leur prêter nos
patins, mais il fait -25 degrés Celsius et pour se rendre au lac, ils doivent
marcher une bonne demi-heure. Ils insistent, ils ont apporté dans leurs
bagages, des vêtements appropriés pour les sports d’hiver. Je laisse tomber mes
dernières hésitations, cependant, je leur remets le numéro de téléphone et
l’adresse de la maison, je leur suggère aussi un joli petit café bien
sympathique tout près du lac.
Pour le souper je prépare un souper
traditionnel pour leur dernière soirée au Québec, donc je sors les tourtières,
cretons, fèves au lard, betteraves et autres marinades maison et complète le
tout avec une purée de pommes de terre et une salade. Tout le monde mange avec
appétit et comme ils repartent demain, nous étirons ces derniers moments entre
ami (e)s devant un bon feu de foyer.
Dès le lendemain de leur départ, nous
retournons à Longueuil pour récupérer ma machine à coudre ainsi que le reste de
notre stock pour le retour de Luc qui récupère son appartement. Nous avons
trouvé un petit logement où nous pouvons emménager dès le premier avril. Notre
feu roulant recommence de plus belle, entre la peinture à faire, le transport
régulier de nos effets entre Sainte-Adèle et Montréal, mes contrats, la
nouvelle carrière de Ben et surtout les derniers préparatifs pour le tournoi au
Portugal le mois prochain.
À chaque nouvelle équipe qui s’inscrit,
Ben la publie avec une belle image du drapeau ainsi que des images en action de
l’équipe correspondante. Il créé un remous tant et si bien qu’à un moment ça
devient exponentiel, nous nous retrouvons avec plus d’une vingtaine de pays
participants. Même si Pâques qui vient d’être célébré, représente la
résurrection de Jésus, ben pour moi Pâques cette année, c’est la résurrection
du tournoi de l’IMCF orchestré par Benoit et Nuno, rien de moins.