samedi 22 juillet 2017

Portugal Tournoi jour 3



Ce matin, Benoit n’ose pas manger, son système digestif refuse de lui pardonner le mcdo avalé cette nuit. Et comme l’employé sur place n’est vraiment pas rapide, il me laisse au petit restaurant sur la grande place pour monter au meeting en espérant qu’il y aura du café chez Nuno. En attendant d’être servie, je flâne un peu dans la pièce et je vois ici et là quelques Américains qui viennent de se lever, du moins ils ont l’air encore un peu endormi. Comme ils ont loué des chambres a quelques bâtiments de là, ce restaurant est un peu pour eux, une descente de lit. Jay a l’air toujours réveillé, comme Benoit il semble être du type lève-tôt et pro-actif, toujours prêt à l’action.


Je monte tranquillement la rue, je suis encore fatiguée, mais c’est une fatigue qui me colle à la peau depuis mon arrivée. Je manque vraiment d’énergie, je mets ça sur le compte de mes règles qui n’en finissent pas. Je bifurque au coin d’une rue pour aller prendre l’escalier roulant, en espérant que celui-ci a finalement été réparé, pas de chance! Il n’est toujours pas fonctionnel! Dépitée je prends le chemin des escaliers en pierre et je fais un petit arrêt à la maison du meeting. Silvia en sort justement, Nuno et Isabel l’hébergent car elle s’est retrouvée sans sac de couchage et sans gîte à la dernière minute. Quand elle me voit, elle prévient Benoit qui prend son café tranquillement à l’intérieur en discutant avec des capitaines d’équipe et des membres du présidium, le meeting n’est pas encore commencé. Il vient me retrouver, pour me faire un câlin et pour me présenter à certaines personnes. L’endroit est adorable, la maison se trouve dans les murs de la forteresse et juste au pas de la porte, il y a un petit coin charmant aménagé, avec un petit banc encadré de la végétation qui procure, avec l’ombre et la fraîcheur de la pierre, une petite oasis de paix. Je m’installe sur le petit banc avec plaisir et je savoure ce moment, dans la lumière du soleil levant en sirotant le café que Benoit vient de m’offrir.



Quand les derniers capitaines arrivent tout le monde s’engouffrent à l’intérieur, tandis que moi et Silvia on grimpe les dernières marches pour nous rendre au campement, prenant ici et là des photos du paysage environnant. Nous prenons notre temps, s’arrêtant en chemin aux petits kiosques qui servent déjà des petites douceurs ou pour discuter avec des connaissances au hasard de notre route. Tant et si bien que nous sommes rejointes par Ben et Andrew avant même d’être arrivées au campement. On apprend que notre duelliste masculin épée bouclier ne se battra peut-être pas, trop fatigué par ses activités touristiques de la veille. Tu parles !! Régis se propose de prendre sa place, il n’est vraiment pas préparé et son armure est plus ou moins en bon état, mais bon nous avons pris un engagement on essaie de le respecter. Si j’avais déjà une faible estime pour le tata en question, là ça dégringole encore plus. On se rappellera Malbork l’an dernier, il avait vendu du matériel inadéquat à Ben, heureusement, grâce au casque prêté par le Danois Jasper, il avait pu se battre.

Notre duelliste féminine en épée bouclier c’est Gabrielle, qui comme Cloé, en est à son premier tournoi mondial, va-t-elle comme ses consœurs remporter elle aussi une médaille? Les gars doivent aussi affronter l’équipe de l’Espagne en après-midi, on espère qu’ils performent aussi bien que jeudi. Se rendront-ils en quart de finale?

Profitant d’un moment de répit, moi et Ben, partons nous balader et pour être certain de ne pas nous faire intercepter nous nous sauvons dans la petite chapelle ouverte aux visiteurs mais plus ou moins achalandée. Elle est petite, on a donc fait le tour rapidement, mais malgré tout, comme tous ces lieux de cultes anciens, elle conserve cette atmosphère paisible où il fait bon se recueillir. On s’attarde sur la banderole de dessins d’enfants exposée pour l’événement et quand nous sortons, le soleil et la foule qui commence à grossir, nous surprend dans notre quiétude. Bon « the show must go on ! »





Les duels ont commencé au milieu de la lice, et nous longeons la muraille de l’entrée jusque derrière pour aller rejoindre les nôtres près du pavillon où se préparent nos combattants. Régis a commencé ses combats et Gabrielle finit de se préparer avec l’aide des filles de son équipe qui se battront justement demain. Christine qui, jusqu’à maintenant, a prêté des pièces d’armure à Cloé et son tabard tout neuf à Benoit qui avait oublié le sien jeudi, a prêté ses leggins à Gabrielle. Elle mériterait la médaille de la personne la plus généreuse de l’équipe ou du « couteau suisse vivant » tant elle a dépanné tout le monde, tout le temps! J’imagine qu’elle doit avoir hâte de porter enfin ses affaires…même si ce ne sera finalement pas elle qui les aura étrenné.

Ça n’est pas très long que Benoit se fait happer par quelqu’un, quand ce n’est pas comme commentateurs là-haut pour le streaming, c’est directement comme annonceur dans la lice, ou bien pour régler un quelconque problème. Cette fois c’est pour prendre la relève d’Hubert dans la lice. Je constate aussi qu’un toit en toile a été installé pour les commentateurs, je suis certaine que c’est bien apprécié à cause du soleil qui plombe actuellement.

Régis vient d’être éliminé, mais Gabrielle commence en force, j’ai l’impression qu’elle est bien capable d’aller chercher elle aussi une médaille. J’ai vraiment hâte de voir l’équipe évoluer sur le terrain, nos filles sont vraiment bonnes, elles sont solides sur leurs jambes et pas mal fonceuses, je suis certaine qu’elles vont donner du fil à retordre à leurs adversaires.

Je me promène un peu, il n’y a pas vraiment de place où m’asseoir, les estrades sont pleines et sous le pavillon, on laisse les bancs aux combattant(e)s. Et si je m’assis par terre, je ne verrai rien, donc je décide de bouger. Près d’un kiosque à bijoux je vois la jeune femme d’hier…sans son petit chien, zut! Quand elle voit mon regard désemparé elle devine pourquoi et rit, eh ben non elle ne l’a pas amené cette fois-ci, c’est trop une longue journée pour un petit chiot. Nous discutons en anglais quand arrive Eduardo, le capitaine de l’équipe portugaise, Sveta et l’Ukrainien qui l’accompagne sont ses amis. S’ensuit une discussion à quatre où nous baragouinons, Sveta, Eduardo et moi en anglais ou en français pour arriver à nous comprendre, et Sveta qui est d’origine russe traduit nos propos à son ami. C’est toujours comme ça à l’IMCF! C’est tellement divertissant, y aurait une étude à faire sur les échanges au sein de ces tournois.

Benoit apparaît comme par enchantement et se mêle un peu à notre discussion, puis au bout d’un moment nous poursuivons de notre côté vers les marchands de cuir, mon homme a besoin de cordons de cuir pour son armure. Pendant qu’il discute avec le marchand, j’en profite pour aller voir le chien étrange du marchand d’en face.  Il a des pattes beaucoup trop courtes pour sa tête et son corps, ce qui lui donne une drôle d’allure. Brave toutou!


On ne s’attarde pas trop, Benoit doit aller préparer son armure et moi je veux en profiter pour m’asseoir à l’ombre sur notre campement. Je sais qu’ont lieu les derniers combats féminins et que forcément Gabrielle y est, mais j’ai vraiment besoin de repos et je sais que mon absence passera inaperçue de toute façon, elle a beaucoup de monde autour d’elle. Benoit a du mal à trouver son stock tellement c’est le fouilli dans la tente, tout le monde a mis ses armures, sacs de costume, achats, outils, bout de cuir, gambisons, etc. Tout est pêle-mêle! C’est jamais une bonne idée d’utiliser une seule tente pour un aussi gros groupe.

Peu à peu les autres reviennent au campement, les Québécois sont excités car Gabrielle a remporté l’or! Rien de moins! Wow nos trois duellistes féminines ramènent chacune une médaille, les filles des autres équipes doivent être un peu nerveuses à l’idée d’affronter les Québécoises demain. Pour le moment, celles-ci ont le cœur à la fête, ça fait plaisir à voir.

Nos gars commencent à se préparer pendant qu’a lieu les combats de dix contre dix, certains enfilent une partie de leur armure et apportent le reste avec eux autour de la lice pour suivre les affrontements. D’autres prennent un peu plus leur temps, en profitent pour se reposer un peu, ou tout simplement vérifier tranquillement leurs pièces et s’assurer que tout l’équipement sera prêt en temps voulu. Je regarde mon chum aller, et comme toujours je le trouve un peu chaotique dans sa façon de se préparer et pourtant je sais que je dois le laisser faire, il a son rythme à lui et si j’essaie de l’aider, ça va le désorganiser dans sa marche à suivre et dans ces moments-là ça emmène parfois des moments de panique. Donc je ne m’en mêle pas, même si j’ai repéré une bonne partie du matériel qu’il pourrait avoir besoin, au cas où il ne s’y retrouverait plus.

Il n’a pas beaucoup mangé aujourd’hui, mais il préférait ne pas prendre de chance parce qu’il doit se battre, il redoute les effets de la nourriture sur lui, va vraiment falloir qu’on trouve le bobo à notre retour. Cependant nous en avons une vague idée, il a des symptômes très semblables à ceux des céliaques ou qui souffrent du côlon irritable. Va falloir y voir parce que là, c’est compliqué quand manger c’est comme jouer à la roulette russe.

Lorsque nous arrivons aux abords de la lice, la température est parfaite, le ciel est plutôt gris, il vente et même si de temps en temps on a quelques gouttes de pluie, c’est confortable pour les combattants. Hubert annonce le prochain combat, le Québec contre l’Espagne et les gars commencent à mettre leur casque et mitons, prennent leur arme et entrent dans la lice, Ben est dans le premier round. En face, à l’autre extrémité, les Espagnols les imitent. L’affrontement commence, Ben tombe en apportant un adversaire avec lui, Régis et Andrew d’un côté, Yan et Nick de l’autre, combattent sur les côtés, Nick finit dernier, en s’accrochant à la lice pour ne pas tomber, mais les arbitres viennent le décrocher, c’est interdit. L’Espagne gagne le premier round, je crois qu’on les a sous-estimés, ils sont forts.

Deuxième round, Phil, Igor et Jérémie remplacent Ben, Yan et Nick, Régis et Andrew sont du deuxième round. Phil dans le premier affrontement, perd son arme, il court en chercher une autre, car c’est la règle, nul ne peut poursuivre le combat sans arme. Pendant qu’il ramasse son arme tendue par un co-équipier, un Espagnol qui courrait derrière lui, profitant de ce moment de vulnérabilité, lui rentre violemment dedans. Il ne tombe pas immédiatement, mais chancelle suffisamment pour le déséquilibrer et donner la chance à son adversaire de le faire tomber facilement sur le sol. Andrew et Régis, en font tomber un, Jérémie et Igor sont enchevêtrés sur le bord de la lice avec trois adversaires et finissent par tomber avec leurs adversaires. Et en quelques secondes, Andrew et Régis contre le dernier qui finalement tombe sous les coups et la petite jambette finale de Régis.

Troisième round, Ben, Nick et Yan reviennent dans la lice pour remplacer Igor, Phil et Andrew. Régis se fait ramasser en commençant, Ben fonce dans son adversaire et tombe avec lui, Jérémie, Nick et Yan luttent en paquet contre le reste de l’équipe, Nick tombe, reste Jérémie et Yan qui tentent de ne pas tomber sous l’assaut des quatre Espagnols, mais quand Yan tombe à son tour avec l’un d’eux, les arbitres arrêtent le combat comme c’est la règle quand il y a plus de deux contre un. L’Espagne gagne et malheureusement le Québec est éliminé. C’était le dernier combat «officiel» de la journée

Le reste de notre équipe vient rejoindre les gars pour aller étreindre leurs adversaires, puis saluer la foule avant de sortir, Andrew est évidemment le dernier à revenir rejoindre son groupe, occupé qu’il est, à parler avec les Espagnols. Quand il revient il fait une grosse étreinte à Régis et Ben qui sont encore dans la lice à attendre que le combat de «All v/s all» auquel ils participent, commence. Dans les faits, c’est plus une vingtaine de gars contre une autre vingtaine. C’est le moment de pouvoir se battre avec des amis qui sont dans d’autres équipes, c’est du combat uniquement pour s’amuser sans prix ni récompense pour les gagnants. C’est du défoulement, mais c’est aussi plus difficile de suivre pour les spectateurs, j’imagine que ça doit l’être aussi pour les combattants à l’intérieur de la lice.

Benoit participe aux deux premiers rounds, de mon côté je préfère socialiser autour, je commence à avoir pas mal faim aussi. Quand Benoit a fini, on s’en va au campement, préférant laisser aux autres le spectacle de la cracheuse de feu qui clôt la journée. Considérant le temps que ça prendra d’ôter l’armure, se sécher un peu, se changer, tout ça en mémérant abondamment, et de se rendre au restaurant, aussi bien commencer tout de suite.



Pendant que mon homme entame ses prémisses (je me dis que ça va être tellement long!) je vais au petit café boutique juste à côté, sur la terrasse ils ont du Wi-Fi. En allant annoncer la défaite finale de notre équipe masculine sur mon facebook, je vois que Benoit a été identifié sur des photos, curieuse j’y jette un coup d’œil. Plusieurs de nos amis du tournoi qui sont au restaurant ont trouvé sa carte d’identité fournie à chacun pour le tournoi et qu’il avait perdu, elles ont juste le nom d’inscrit dessus. Donc plusieurs comiques se sont posés chacun leur tour avec la carte, en demandant « Is it him? » Quand je rejoins Benoit, nous concluons en riant que nous n’avons pas le choix d’aller les rejoindre. Par chance la faim qui tenaille Benoit est plus forte que son besoin de mémérer avec les autres autour, c’est pourquoi il se dépêche. Faut dire qu’il a hâte aussi de retrouver ses amis au restaurant, celui où nous sommes allés la veille du tournoi avec Hubert.

Une fois arrivés sur place avec la majorité de notre équipe, les Irlandais offrent à Benoit un drapeau de l’Irlande, et c’est avec émotion que Benoit leur demande de signer chacun leur tour, ainsi s’exécutent les deux Brendan, Killian, Jack, Maria, Anthony et Greg. Le restaurant est plein et très bruyant, demain c’est la dernière journée du tournoi et comme à chaque année, à mesure que les jours avancent, il y a de plus en plus de combattants qui ont été éliminés de la course, donc plus disposés à célébrer. 

jeudi 20 juillet 2017

Portugal Tournoi Jour 2: La fois où tout va un peu de travers

L’alerte du cell, nous rappelle que même si on est en voyage au Portugal, dans un condo sur le bord de la mer, nous devons nous lever car nous avons une grosse journée devant nous et le meeting des capitaines et du présidium à 9:00 heures. Si on considère les douches à prendre, le stock à préparer pour la journée, la route à faire pour nous rendre et un petit déjeuner et surtout un deuxième café à prendre, on ne peut traîner au lit. Cette fois, Luc et Cloé, trop fatigués, restent au condo, Andrew reviendra un peu plus tard les chercher, c’est donc à trois que nous partons pour Montemor.

Notre priorité en arrivant, c’est de repérer un endroit où l’on peut trouver du café et proche de la maison où se tiennent les meetings, idéalement si on pouvait y trouver de la bouffe qui peut se consommer en marchant ce serait bien aussi. Sandwichs, pâtisseries, on n’est pas difficile! C’est tranquille dans les rues, mis à part un marchand qui ouvre tranquillement son dépanneur et une petite dame qui balaie le devant de sa porte, on est presque surpris quand une voiture passe lentement sur la rue que nous venons de traverser.

En tournant le coin, nous trouvons un petit café qui ouvre, Benoit un peu pressé, me laisse pour monter au meeting en me demandant de lui ramener un truc à manger. Deux dames nous accueillent, moi et Andrew, avec leur plus charmant sourire et des pâtisseries tout juste sorties du four. Évidemment, elles sont curieuses d’en savoir un peu plus sur nous, avec notre costume médiéval et notre français un peu étrange, ce n’est un secret pour personne que nous faisons partis du tournoi, mais n’empêche, elles veulent savoir d’où nous venons, et nous, quelques mots de portugais. Quand nous choisissons finalement une table pour manger et boire notre café, Julien se joint à nous, en tant que capitaine, il doit assister lui aussi au meeting dans environ une vingtaine de minutes. On mange tranquillement en sirotant notre café, puis Gauthier arrive lui aussi avec un autre Belge, Benoit, et discutons entre francophones, nous ne sommes pas trop dépaysés.

Une vingtaine de minutes plus tard, après avoir donné une pâtisserie à Andrew pour qu’il la donne à Ben, je laisse tout ce beau monde pour aller au campement un peu plus haut. Silvia me rejoint en chemin et nous allons nous asseoir avec notre café pour finir de nous réveiller. Les gens qui dorment sur place, émergent doucement de leur tente et s’activent un peu sachant que les visiteurs commenceront à arriver dans la prochaine heure. Les plus occupés sont ceux qui combattent ce matin à l’épée longue, dans l’équipe du Québec, nous avons Béné et Andrew.

Aujourd’hui ce n’est pas la grande forme pour moi, je manque d’énergie rapidement, c’est encore plus flagrant à côté de Benoit qui est un feu roulant, il est partout, sur tous les fronts en ce qui concerne l’organisation du tournoi. Ce matin après le meeting des capitaines, il a dû régler quelques petits problèmes et répondre à des questions tout au long du chemin qui le mène à la lice où Andrew l’attend, lui son coach. Comme pour Cloé hier, Benoit est là pour s’occuper de son co-équipier et ami.

Je manque de motivation à suivre les combats, je me promène entre l’aire de combats en suivant de loin, nos deux duellistes, et le coin de marchands. J’essaie de repérer, ce qu’on pourra manger un peu plus tard, pour moi c’est jamais compliqué, mais avec mon amoureux, qui oublie que son corps doit être nourri de temps en temps, même s’il y a une tonne de choses à faire, et son système digestif capricieux, ça demande de la planification. C’est moi qui s’en charge.

Il y a plusieurs petites échoppes, la plupart servent à boire ou à manger, même si c’est très appétissant, on ne peut se « nourrir » que de pâtisseries portugaises, je cherche quelque chose de plus consistant, plus protéiné. Les marchands, majoritairement Portugais, sont très chaleureux, avec Silvia à mes côtés, qui peut traduire au besoin, les discussions sont encore plus faciles. Jusqu’à maintenant, c’est la première fois que la population locale me semble aussi curieuse à notre contact, les gens sont-ils plus curieux que les Français d’Aigues-Mortes, que les Espagnols de Belmonte, que les Polonais de Malbork? Les Portugais sont-ils moins timides, moins réservés? C’est mon quatrième tournoi mondial mais c’est la première fois que je parle autant avec les locaux, que ce soit sur le terrain avec les marchands, avec les spectateurs ou au village lors de nos achats. Les gens démontrent une ouverture et une sympathie particulière pour les francophones. Je repère un kiosque qui semble pas mal populaire, et en m’approchant je comprends pourquoi : le monsieur fait des crêpes bretonnes et elles ont l’air délicieuses…et la garniture protéinée. Exactement ce dont j’ai besoin! Comme je vois les gens s’agglomérer rapidement en salivant autour, je me dis que vaut mieux acheter tout de suite deux belles crêpes car dans une heure il y aura une file interminable. Je passe donc ma commande avec l’aide de mon amie. C’est toujours un peu fascinant de regarder travailler la pâte avec une telle dextérité et en quelques minutes, je me retrouve avec notre dîner. Je m’empresse d’aller retrouver Benoit et lui offrir fièrement cette belle pitance qu’il avale goulument.

Il a terminé son travail de coach, Andrew ne s’est pas classé malheureusement, Béné de son côté s’en va en finale! On espère qu’elle remporte l’or cette année encore, les chances sont bonnes jusqu’à maintenant.


Cet après-midi, Benoit va aller s’installer à son tour sur la muraille pour commenter les combats avec Dale. Ils sont quatre à se partager ce travail, un travail qu’ils ont du plaisir à faire, avec Benoit, il y a notre ami irlandais Brendan, Dale, un Américain et Eli un Néo-Zélandais. Évidemment les commentaires sont en anglais et j’imagine la surprise des internautes d’entendre cette panoplie d’accents qui leur explique le spectacle qu’ils ont devant les yeux ou qui racontent des anecdotes, parfois avec beaucoup d’humour.



En allant aux toilettes, une jeune femme apparemment Européenne de l’est, qui avait remarqué à quel point je m’entichais de son bébé chien, me demande tout sourire si je veux le prendre dans mes bras pendant qu’elle va à la cabine. Oh là là! Le bonheur! Je profite avec plein de reconnaissance de ce moment de joie pure, même si la petite guerrière n’est pas de tout repos. Quand sa maîtresse sort, elle prend une photo de moi tenant sa chérubine et je lui dis de ne pas hésiter, je garderai son chien chaque fois qu’elle en aura besoin, elle me répond en riant qu’elle n’aura aucun mal à me trouver sur le terrain, vu ma couleur de cheveux. J’oublie tout le temps à quel point, ma chevelure m’empêche de passer inaperçu, Benoit dit souvent à la blague que je suis comme un phare quand il me cherche dans une foule.


Le soleil est disparu et le temps est soudainement à la pluie, je vais rejoindre les Québécois qui se tiennent la plupart du temps près des Français, des Belges ou des Américains qu’ils connaissent pour les avoir déjà rencontrés en tournoi au Québec ou aux États-Unis. Quand la pluie s’intensifie on se retrouve sous l’un des chapiteaux qui normalement sert aux combattants. Les combats continuent tout de même et je lève les yeux pour voir ce qu’il advient des commentateurs et constate que c’est un peu le branle-bas puisqu’ils n’ont pas de toit sur la tête et sont évidemment équipés d’appareils audio. À ma surprise, ils semblent continuer presque imperturbable, à « livrer la marchandise » se couvrant la tête du mieux qu’ils le peuvent. Mais à un certain moment donné, c’est la tempête et on doit interrompre momentanément les combats et les commentateurs. Le réalisateur fulmine de voir son matériel se faire malmener, mais il est bien obligé d’admettre qu’un abri aurait dû être prévu, ne serait-ce qu’un toit pour les commentateurs.


Deux heures après, les commentateurs reprennent leur place là-haut, et je suis juste à moitié étonnée de voir mon homme en sous-vêtement médiéval, parce qu’il risque d’être au sec plus rapidement, maintenant que la pluie a pratiquement cessé de tomber. Des vêtements de laine, ça imperméabilise jusqu’à un certain point, après, quand c’est complètement détrempé, ce qu’étaient devenus les vêtements de Ben, ça devient lourd et inconfortable. 


L’ascension de Béné se poursuit et c’est avec beaucoup d’enthousiasme que nous la suivons jusqu’à la médaille d’or qu’elle remporte avec brio. La deuxième médaille pour le Québec et sa deuxième médaille d’or en deux tournois, un score parfait. Tout naturellement nous nous retrouvons tous dans notre french ghetto où Luc et Cloé nous rejoignent en colère parce qu’ils ont passé la journée au condo à cause d’un malentendu, d’un manque de communication et d’un tata de l’équipe qui a abusé de la générosité du chauffeur (mandaté pour aller les chercher) à ses fins personnelles pour aller faire du tourisme sexuel.

Après avoir trinqué un peu avec nos amis belges et français, nous optons pour un souper au village, sur la grande place, en gang cette fois-ci. Il y a un seul restaurant à cet endroit du village et c’est là que l’on retrouve aussi quelques amis Américains dont Jay. La pauvre serveuse vient très très vite débordée entre les quelques clients réguliers et nous, qui sommes plus d’une vingtaine de personnes. Il m’apparaît évident qu’elle n’a pas souvent autant de clients en même temps, nous remplissons complètement la terrasse qui tient lieu de salle à diner. Le soleil se couche doucement pendant que nous commandons notre repas, certains ont déjà reçu le leur alors que d’autres, nous en l’occurrence, n’avons pas encore choisi. Quand nous avons finalement un verre de vin et que nous attendons notre repas, une partie des Québécois qui a terminé, veut remonter au campement puis au condo. On ne peut les suivre, même si entretemps j’ai reçu mon assiette, Benoit n’a rien reçu encore et il meurt de faim. Ça devient problématique, car Andrew parti je ne sais trop où, moi, Ben et Phil nous retrouvons sans voiture et tout le monde veut s’en aller. Finalement Régis et Christine nous proposent de revenir nous chercher après être allés reconduire une partie du groupe, l’autre suivant dans la voiture louée d’Igor.

Après s’être fait critiqué la veille parce que nous ne soupions pas avec le reste du groupe, on se dit que la solidarité c’est quelque chose qui fonctionne à sens unique ça a l’air. Bref, on n’a pas beaucoup le choix et on accepte l’offre de Régis. On espère bien que nous aurons reçu, d’ici son retour, le plat de Benoit, ce qui ne semble pas prêt d’arriver.

Au bout d’une éternité, nous redemandons pour une troisième fois ce qu’il advient de celui-ci, la serveuse semble presque sur le point de pleurer tellement elle est dépassée et finalement Benoit lui dit de laisser faire, il en marre d’attendre ça doit bien faire presque deux heures qu’il a commandé! Elle cherche par tous les moyens de sauver les meubles, mais je vois bien que ce sera peine perdue, nous payons nos verres et mon repas que j’ai partagé avec Benoit et nous partons avec Régis et Christine qui viennent d’arriver. Nous devons passer par le campement pour récupérer nos effets personnels avant. Ce que nous ignorions, c’était que la forteresse fermait pour la nuit et le gardien de sécurité ne veut absolument rien savoir de faire entrer personne, même un des principaux organisateurs de cet événement. Ce dernier est maintenant en colère en plus d’être affamé, d’être un peu ivre et peut-être aussi un peu déçu devant le peu de solidarité à son égard.

Nous retournons donc au stationnement en cherchant un endroit où nous pourrions trouver à manger, il n’y a rien au condo, et à cette heure tardive c’est presqu’impossible de trouver une épicerie ou même un restaurant d’ouvert dans ce village. Nous nous rabattons sur l’espoir de trouver un McDonald quelque part dans la ville voisine, Christine qui est toujours prête à aider son prochain, nous dit qu’elle est disposée à nous aider dans notre recherche et que nous retournerons au condo, quand les affamés auront mangé. Benoit redoute un peu les effets de cette bouffe qu’il digère de plus en plus difficilement, mais il a tellement faim.

Heureusement, comme partout ailleurs, nous repérons aisément ces arches dorées au bout d’une trentaine de minutes de route, nous passons donc rapidement une commande à l’auto et filons au condo où tout le monde est couché. Juste avant de sombrer dans notre sommeil, Benoit m’annonce qu’il n’aurait finalement pas dû manger cette cochonnerie, déjà il en subi les conséquences, la nuit va être pénible pour lui. Va falloir qu’on élimine les McDonalds sur notre route dorénavant.