Ce matin, je laisse Benoit partir devant,
tellement il est stressé…et stressant, et même si je comprends pourquoi, je
pense que c’est mieux pour nous deux. J’en profite pour faire l’inventaire de
ce que j’ai dans la chambre qui pourrait m’être utile aujourd’hui : bouffe,
chargeur, crème solaire, etc. Je descends manger et je croise Julia qui me donne
les broches commandées au printemps pour mon équipe. Je vais pouvoir leur
remettre ce matin, tout le monde devrait être au campement en train de se
préparer pour la cérémonie d’ouverture.
Je ne tarde pas dans la salle à manger et
file rejoindre ma gang. Comme pour se faire pardonner pour les deux dernières
journées grises, humides et venteuses, Mère nature a décidé de nous offrir un
beau matin ensoleillé. Le fond de l’air est frais, c’est une bonne chose si ça
reste ainsi pour le reste de la journée, mais bon ce serait inhabituel pour
l’Écosse.
Je suis tout de même surprise de voir
autant de voitures pour la cérémonie d’ouverture du tournoi. Celles-ci s’agglutinent
tranquillement dans le stationnement aménagé pour l’occasion, dans le champ
entre notre hôtel et l’une des entrées. Comme toujours, je montre par réflexe mon bracelet IMCF qui nous est distribué et qui permet d’entrer et sortir du
terrain librement sans payer. Mais le port de notre costume s’avère bien
souvent, notre premier laisser-passer le plus efficace, moi, c’est surtout par mes
cheveux que le «staff» me reconnaît.
J’arrive au campement, l’ambiance est très
joviale, nos amis belges et québécois bavardent tranquillement, certains
(Karin, Gabriel, Louis-Alex, Charles, Fanny, Marie-Pier et Sébastien) pour
qui c’est leur premier tournoi mondial IMCF, font connaissance avec les Belges.
Je cherche Andrew, où est Andrew? Nous n’avons pas eu de nouvelle encore, il
devrait être ici pourtant. J’essaie de rester calme, peut-être que Ben sait où
il est.
Je distribue des becs, des accolades et
les broches à ceux et celles qui m’en avaient commandé. C’est beau de voir
notre campement, une belle famille belge et québécoise qui se retrouve chaque
tournoi depuis Malbork en 2015. On s’aime tant! Andrew arrive justement avec
Annie, enfin! Il est à moitié armuré, conscient qu’il arrivait pas mal tard
pour se préparer, toutefois, comme il n’avait pas reçu encore son bracelet, il
a dû un peu s’obstiner à l’entrée, ce qui l’a retardé encore plus.
Les journalistes circulent autour, notre
campement est du côté de la grande porte, là où passera le cortège. La BBC est
là aussi avec leur journaliste, qui est train de mettre l’armure avec laquelle
il fera un combat amical dans une heure au sein de l’équipe écossaise, contre
l’Ost du Québec. Il est nerveux, il n’est plus certain de vouloir le faire, nos
filles le rassurent et l’aident dans sa préparation. Pendant ce temps, ils en
profitent pour faire des courtes entrevues avec Gabrielle et notre amie la championne de l'équipe irlandaise, Lara. On entend
les cornemuses et les tambours du groupe Clann an drumma qui nous accompagneront
durant les quatre prochains jours. C’est magique!
Une partie de l’équipe s’en va prendre
place de l’autre côté de la porte pour la cérémonie d’ouverture, on a demandé à
tous de limiter le nombre de personnes car nous avons un horaire très chargé à
respecter. Nous avons 31 équipes à faire défiler, plus, une nouveauté cette
année, quelques reenacters sur leur monture. De toute façon, aussitôt
que la cérémonie sera terminée, nous enchainerons tout de suite avec le combat
amical pour la BBC. Cette couverture de la BBC est très importante pour nous
car, toute la semaine, il y aura une petite capsule de quelques minutes à
propos de notre évènement à l’émission du matin à la télévision. C’est une
belle visibilité pour l’IMCF, une occasion pour parler de notre sport et
pourquoi pas pour déboulonner certains mythes tenaces.
https://www.youtube.com/watch?v=JALiqmv02ZU ( IMCF Breakfast)
Les gars de notre équipe vont en profiter
pour finir de se préparer, et moi je me place sur le bord de l’allée pour bien
voir le défilé, j’ignore où est Ben mais comme il veut se battre tantôt, je
devrais le voir bientôt. Les cornemuseurs entament le mouvement et ouvrent la
marche, suivis des chevaux puis des équipes derrière le drapeau de leur pays.
Comme à l’accoutumée tout ce beau monde forme un cortège qui pénètre ensuite dans
la lice…sauf les Ukrainiens qui n’arriveront que ce soir.
Hubert, notre président, ouvre avec un
discours et Lady Murray nous souhaite la bienvenue, le discours n’est pas trop
court ni trop long, normalement ça a tendance à s’éterniser parce qu’il y a
plus d’officiels qui prennent la parole. Aussitôt que la lice est vide, les
deux équipes sont prêtes ou presque…je vois arriver mon homme en moitié
d’armure et les garcettes en l’air! En colère parce qu’il a dû faire revérifier
son arme à l’inspection et parce qu’il n’y avait plus personne au campement
pour l’aider à mettre son armure. Normalement, tout le monde est toujours en
retard, mais il avait tant insisté sur l’importance, cette fois-ci, pour la
télé, d’être prêt et en place, qu’il s’est un peu tiré dans le pied. Moi je lui
avais offert mon aide plus tôt mais à ce moment-là, il avait plus important à
faire, évidemment.
Donc, il est en mode panique mais il est
conscient qu’il va devoir passer son tour et laisser les autres faire le combat
sans lui, c’est quand même juste un combat amical. Les gars s’efforcent de faire
un beau show même s’ils doivent se retenir et faire attention à la caméra
installée sur le casque du journaliste. Andrew, comme toujours impressionne par
sa taille et en combattant vétéran pour le Québec avant même la fondation de
l’IMCF, sait comment gagner la foule.
https://youtu.be/029pguDPWLk
(BBC Sports Presenter Mike Bushell becomes a Medieval Knight at Scone Palace, during IMCF 2018)
Après le « sympathique combat », l’avant-midi est consacré aux duels à la hallebarde, féminin et
masculin, donc c’est Cloée et Dom qui vont concourir aujourd’hui, la seule
autre catégorie étant le 10 contre 10. Benoit coache personnellement Cloée,
comme toujours. Notre championne conservera-t-elle sa place de championne
mondiale cette année? Dom se classera-t-il? Remportera-t-il une médaille? On
retrouve dans le pool de Cloée, la Canadienne, l’Ukrainienne et l’Anglaise. Tandis
que Dom de son côté affronte, l’Américain, l’Australien et l’Espagnol.
À 13:00 heures, nos deux duellistes nous
ont donné de très bons combats, sont sortis de leur pool et vont en quart de
final après les combats de 10 contre 10 en fin d’après-midi. Cloée n’a pas
perdu une seule fois, elle a donc gagné ses trois combats en deux rounds.
Nous avons une demi-heure de lunch, c’est
la bonne humeur au campement! Je retrouve Benoit pour quelques minutes et je
lui donne quelques trucs à manger. Je le raccompagne jusqu’au château, il veut
me montrer la pièce des commentateurs où il sera bien souvent. Aussi, il veut
que le gardien de sécurité puisse m’identifier quand je voudrai le rejoindre
là-haut.
Dans
le hall, je reconnais le musée que nous avons visité en novembre dernier lors
de l’Assemblée générale, mais cette fois-ci, nous empruntons l’escalier de
droite qui mène à une section privée du palais, nous montons aux chambres,
minuscules, qui devaient probablement loger les domestiques au début du siècle.
Elles ont gardé un cachet vieillot tout à fait charmant. Une table moderne a
été disposée au milieu pour le temps du tournoi, elle prend presque tout
l’espace et jure un peu avec le petit lit et la commode. Les deux chaises des
commentateurs sont à la fenêtre avec les micros dont les fils sont tapés au
sol sur l’épais tapis et qui sont branchés quelque part dans l’étroit corridor.
Y a du monde partout en bas! Wow!
Avant de redescendre pour voir les combats
de 10 contre 10 qui vont bientôt commencer, j’en profite pour brancher mon
chargeur avec mon adapteur. Je reconnais quelques-uns des nôtres autour de la
lice, d’autres dans les rares sièges vacants, laissés par des spectateurs
probablement partis manger au kiosque de burgers. Une partie du groupe s’est
installée au soleil du côté de la tente d’arbitre, là où les combattants se
préparent juste avant les combats, je vais les rejoindre. Il fait beau soleil
mais pas trop chaud, on est super bien! On s’amuse et on prend des photos,
c’est la première fois que je m’amuse vraiment avec notre groupe, ça augure
bien pour le reste de la semaine. Ben est quelque part autour de la lice avec
Hubert, ils suivent les combats.
C’est la France contre la Finlande qui
s’affrontent et à un moment donné, il y a échauffourée dans un coin, un
Finlandais plié en deux à 45 degrés, retenu par deux Français, qui reçoit un
coup puissant à la nuque d’un adversaire. Un coup illégal qui ne passe pas
inaperçu puisque le Finlandais s’écroule et tressaute au sol de manière
inquiétante. En quelque secondes, les arbitres viennent créer une barrière
entre le blessé et le public pour éviter une escalade de panique dans
l’assistance. Les soigneurs sont autour de lui, tout le monde est en suspend
attendant de connaître la sévérité des blessures.
Il n’y a pas d’ambulance sur place, l’IMCF
avait demandé la présence d’une ambulance en permanence, mais Stephen avait
fait faire un estimé sur le risque de blessure à partir de nos tournois
précédents, comme quoi, nos besoins nécessiteraient uniquement la présence de
quelques soigneurs, l’équivalent de l’ambulance St-Jean.
Heureusement, le blessé est conscient,
c’est déjà moins inquiétant, toutefois, les soigneurs persistent à refuser
d’appeler l’ambulance convaincus que le danger est écarté. Le hic est que ça
pourrait être grave vu le coup reçu, il doit aller à l’hôpital, Stephen est
d’accord avec Ben et Hubert! Finalement l’ambulance vient chercher le
Finlandais pour le transporter à l’hôpital et faire un examen plus complet. Dès
demain, il y aura une ambulance sur place, plus de risque à prendre.
Dans
la foulée, Ben doit rassurer aussi l’équipe finlandaise qui ne veut plus
continuer leurs combats contre les Français. C’est une garantie, l’équipe
fautive aura un carton rouge avec une menace d’expulsion qui plane sur la tête
de tous les co-équipiers. Ironiquement le dernier carton rouge à avoir été
donné, dont je me souvienne, c’est à mon ami français, Julien. Cependant, il
lui avait été retiré parce qu’il l’avait reçu injustement, victime d’une décision
hâtive et expéditive de la part d’arbitres paniqués face au Néo-Zélandais
blessé. Mais cette fois-ci, la faute est évidente et vue de tous, les Français
vont devoir faire très attention.
Enfin,
quand le 10 contre 10 est terminé, nos duellistes retournent en piste pour les
quarts de finale, Cloée rencontre l’Allemande et Dom, l’Autrichien. Benoit est
revenu aux côtés de Cloée, il se fait un devoir d’y être, et ce, depuis qu’il
l’a pris sous son aile à ses débuts en 2015. Bien sûr, aujourd’hui c’est une
championne, mais c’est devenu un rituel entre eux. Benoit connaît
parfaitement la combattante Asperger, il sait comment lui parler et entrer dans
sa bulle. Pour Cloée c’est rassurant.
Mais pour le moment, elle n’est guère
inquiète, elle remporte son combat en deux rounds! Dom gagne aussi le sien sous
les cris de joie des Québécois!
En demi-finale, fait surprenant, Cloée et
Dom affrontent les deux duellistes français, ils remportent de nouveau leur
combat. L’excitation est à son comble dans l’Ost, nos deux hallebardiers sont
en finale!
En cette belle fin de journée, Cloée
remporte finalement la médaille d’or contre la Polonaise, elle a gagné depuis
ce matin, tous ses rounds, aucune défaite, faut le faire! Dom perd contre
l’Américain, il se retrouve en seconde place donc il remporte la médaille
d’argent, première médaille chez les hommes québécois à l’IMCF!
On exulte!
Benoit me raconte que Cloée a trouvé ses
victoires un peu plates parce qu’elles ont été vraiment trop faciles, je n’ai
pas de mal à le croire. On lui souhaite d’avoir un peu plus de défi pour le
combat en équipe samedi.
Au campement le groupe propose d’aller souper
ensemble à l’extérieur question de fêter ça. Malheureusement pour nous, y a
tant à faire, c’est loin d’être fini et y a les Ukrainiens qui viennent
d’arriver faut les aider à s’installer rapidement pour qu’ils puissent être
prêts demain matin. Benoit va voir Dom pour le féliciter pour sa médaille et
s’excuse sincèrement de ne pas les accompagner, ce qu’il comprend parfaitement.
Nous les quittons un peu à regret pour aller voir où en sont rendues les
choses. Le site vient de fermer, les spectateurs sont repartis, les employés du
palais et les marchands de bouffe quittent à leur tour. Il reste quand même
beaucoup de monde mais c’est moins bruyant, à part le cri incessant des paons
qui se baladent en liberté à longueur de journée.
Nous croisons Kateryna et Oleksii sur le petit
chemin, ils sont soulagés d’être enfin arrivés, leur groupe est déjà en train
de s’installer sur le terrain dans le coin des Écossais. On s’assure auprès de
Louise qu’il y a suffisamment de bois pour tout le monde, il ne pleut pas mais
y a plusieurs équipes qui sont allés à Battle of the nations la semaine passée
qui se tenait en périphérie de Rome et il a plu durant tout le tournoi.
Résultat : des combattant(e)s qui sont arrivé(e)s avec leur matériel
mouillé et qui sèche difficilement, surtout les gambisons. Même si dans le
jour, il fait beau et venteux, la nuit, il fait froid, et le matériel reste
humide, accentué par l’humidité laissée par notre début de semaine sous la
pluie intermittente.
Après
avoir fait le tour de tout le monde qui requiert l’intervention de Benoit, nous
nous accordons un verre avec les Irlandais et les Écossais. On picosse un peu
dans les restants du souper que Shona et Joshua ont préparé. À peine
l’obscurité est tombée que nous retournons à l’hôtel accompagnés d’Hubert, nous
tombons de fatigue. Oh que le lit va être accueillant ce soir!
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