mercredi 29 novembre 2017

Au bout de la rue de l'autre côté de la planète: Castle Tintagel

Le hall du castle, y a des artistes ici!


Bon nous devons prendre un autre train et c’est maintenant que le défi commence. Trouver où nous rendre pour le prendre! On se sent vulnérable, c’est la première fois que nous sommes confrontés à une langue complètement étrangère et dominante. À Malbork c’était différent, et même si nous ne comprenions rien de rien au polonais, nous étions en terrain occidentaux, donc plus de référents culturels et nous arrivions là-bas avec plusieurs centaines de non Polonais, nous étions attendus. Ici, nous sommes seuls avec nous-mêmes et nous avons bien hâte de revoir Jay qui en Américain «japonisé» pourra répondre à nos questions. En effet, il a rencontré sa femme japonaise à l’université aux États-Unis et depuis, ils sont venus s’installer ici et ont eu deux petites filles. Pour nous actuellement, il est une bouée de sauvetage rassurante qui nous attend au loin, et on est TRÈS motivés de la retrouver. Surtout en ce moment où nous errons un peu désespérément jusqu’à ce qu’un jeune homme vienne timidement à notre rencontre, c’est visiblement un employé, et nous demande avec son anglais de survie, si nous avons besoin d’aide. Oh que oui! J’imagine que ça paraît, mais en ce moment j’ai perdu toute notion d’orgueil. Benoit lui montre son papier et le jeune homme nous indique par où aller avec un peu d’hésitation, c’est peut-être parce qu’il a du mal à traduire en anglais, mais ça semble bon. Nous le remercions en reprenant notre « maison » sur notre dos en longeant le plus possible les murs pour ne pas nuire au flot humain qui circule efficacement comme dans un ballet chorégraphié. Nous tournons le coin et on s’oriente avec les indications du jeune homme mais ça ne correspond pas! Un peu à bout de patience, nous changeons de stratégie, moi je reste dans un coin avec les bagages pendant que Ben part à la recherche du chemin que nous devons prendre.

Ça fonctionne! Ben revient au bout de cinq minutes, maintenant que nous savons où aller on fait notre check up, nos yens en poche, notre ticket de transfert, nos bagages, notre courage et notre bonne humeur check! Maintenant que le stress de désorientation est passé, on observe autour de nous tous ces gens qui sont silencieux, on a l’impression d’être tellement bruyant, automatiquement nous baissons le volume. Dans le wagon, je rencontre mon reflet et celui de Ben dans la vitre, au travers de tous ces Japonais, y a pas plus touriste que nous. Je croise le regard étonné de deux enfants qui nous observent, je crois que c’est mes cheveux frisés et très roux qui les fascinent, mais la maman qui garde les yeux sur son portable les rappelle discrètement à l’ordre. C’est connu, les Japonais sont l’exemple même de la politesse. Je leur renvoie tout de même un joli sourire, ce qui les fait prendre conscience de leur manque de subtilité, gênés, ils détournent vivement les yeux.

Prochain arrêt, c’est le nôtre, nous empoignons tout notre stock pour sortir rapidement avant que les portes ne se referment. Nous repérons vite la sortie et…l’escalier mobile, bon c’est clair que lorsqu’on réussit à monter dessus, personne ne peut nous dépasser nous prenons tout l’espace. Dehors, l’air est pas mal plus chaud que celui que nous avons quitté la veille, pas besoin de manteau. On tente de faire concorder les indications de Jay avec ce que l’on voit, quand on repère la rue que l’on doit monter jusqu’au dojo, on ne perd pas de temps. Les affiches de restaurants et les effluves de bouffe, nous font saliver, mais il est hors de question qu’on s’arrête pour le moment, chargés comme nous le sommes.

Nous bifurquons sur la petite rue parallèle qui est moins achalandée et qui est celle de l’adresse qui nous intéresse ici. Nous réalisons que ça nous prend uniquement des bagages sur roues lorsque l’on voyage en transport en commun. Benoit transporte 56 kilos dans trois sacs, et nous devons marcher un bon deux kilomètres, ce qui fait qu’on doit s’arrêter souvent parce que je ne peux l’aider, étant monopolisée à pleine capacité. Au moins mes valises sont sur roues mais sont lourdes et se trimbalent un peu avec difficulté. La nuit est tombée depuis un moment et même s’il fait noir, nous sommes en mesure de voir à quel point tout est propre, aucun déchet, aucun mégot ou d’excrément de chien, la végétation est entretenue et les vélos bien stationnés, droit et sans cadenas apparent. Les machines distributrices croisées sur le bord de la rue sous les lampadaires donnent une allure irréelle au paysage extérieur, on dirait presque un décor de studio.

Finalement on trouve notre adresse au bout de la rue où nous sommes accueillis par quelques membres de l’équipe et d’autres combattants venus d’ailleurs qui ont répondu à l’invitation de Jay, tout ce beau monde couche au Dojo comme nous. Jay vient nous rejoindre une quinzaine de minutes plus tard et nous propose de sortir tous les trois pour aller luncher dans un resto pas loin, l’un de ceux qui nous interpelait alors que nous passions avec nos bagages. Et c’est attablés, à 22:00 dans un petit restaurant sans prétention de Tokyo, avec ce grand gaillard blond beaucoup plus japonais qu’Américain que nous prenons notre apéro, une bière pour moi et Jay et un saké pour Benoit. Comme la vie peut être surprenante parfois, en fait je réalise que la vie que nous menons maintenant nous entraîne sur des routes souvent inattendues.
 
Pour appeler discrètement le serveur sans se faire remarquer.

Des yens! 100 yens=1,15$



Jay reçoit un appel, c’est Killian, de l’équipe irlandaise, il est arrivé! Nous finissons rapidement pour aller l’accueillir, j’essaie de tout capter la conversation entre Benoit et Jay sur le retour pendant que nous marchons vers le dojo, c’est plus difficile pour moi, visuelle que je suis, car je ne vois pas mon interlocuteur en face ce qui m’aide normalement à pallier mes lacunes en anglais. Benoit lui parle de notre balade, parfois tassés, dans le wagon. Jay nous raconte la fois où ses parents étaient venus lui rendre visite et qu’ils avaient pris le train sur l’heure de pointe. Sa mère, très grande et plantureuse, s’était retrouvée avec le visage d’un petit monsieur japonais coincée contre sa poitrine, elle s’était retournée vers son époux : ‘’Bob! I think I just had a relationship with this man’’. Son imitation avec l’accent du Midwest américain est savoureuse et cette anecdote est caractéristique du clash culturel notamment, la réserve japonaise et l’expressivité américaine.

Au bout de la rue, nous arrivons au castle Tintagel, le nom du quartier général de l’équipe japonaise, un endroit qui est étonnamment grand pour un local à Tokyo. Il est divisé en deux, d’un côté, on trouve le dojo au rez-de-chaussée et à l’étage au-dessus, une cuisine avec une table et des chaises et une boutique, de matériel médiéval. De l’autre côté, c’est là où l’équipe entrepose leurs armures, l’endroit sert aussi d’atelier et au-dessus, on dirait un grenier et cette semaine il sert de dortoir à une bonne quinzaine de combattants qui viennent de Nouvelle-Zélande, d’Australie, d’Autriche et de Pologne. Y a aussi un Américain qui dort pas loin à l’hôtel et nous et Killian qui dormons directement dans le dojo. Pour nous éviter d’avoir à apporter lit gonflable et sac de couchage en plus de tout notre barda, nous louons notre literie. C’est un service génial qui existe là-bas, une compagnie qui loue des futons avec oreiller et couette et s’il existe un endroit où je ne crains nullement de louer ma literie c’est bien au Japon, je sais que ce sera immaculé. Notre literie nous coûte environ 100$ pour la semaine et Jay nous loge gratuitement, c’est tellement gentil de sa part.

Nous sommes heureux de retrouver Killian, que nous avons quitté il y a deux mois en Irlande, c’est drôle, en plus des tournois internationaux annuels, on commence à avoir des ami(e)s d’ailleurs que l’on retrouve dans un autre ailleurs, nos amis belges en Irlande, notre ami Irlandais au Japon, c’est à la fois fascinant et à la fois…familier. Nous réalisons l’étendue de cette grande communauté qui s’installe et se tisse au sein de l’IMCF.


Benoit tout enthousiaste, discute avec les autres combattants à l’étage pendant que moi, je l’abandonne pour aller me coucher, là, je suis vraiment fatiguée et j’ai hâte de mettre mes jambes à l’horizontal pour leur donner une chance de désenfler. Alors que je ne l’attendais plus, mon homme vient me rejoindre, j’ignore si c’est par dépit parce que les autres voulaient se coucher ou si c’est parce que lui-même ne tenait plus debout, n’empêche qu’on a sombré en moins de deux minutes pendant que de l’autre côté de la planète, les gens faisaient leurs courses d’avant Noël en plein cœur d’après-midi.  
Notre plumard!

dimanche 26 novembre 2017

De l'autre côté de la planète!



14 heures?!!!!
Eh oui! Un vol pour Toronto et après on «fly» direct au Japon, me dit Benoit en consultant le site interne d’Air Canada.

Ouf! Le jour du départ, je me sens devenir claustrophobe, c’est beaucoup de temps à être coincés dans l’avion, pourvu qu’on ne soit pas assis dans les bancs du milieu de la rangée de quatre bancs elle-même au milieu. Bon à cheval donné, on ne regardera pas trop la bride! Mais on va prévoir le coup pour rendre ça le plus confortable possible. On apporte notre ordi avec des séries et des films, notre «splitter» avec nos gros écouteurs, nos oreillers de cou, un livre, un cahier de notes, des grignotines, une bouteille vide pour remplir juste avant de monter et même mon pyjama.

À Toronto, en attendant qu’on nous appelle pendant l’embarquement, nous sommes un peu nerveux, y a pas mal de monde. C’est toujours un peu stressant pour des vols comme celui-là, où l’on doit faire Montréal-Toronto avant, parce que dans le cas où nous n’embarquerions pas, nous devrions attendre 24 heures pour le prochain vol ou retourner à Montréal. Finalement on reconnait vaguement nos noms (des noms francophones c’est tellement exotique au Canada anglais!@@ Pfff) et on se rend au comptoir pour prendre nos billets. Nos sièges sont exactement ceux que nous redoutions, en plein milieu. On se croise les doigts, qui sait peut-être que les deux sièges de côtés seront libres?

Une fois à l’intérieur, eh ben non, nous nous dépêchons de trier ce qu’on garde avec nous et le reste est rangé dans le porte bagage. Je me dépêche aussi d’aller aux toilettes pour me changer et ainsi, éviter d’avoir à me lever et déranger mon voisin, du moins pour les deux prochaines heures. Nous avons tellement de stock tout autour de nous, que je suis découragée à l’idée de m’extirper de là éventuellement. Le moins souvent possible, le mieux ce sera. Je doute qu’on ait suffisamment d’espace pour regarder nos films sur notre ordi, mais sait-on jamais.

Je commence un film, c’est-à-dire que j’envisage de regarder un des films proposés par le système de divertissement d’Air Canada, mais avec les publicités interminables et les messages des agents de bord, du commandant, des nombreux rappels, en français et en anglais, et de l’interdiction de porter mes gros écouteurs avant d’être là-haut, ça prend une bonne demi-heure avant que je puisse écouter mon film.

Durant le repas, mon voisin, un monsieur japonais renverse un peu de son vin dans son cabaret et spontanément je l’aide en prenant ma serviette de papier pour éponger le dégât avec lui, il me remercie gentiment. Puis je finis mon repas en discutant avec Benoit, qui ne peut manger, ni la petite salade de fèves d’edamame (soya), ni le pain, ni le morceau de gâteau, juste la petite portion de saumon et de riz. Les grignotines vont finir de remplir son estomac et dans un monde idéal, nous nous enfoncerions dans nos films avant de nous endormir profondément jusqu’à demain matin, à temps pour le déjeuner.

Mais aujourd’hui l’idéal n’est pas au rendez-vous et c’est en dormant des « capsules » de 15-30 minutes, j’ignore comment ça peut être possible la tête coincée dans un oreiller comme le mien, avec un mal de cou du dormeur assis. Je n’ai plus de position, je sens ma circulation sanguine, en fait, je ne la sens plus et j’imagine mes chevilles enflées. C’est ainsi que se passe ma longue nuit et quand je vois que mon voisin n’est pas sur son siège, je me lève à mon tour avec une urgence de bouger plus encore que d’aller à la toilette. J’ai des p’tites mini bouffées de panique, j’ai hâte de sortir de l’avion, ce qui n’arrivera pas avant encore un bon trois heures.

Je réintègre ma place dès que les chariots commencent à circuler pour servir le déjeuner. Cette fois nous aurons un «vrai» déjeuner, je choisi les œufs brouillés avec saucisses et Benoit prend un gruau de riz. Normalement sur la majorité de nos vols (principalement de nuit), on nous sert avant d’arriver, une tranche de gâteau aux bananes, toujours la même, mais sur des vols aussi longs, faut évidemment manger plus souvent. C’est pourquoi au courant de la longue nuit, des nouilles ramens ont été servies ainsi que des pretzels, des collations que Benoit n’a pu manger malheureusement.   


La deuxième partie du vol est assez semblable à la première, une combinaison de bouts de film, de siestes et de bavardage avec Ben. Du moment que l’avion est immobilisé après l’atterrissage, les gens sont comme des ressorts et se lèvent même en sachant que ça prendra quand même un bout de temps avant qu’ils puissent sortir. J’ai l’impression que le dessous de mes pieds est arrondi tellement ils sont enflés et j’ai mal à mon genou. Je me le suis tordu l’été dernier en voulant éviter de tomber et il est resté sensible.

En nous dirigeant vers les douanes, nous laissant porter par le super long tapis roulant, mon voisin japonais passe tout près et dit à Benoit «Elle est mon amie!» et me salut poliment à la japonaise et continue son chemin. Je lui offre mon plus beau sourire en retour un peu surprise par cet ami spontanément déclaré, il ne m’a pas parlé du vol, soit il dormait, soit il était trop timide. En tout cas, il a apprécié mon aide même si elle m’a parue bien futile.

En arrivant à l’aéroport d’Haneda nous faisons un saut de 14 heures dans le futur, donc pour nous c’est le matin (nous sommes partis en pm la veille) mais ici c’est déjà en soirée, c’est un peu déroutant. En revanche, sur notre retour, nous arriverons le même jour et presque la même heure que nous serons partis de Tokyo. Notre vrai défi, sera de nous rendre au dojo de Jaye à partir des indications qu’il nous a donné, tout ça en transport en commun.

Déjà, faut récupérer nos gros et nombreux bagages et trimballer tout ça dans le métro de Tokyo, nous essayons de ne pas paniquer en regardant le panneau, on espère trouver de l’aide en anglais au pire. Nous n’avons pas le choix d’ouvrir l’œil et observer, car même si on voit ici et là des indications en anglais, c’est tout de même le japonais qui domine et c’est normal. Nous repérons un guichet et allons d’abord retirer de l’argent, ensuite on regarde encore les notes de Jaye et à l’aide de la grande affiche du métro, on trouve l’endroit où l’on doit transférer. On installe nos bagages et nos sacs stratégiquement, c’est-à-dire, j’ai la grosse valise à roulette avec un sac dessus d’une main et de l’autre ma petite valise sur roues aussi. Ben a son gros sac à dos plus ses deux gros sacs d’armure et après avoir acheté nos tickets, nous passons les tourniquets tels des escargots trainant notre maison sur notre dos (j’exagère à peine nous vivons dans un minuscule 3 et demi!).


C’est ultra propre, nous pourrions nous asseoir sur le plancher et y manger et les gens concentrés sur leur portable, sont silencieux, le seul bruit vient des voix habituelles d’annonces dans le métro et ça, toutefois, on l’entend régulièrement. Étrangement, comme nous avons suivi pas mal de séries d’animés japonais (Benoit encore plus que moi) l’ambiance du métro nous semble presque familière. On se tient prêt et quand le wagon ouvre ses portes devant nous on se dépêche de tout rentrer rapidement, par chance y a pas de foule compacte. Nous jetons un œil au panneau à l’intérieur question de nous donner une idée de la distance à faire en comptant les stations, et attendons de voir le prochain arrêt pour s’assurer que nous sommes dans la bonne direction. Quand c’est fait, on se détend un peu, les gens sont très discrets et ne nous dévisagent pas, même si c’est clair qu’on est des vrais de vrais «gaijins». Dans notre cas, on pourrait être des extra-terrestres et nous ne serions pas plus étranger, physiquement et culturellement, mais en plus nous avons des personnalités plutôt… disons… démonstratives. Avec notre ilot qui prend beaucoup de place, nous sommes un peu gênés et sommes un peu soulagés quand nous descendons sur le quai. Les gens sont très respectueux, mais nous avons l’impression d’arriver dans ce pays, comme avec des grosses bottes sur un plancher tout propre et fraîchement ciré.

jeudi 23 novembre 2017

Automne 2016



Il y a maintenant un an, je décidais d’écrire ces chroniques afin de faire découvrir l’univers du béhourd qui a pris place, il y a presque cinq ans, dans notre vie, à Benoit et moi. Après 62 chroniques totalisant 372 pages, je ne me lasse pas de raconter nos aventures un peu partout dans le monde, mais aussi les réalités avec lesquelles nous devons composer. Je travaille actuellement à créer un site web et à traduire les chroniques en anglais pour pouvoir offrir un plus grand accès le plus vite possible.

Ne manquez pas de lire les prochains récits de voyage, qui cette fois, vous entraîneront, entre autres, sur deux nouveaux continents, l’Asie et l’Amérique du sud. Qui aurait pu dire que le combat médiéval à la façon européenne se pratiquerait au Japon et en Argentine? Et bien vous découvrirez que non seulement ce sport y est pratiqué, mais en plus, il y est pratiqué avec sérieux, même si ces gens rencontrent plus d’obstacles en ce qui concerne l’approvisionnement du matériel et du voyagement.

Comme si ce n’était pas suffisant pour une année, vous pourrez aussi nous suivre au Danemark et en Écosse (deux fois!).  Mais…continuons là où nous étions rendus, c’est-à-dire en novembre 2016, au retour de notre aventure en Irlande.

Novembre, dehors on gèle, nous avons eu une bordée de neige la nuit dernière. Alors que je prends mon café en relisant ma première chronique, Benoit me demande : ‘’Japon le mois prochain?’’ Jaye Noyes, le capitaine de l’équipe japonaise, lui avait touché un mot à propos d’un tournoi en studio, à Tokyo, avant notre voyage en Irlande, mais pour nous, ça relevait du fantasme : un voyage en octobre en Irlande, le meeting au Danemark en novembre et le Japon juste avant Noël, c’était de la folie. Ça fait un peu plus d'une semaine que Benoit est revenu de l’Assemblée générale, et il me propose ça. Avons-nous les finances pour? Le billet d’avion n’est pas un problème comme toujours, mais les frais de voyage? Et puis pourra-t-il réussir à faire encore des échanges d’horaire avec ses collègues de travail?

On commence à cogiter là-dessus plus sérieusement soudainement conscient que le fantasme est peut-être réalisable. Parallèlement, Benoit travaille activement sur le tournoi au Danemark et…sur celui en Écosse. Lui et William Murray ont une correspondance continue, même si l’administration de Scone Palace est maintenant sur le coup. Benoit flotte encore un peu, car il a enfin eu la reconnaissance de ses pairs quand il a eu droit à une ovation de la part de l'assemblé pour son travail titanesque accompli pour le Portugal et pour le projet Écosse en 2018. Il est conscient depuis un bout de temps qu’il ne doit plus attendre de reconnaissance de ses pairs au Québec. Déjà que la médaille d'or remportée par son équipe en Irlande est complètement passée sous silence ici. Seule Christine qui est au sein du CA de la fédération québécoise maintenant, tente d’encourager tout le monde, incluant l’équipe de Benoit. Mais bon, il commence presque à être habitué et il concentre son énergie à l'international (IMCF), là au moins son travail est reconnu et apprécié. Personnellement, je ne comprends pas, je trouve que ça frise le ridicule, on préfère le snober plutôt que de profiter de ce qu’il apporte : Une voix pour le Québec sur l’échiquier mondial.  D’un autre côté, y a des membres ici qui ont des comportements inacceptables, cyberintimidation sur les babillards, propos racistes, homophobes, sexistes et quand ces derniers participent à des tournois, trichent, blessent volontairement avec des coups illégaux, on les tolère voire on les félicite pour leur participation. Y a des jours où je me lève avec une envie d’en fesser quelques-uns et d’autres où je me dis qu’au sein de la fédération y a un gros problème de syndrome de Stockholm. On a beau essayer de prendre ça avec philosophie, n’empêche que ce genre d’attitude va tuer le béhourd au Québec, car à force de tolérer l’intolérable, on justifie des comportements haineux qu'il faudrait pourtant et à tout prix empêcher de s'installer chez des gens qui se frappent avec des armes réelles pour se divertir. Le pire est que lorsqu’on aborde le problème avec certains membres de la fédération, on dit ‘’Ben si on les met dehors on va perdre trop de monde et ça va tuer le sport au Québec.’’ Quelle farce grotesque !!

 Comme apparemment Benoit parle dans le vide, il se concentre ailleurs et cueille chaque petit moment positif comme une victoire sur sa vie, son meeting lui a fait du bien. Seul inconvénient, il n’a presque rien mangé car avec des problèmes alimentaires comme le sien, un petit budget et très peu de choix de restaurants, ça veut dire souvent, jeûner contre son gré. Quand il me raconte via messenger, qu’il n’a pu manger le repas offert par le château Spotrup (viande en sauce, sauce=farine) et que plus tard, en soirée, il a mangé sa frite chez McDo en regardant avec envie les autres s'empiffrer de gluten, ça me rend triste pour lui. La veille, il a mangé un hambuger steak bien ordinaire dans un resto, un des rares repas accessibles pour lui et avec un verre de vin, ça lui en a coûté 300 couronnes danoises (environ 60$). Bien sûr, ça peut paraître plutôt raisonnable pour ce genre de repas, mais pour nous qui sommes habitués de voyager à coûts réduits, c’est beaucoup en considérant qu'il y a quelques repas d'ici son retour lundi soir. Il n’avait pas non plus prévu qu’il ne pourrait pas manger le repas offert après l’Assemblée. Bref, quand il est revenu à la maison, je l’attendais avec un super Mac&cheese sans gluten, plat qu’il a dévoré.

Ce meeting qu’il a fait sans moi, nous fait prendre conscience à quel point nous sommes liés en tant qu’amoureux bien sûr, mais aussi en tant que partenaires dans cette aventure. Durant les quatre jours qu’a duré son voyage, nous discutions plusieurs heures sur messenger et surtout à propos du meeting, du prochain tournoi et de celui qu'on ne doit pas annoncer avant la cérémonie de clôture.  Il a pu constater que le coût de la vie est très élevé là-bas, va falloir que nous soyons stratégiques quand nous irons en mai.. Heureusement, il y aura une formule de location de mini tentes sur le terrain à bas prix pour ceux qui viennent de loin (et y en a beaucoup!). Il y aura aussi un forfait repas offert pour cinq jours par l’administration en place, et si c’est bon pour moi, c’est risqué pour Ben, condamné, peut-être à ne pas pouvoir manger la moitié des aliments. Comme dans la plupart des pays nordiques, au Danemark, il y a beaucoup de féculents et dans les restaurants, surtout sur la route, bien souvent, que des burgers ou de la pizza. Notre solution serait-elle de louer une voiture et acheter notre bouffe au marché en ville? Nous avons toujours, la poudre et les barres protéinées et notre gros sac de noix mélangées, mais une semaine c'est long tout de même.


Nous devrons évaluer combien il en coûte pour la location de voiture, et le cas échéant, les prix de trains ou d’autobus entre Copenhague et Spottrup  à 150 kilomètres l’une de l’autre. Comme il l’a fait pour l’Irlande, Benoit ne veut prendre personne sur ses billets, nous n’avons donc pas à tenir compte des autres. Nous avons encore six mois devant nous, mais deux semaines pour nous décider pour le Japon…

Table typique chez-nous, on reconnait, l'épée, des pièces d'armure, un passeport, une prise d'adapteur europééenne, un fouilli de papier et bien sûr l'ordi.